De la désobéissance civile au délit de solidarité, l’AED mobilisé contre la répression d’État

PAR Victor Audubert
Élève-avocat, délégué du SAF à l’AED, SAF PAris

ET Juan Prosper
Président de la commission internationale du SAF, Co-président de l’AED, SAF Paris

Après une mise en œuvre lors de la longue lutte pour l’indépendance de l’Inde dans le cadre des actions non-violentes décrites par Gandhi sous le terme Satyagraha, la notion de désobéissance civile sera popularisée dans les années 60 par les campagnes du Civil Rights Movement aux États-Unis.

 

L’inexorable fragilisation des droits et libertés publiques, l’émergence des enjeux migratoires et climatiques ont donné un nouveau souffle aux mouvements de désobéissance civile voulant contrer les tentatives illibérales des gouvernants, qui entendent désormais réprimer les expressions de ces mouvements qu’elles soient directes (violation massive de la norme dont l’abolition est recherchée) ou indirectes (action ne transgressant directement la norme mais visant à influencer l’opinion publique).
Pour faire face à la répression d’État, l’AED (Avocats européens démocrates), confédération européenne d’avocats dont le SAF est un des membres fondateurs s’est penchée le 16 février dernier à Marseille lors de son assemblée générale sur les outils de la riposte des stratégies de défense et de résistance.

Les outils de la risposte
Outre les interdictions administratives classiques, les gouvernements mobilisent désormais l’arsenal juridique issu des dispositifs antiterroristes et « anti-séparatistes » pour justifier par exemple la surveillance téléphonique des membres Tsunami Democràtic, partisans de l’indépendance de la Catalogne, le « harcèlement » institutionnel des ONG venant au secours des migrants en Grèce ou encore la répression des mouvements écologistes par le gouvernement fascistoïde de Giorgia Meloni. En France, cette offensive autoritaire se traduit également par les procédures-bâillon qui visent notamment à faire obstacle à l’action des organisations de défense des animaux tels que L214 en épuisant physiquement et financièrement les militants par la multiplication de recours.

Le droit outil fondamental
Fort heureusement le droit demeure le rempart et surtout le fer-de-lance contre l’oppression et ainsi permet de mettre en échec la dissolution des Soulèvements de la Terre dont le Conseil d’État a estimé qu’elle ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public. Le rôle du droit est donc devenu essentiel dans le cadre de la désobéissance directe, car au-delà des actions de mobilisation visant à obtenir l’abolition pure et simple d’une loi perçue comme « injuste », le law testing, à savoir l’ensemble des recours visant à obtenir une décision de justice statuant sur la validité de la norme contestée, est un outil efficace en permettant aux « contrevenants » de faire juger une loi en démontrant non pas tant qu’elle est injuste ou immorale mais qu’elle est contraire aux principes constitutionnels. C’est ainsi que le juge constitutionnel a donné raison à la persévérance de Cédric Herrou en reconnaissant de manière inédite le principe constitutionnel de fraternité et en censurant l’infâme délit de solidarité.

Les dangers pour des avocats de la mise en œuvre du droit dans certains pays
Ce développement du law testing n’est toutefois pas sans risque pour la profession d’avocat en raison de l’assimilation de son avocat à la cause de son client. En Turquie, plusieurs avocats ont été emprisonnés, avec des peines allant parfois jusqu’à dix-huit années pour des faits de terrorisme, en raison de la défense des militants poursuivis eux-mêmes pour les mêmes faits.
Malgré ce glissement dangereux dans la répression, les avocat.e.s ont un rôle majeur dans l’accompagnement et la défense des différentes expressions de désobéissance civile, car comme le soutient Hannah Arendt, la désobéissance civile est même essentielle, dans des sociétés qui évoluent rapidement, pour favoriser l’adaptation des lois et des institutions aux évolutions sociales. Elle n’a ainsi pas uniquement une utilité défensive mais un véritable rôle politique positif : faire progresser la démocratie.

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