L’année 2012 vient marquer le terme de 10 années durant lesquelles les atteintes aux droits fondamentaux, aux droits sociaux et à la défense des individus ont été constantes.
Par ses propositions, ses mobilisations ou encore les jurisprudences obtenues grâce à sa pugnacité, le SAF a toujours tenu son rôle dans la défense des plus démunis, afin de permettre l’avènement de nouveaux droits et de résister aux régressions.
Pourtant, ces engagements ne suffisent pas à construire une société plus juste.
La possibilité d’un changement de majorité politique en est la condition.
Mais le changement de majorité espéré n’est pas à lui seul la garantie de sortir de cette spirale de régression. Les réflexes sécuritaires sont bien souvent partagés quelle que soit la couleur politique des gouvernants. Cette société plus juste est possible si le changement s’accompagne d’engagements fermes tant sur les droits que sur les moyens pour les mettre en œuvre.
1. Cette société ne peut se construire sans un engagement budgétaire des pouvoirs publics permettant au service public de la justice d’assurer pleinement sa mission.
La seule proclamation des droits sans réels moyens pour les appliquer et les faire respecter est un leurre.
Quelle utilité de l’intervention de l’avocat en garde à vue sans moyens pour assurer sa mission ? Quelle avancée d’un droit au logement opposable sans moyens pour l’appliquer ?
L’accès au droit est consubstantiel au droit lui-même et non simplement l’accessoire d’une liberté proclamée : sans effectivité, le droit est nu.
Désengagement de l’Etat, marchandisation de la société en général et de la justice en particulier, dérèglementation de la profession…, le service public de la justice est méthodiquement démantelé, comme en témoigne la déjudiciarisation croissante, au même titre que les autres services publics.
A titre d’exemple, la France consacre au budget de la Justice 0,18% de son PIB et 58 euros par habitant contre 0,38% et 106 euros en Allemagne.
Dossiers en souffrance, délais déraisonnables, budget de l’aide juridictionnelle et de l’accès au droit notoirement sous doté : l’absence de moyens ne permet plus aux juges, greffiers et avocats d’assurer la qualité et l’accès à la justice du plus grand nombre.
Les dernières réformes de la justice poursuivent deux objectifs : une politique sécuritaire et une « rationalisation », sur de seuls critères financiers, au détriment de la qualité.
En cette période électorale, le SAF appelle à un engagement ferme des partis politiques, s’agissant tant de la place de la Justice que de son financement, et rappelle à l’ensemble des candidats :
la nécessité de rompre avec une conception sécuritaire de la justice et du droit, notamment par l’abrogation des lois liberticides votées depuis 2001 ;
la nécessité de doubler le budget de la Justice ;
la nécessité de repenser l’aide juridictionnelle de manière à rendre effectif l’accès au droit et à la justice pour tous.
L’accès au droit pour tous est un droit fondamental qui incombe à l’Etat, au même titre que l’accès à la santé et à l’éducation.
2. Cette société ne peut se construire non plus sur le repli, la peur et le rejet de l’autre.
Le Syndicat des Avocats France souhaite que nous sortions d’une société dans laquelle le droit pénal constitue le support nécessaire et obligé de tout comportement, dans tout domaine et à tout âge de la vie.
Une société ne peut s’épanouir sur une pénalisation, générale et galopante des comportements, présentée comme protection contre l’autre et contre soi-même, pour le bonheur de tous.
La réponse pénale ne peut concerner que les comportements gravement attentatoires à nos valeurs communes, socle de notre pacte social, commis par des auteurs responsables, au-delà de toute distinction fondée sur le sexe et la nationalité notamment.
Le Syndicat des Avocats des France souhaite qu’à partir de choix législatifs nouveaux, l’institution judiciaire retrouve sa fonction de régulation sociale en répondant de manière effective aux différends d’ordre privés et aux troubles à l’ordre public.
3. Enfin, cette société ne peut se construire sans l’obtention de droits nouveaux.
Une société plus juste se construit sur le progrès : progrès dans la défense des droits collectifs, le droit au logement, les droits sociaux ou encore une politique familiale repensée.
Progrès aussi en matière de citoyenneté qui ne saurait se réduire à la nationalité française. Dès lors le droit de vote des étrangers apparaît, au même titre que l’apprentissage du droit à l’école comme vecteur d’intégration citoyenne.
Fort de l’expérience de ses membres, avocats du quotidien et de l’exceptionnel, le SAF souhaite soumettre aux candidats des propositions dans le domaine de la justice et du droit.
Toutes ces propositions ne pourront être mises en œuvre en un an, l’immédiateté dans les décisions politiques, notamment en matière pénale, a des effets déplorables sur les choix effectués.
Pourtant, en matière de libertés et droits fondamentaux, l’abrogation des mesures liberticides ne pourra pas attendre.
En outre, les choix budgétaires permettant de mettre fin à l’asphyxie des institutions de la justice devront être faits dès le premier collectif budgétaire.