Mineur.e.s incarcéré.e.s, un livret d’information pour faire connaître et défendre leurs droits

PAR Carlos Lopez
Membre du CA de l’OIP, responsable syndical du SNPES PJJ FSU Auvergne

ET Carole Sulli
Co-responsable de la commission mineurs, SAF Paris

L’Observatoire International des Prisons (OIP), qui agit pour le respect des droits de l’homme en milieu carcéral, vient de diffuser un livret d’information sur les droits des mineur.e.s incarcéré.e.s à destination des jeunes et de leurs familles ainsi que pour l’ensemble des professionnels en lien avec les mineur.e.s détenu.e.s.1

 

Pourquoi une telle publication ? L’OIP a fait le constat de la méconnaissance du droit des mineurs incarcérés, de la nécessité de les faire connaître afin d’aider et d’accompagner les jeunes, mais aussi les familles confrontées brutalement à l’incarcération d’un enfant.
Si le principe de la primauté de l’éducatif sur le répressif a été consacré comme un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République par le Conseil Constitutionnel le 29 août 20022, le Code de la justice pénale des mineurs – comme l’ordonnance du 2 février 1945 avant, prévoit la détention des mineurs.

  • Un mineur peut être incarcéré :
    Dans le cadre d’une détention provisoire :
    Dès l’âge de 13 ans au moment des faits3 :
    &gt ; S’il encourt une peine criminelle
    &gt ; S’il encourt une peine correctionnelle, en cas de non respect d’un placement en centre éducatif fermé et de violation répétée ou d’une particulière gravité de l’obligation de respecter les conditions d’un placement en centre éducatif fermé dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou si cette violation est accompagnée de la violation d’une autre obligation du CJ, et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations ne peut suffire pour atteindre les objectifs prévus à l’article 144 du CPP.
    À partir de l’âge de 16 ans au moment des faits4
    &gt ; S’il encourt une peine criminelle ;
    &gt ; S’il encourt une peine d’emprisonnement d’une durée ≥ à 3 ans
    &gt ; S’il s’est volontairement soustrait aux obligations d’un CJ ou d’une ARSE et en cas de violation répétée ou d’une particulière gravité des obligations du CJ ou de l’ARSE et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations ne peut suffire pour atteindre les objectifs prévus à l’article 144 du CPP.

 

  • En exécution d’une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme :
    Dès l’âge de 13 ans au moment des faits.

Aujourd’hui, l’incarcération des enfants en France connaît un caractère encore important et parfois banalisé. Dans certains quartiers mineur.e.s, les mineur.e.s non accompagné.e.s peuvent constituer près de 30 à 40 % des effectifs.
Il existe en France 6 établissements pour mineurs (EPM) – 45 quartiers mineurs (QM) au sein des centres pénitentiaires ou maisons d’arrêt des hommes (dont 3 centres de semi-liberté) – 3 établissements pour mineures (EPM) et 4 quartiers mineures au sein des centres pénitentiaires ou maisons d’arrêt des femmes)5.
De façon générale, hors procédure d’instruction, les temps d’incarcération sont souvent courts (en moyenne de trois semaines) du fait de la nouvelle procédure prévue par le CJPM, mais l’on constate que pour certains jeunes, ces incarcérations courtes se répètent, très rapidement, soit en détention provisoire soit ensuite en exécution de peine.
La Cour des comptes publiait au mois de juillet 2023 un rapport avec ses observations définitives sur les centres éducatifs fermés et les établissements pour mineurs6 avec un certain nombre de recommandations.
Le Contrôleur général des lieux de privation de libertés publiait en 2021 un rapport exhaustif sur les droits fondamentaux des mineurs enfermés et a rendu un avis, le 17 novembre 2023 relatif à l’accès des mineurs enfermés7 à l’enseignement, préconisant une identification des besoins, profils et parcours des enfants et adolescents enfermés, le renforcement des enseignements8 en milieu fermé et que soit garantie la continuité de la prise en charge scolaire des mineurs enfermés.

 

L’incarcération d’un enfant est toujours un choc.

Pour les mineurs ayant de la famille, ce temps d’emprisonnement est souvent vécu avec beaucoup de difficulté, de honte et de fatalité.
Pour les mineur.e.s non accompagné.e.s, cette détention se déroule le plus souvent dans un grand isolement, sans visites.
Enfin, pour les professionnels intervenants en prison ou suivant ces mineurs avant leur incarcération, ce moment est également parfois complexe du fait des démarches à accomplir en urgence.
Aussi, l’OIP a élaboré, avec la collaboration du Syndicat de la Magistrature, du Syndicat des Avocats de France et du SNPES-PJJ/FSU ce livret d’information, qui peut utilement se compléter avec le Guide du prisonnier9, afin que les droits des mineurs détenus soient mieux connus, que les jeunes et leurs familles ne soient pas happés par les effets souvent destructeurs et désocialisant de l’enfermement carcéral.
Car les mineurs incarcérés ont des droits fondamentaux. Et si le droit pénitentiaire s’applique, celui de la Convention internationale des droits de l’enfant aussi !10
Outil dédié, ce livret d’information rappelle les droits des jeunes, les spécificités liées à la détention des mineurs, telle la séparation d’avec les majeurs, ou le principe de l’encellulement individuel.
L’intervention éducative doit être continue, avec la prise en charge assurée par la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Les enseignements et/ou les formations suivis antérieurement doivent être garantis, la scolarité restant obligatoire pour les mineurs de moins de 16 ans et devant rester possible pour les plus de 16 ans.
Dans les faits, cependant, cette scolarité est rarement mise en œuvre de manière efficiente et les jeunes sont souvent en rupture de cursus.
Les parents, titulaires de l’autorité parentale, doivent être informés des décisions prises concernant leurs enfants incarcérés ; mais qu’en est-il du mineur non accompagné, alors que l’adulte approprié prévu par le CJPM11 n’est encore que trop rarement désigné ?
Aussi, ce livret disponible à l’OIP participe à ce que les droits des jeunes détenus soient connus, rappelés et défendus, et explicite, en cas d’atteinte, les modalités de saisine des organes de contrôle (CGLPL, Défenseur des Droits) ou de l’OIP.
À diffuser largement !

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