PUBLIÉ LE 16 mars 2022

En 2016, le législateur a mis en place une intermédiation financière des pensions alimentaires (IFPA) en cas de violences conjugales, permettant à l’organisme versant des prestations familiales (CAF ou caisse de la MSA) de collecter la pension alimentaire auprès du parent débiteur pour la reverser à l’autre parent.

Depuis le 1er mars 2022, ce système est devenu automatique même en l’absence d’impayés.

Il s’impose pour toutes les pensions alimentaires « en numéraire » fixées par un jugement de divorce, sauf si les parents s’accordent à le refuser ou, qu’à titre exceptionnel, le juge l’estime inadaptée à la situation des parties. Toutefois en cas de violences conjugales ou familiales l’IFPA est obligatoire.

Présentée à tort comme une garantie de paiement, cette intermédiation n’est en réalité adossée à aucun fonds de garantie : en cas d’impayé de la pension alimentaire par le débiteur, l’ARIPA (agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires) ne réglera pas la pension alimentaire. Comme avant, des mesures de recouvrement des pensions alimentaires seront nécessaires en cas de défaillance du débiteur.

Le créancier continuera seulement de bénéficier, et uniquement s’il y est éligible, de l’Allocation de Soutien de Famille (ASF), plafonnée à 116 € par enfant.

Sans résoudre le problème des pensions impayées, qui représentent environ 30% des situations, la généralisation de ce système à l’ensemble des familles est l’expression d’un interventionnisme disproportionné portant atteinte à l’exercice de l’autorité parentale.

Le SAF s’inquiète des pouvoirs croissants dévolus à la CAF en matière de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, contournant ainsi la censure du Conseil Constitutionnel de mars 2019 (DC 2019-778 du 21 mars 2019) qui avait alors rejeté le projet visant à confier au CAF la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Alors que les juridictions sont dans l’incapacité structurelle de traiter le volume actuel de l’activité des services d’affaires familiales, ce mécanisme dématérialisée créé une charge de travail supplémentaire pour les greffes qui doivent désormais :

– télétransmettre sur la plateforme ARIPA toutes les informations dans les 7 jours de la décision,

– et adresser dans les 6 semaines de la notification de la décision directement aux parties, un extrait exécutoire à l’organisme débiteur des prestations familiales et un avis d’avoir à signifier la décision, si l’avis de réception de la lettre de notification n’a pas été signé.

Cette réforme promet également de sérieux problèmes procéduraux puisque la notification directe de la décision aux parties par le greffe n’est encadrée par aucun délai et qu’il n’est pas davantage prévu de leur adresser la justification de la notification effective à l’autre partie, laquelle permet de connaître les délais de recours ou d’exécuter les autres dispositions de la décision (exercice de l’autorité parentale, autorisation d’inscription à l’école, attribution du domicile conjugal, transfert de résidence des enfants…). Les parties et leurs conseils perdent ainsi la maitrise des délais de recours et des voies d’exécution.

Présenté comme l’aboutissement d’un nouveau service public de versement des pensions alimentaires, l’extension de l’IFPA est un mirage  : non seulement elle aggrave le fonctionnement défectueux des juridictions familiales, mais, faute d’un véritable fonds de garantie de paiement des pensions alimentaires, les difficultés rencontrées par les familles monoparentales ne sont en rien résolues.

Le SAF invite les avocates et avocats et les justiciables à être vigilants sur l’application de ce dispositif et à n’y recourir que lorsque la loi l’impose.

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