Claude Michel vu de Bobigny

PAR Perrine Crosnier - SAF Bobigny

L’objectif de rendre possible l’accès au droit et à une justice plus digne pour tous a construit la vie professionnelle et syndicale de Claude. Les avocats de la Seine-Saint-Denis y restent ancrés et engagés par la même ambition.

 

Claude, venu des Bouches-du-Rhône pour intégrer Science Po Paris en 1952, avant de s’installer à Aulnay-sous-Bois en 1966, adhéra au parti communiste (qu’il quittera en 1980) et multiplia les activités militantes tout en étant aussi incorporé en 1959 et envoyé en Algérie malgré la naissance du premier enfant de Claude et Nadia, Denis, né handicapé en 1956.
En 1962, il obtint sa licence en droit et son certificat d’aptitude à la profession d’avocat et s’inscrivit au barreau de Paris.
Parallèlement, il est nommé secrétaire du groupe parlementaire communiste jusqu’en 1967 alors qu’il comptait 73 députés. Cet engagement le rapprocha de Robert Ballanger, député maire d’Aulnay-sous-Bois ce qui détermina son installation.
Il fut l’un des membres fondateurs du barreau en 1972, et le marqua par sa présence continue en qualité de bâtonnier à deux reprises, de membre du Conseil de l’Ordre, d’enseignant à l’école du Barreau, d’organisateur.

 

Rendre la juridiction de BOBIGNY attractive

Claude avait participé à l’élaboration d’un petit film sur l’histoire du barreau. Il expliquait que l’une de ses spécificités était d’organiser des évènements culturels et (ou) festifs pour mettre en lumière le barreau et donner de l’envie aux magistrats non convaincus de l’attrait de Bobigny d’y venir et d’y rester.
Pour les 50 ans du Tribunal, tous les présidents successifs sont venus affirmer que Bobigny était une juridiction « à part » à cause ou grâce à la volonté de « faire ensemble », en évoquant ces fêtes mais surtout le travail de co-construction d’un modèle de fonctionnement pour que la juridiction réponde à ses missions malgré l’immensité de la tâche.
Le talent de Claude, c’est d’avoir pensé cela, en tout cas l’apport du barreau, non pas en termes seulement logistiques mais à partir de multiples réflexions préalables :
sur les besoins des justiciables,
sur les conditions d’exercice professionnel de l’avocat et de « survie matérielle et morale » passant par un travail collectif au sein des structures professionnelles, par l’activité syndicale s’agissant des avocats du SAF, par un Conseil de l’Ordre fort et protecteur des avocats,
sur l’ouverture des avocats à la Cité, aux collectivités pour être connus, reconnus, pour comprendre et connaitre la population dans sa diversité sociale et culturelle,
sur l’engagement nécessaire pour défendre le monde ouvrier particulièrement présent dans le département,
sur les besoins massifs de défense pénale.

Cet impératif permanent de réflexions, ouverture et échanges, il l’a transmis au plus grand nombre, notamment aux bâtonniers successifs, aux membres du Conseil de l’Ordre où il a siégé durant de nombreuses années, aux militants du SAF.
Ainsi, la section SAF de Bobigny a toujours été vivante ; ses membres se sont investis au sein du Conseil de l’Ordre, dans les associations du département (parents d’élèves, prévention spécialisée, secours populaire, défense des locataires, défense des immigrés), dans les conseils municipaux, dans les instances nationales du SAF, au CNB.

 

La première coordination pénale.

Claude a donné des moyens d’exercer la défense pour tous en concevant avec Bruno Marcus et François Detton, la coordination pénale, reprise dans de nombreuses juridictions. Imaginaient-ils que ces permanences encadrées par un coordinateur désigné à raison de son expérience et pour une durée suffisante pour appréhender la politique pénale et la juguler si nécessaire, connaîtraient un tel développement ?
En 2024, année olympique, en Seine-Saint-Denis, ce sont 16 coordinateurs qui se relaieront pour, chaque jour, encadrer entre 3 et 6 avocats dans le cadre de la défense pénale d’urgence.
De mêmes dispositifs d’organisation ont été créés pour répondre à d’autres besoins tels que la défense pénale des mineurs, l’assistance des personnes hospitalisées d’office, la défense des étrangers placés en rétention, la représentation des étrangers devant la juridiction administrative, les interventions devant le juge des enfants en assistance éducative.
Claude Michel a su impulser ces dispositifs rendant possible l’accomplissement des missions de défense dans notre cadre géographique et social particulier.

 

Le mode d’exercice doit s’adapter aux réalités sociales

Il fait partie de ces premiers avocats qui en furent convaincus. Le mode d’exercice doit s’adapter aux réalités sociales et l’avocat auquel s’impose la difficulté sociale de ses clients ne doit pas en tirer amertume et sentiment d’échec mais fierté et engagement de faire pour eux, pour trouver la légitimité de revendiquer pour lui.
Il a aussi été un grand formateur très exigeant à l’école du barreau, au sein de son cabinet, au Conseil de l’Ordre et au SAF.
Claude Michel savait aussi nous épater.

 

L’escapade de novembre 1989

Je me souviens de cette disparition soudaine de Claude le 9 novembre 1989 et de son retour radieux la semaine suivante. En apprenant la chute du Mur du Berlin ils avaient immédiatement avec Nadia pris leur voiture et étaient partis pour « assister » à ce moment !

 

Un dernier mot pour Denis

Tous ces derniers temps, j’ai pensé à Claude, aux moments partagés, à tous ces évènements publics. Et tu étais toujours là ! Tu fais partie du barreau. Ta présence dans tous ces moments joyeux ou importants en dit également long sur l’engagement de tes parents, pour que chacun, quelques soient ses difficultés, trouve sa place dans la société.

 

L’enseignement que nous a transmis Claude Michel

« Dans la nuit du 21 au 22 septembre 1977, après le départ du mouvement des radicaux de gauche annoncé la semaine précédente, par Robert Fabre, la rupture de l’union de la gauche est décidée.
Le samedi 24 septembre, le conseil syndical du SAF se réunit sous la présidence de Francis Jacob dans le bureau de Paul Bouaziz, rue du Renard dans une atmosphère de deuil. Nous sommes une trentaine, réunis, venant de toutes les sections du SAF de France, appartenant à tous les horizons politiques qui constituaient la désormais défunte union de la gauche. Toute la journée, chacun s’exprimera, disant sa tristesse, sa colère, ses désillusions. Parfois, les discussions seront vives et le Président aura du mal à calmer les esprits et à laisser à chacun la chance d’être entendu par tous, des critiques s’adressent des uns aux autres, des invectives, des accusations de responsabilités, partagées ou pas sur les causes de la rupture, parfois des propositions d’action pour l’avenir, mais allant souvent dans des directions différentes et souvent opposées… Un débat pourtant riche d’idées, comme souvent au SAF, mais la journée s’écoule, le soir approche, et l’on n’entrevoit pas clairement de perspectives consensuelles.
Mais, Claude, tu fus l’un des derniers à prendre la parole pour faire la synthèse de la journée. Tu fus écouté dans le silence, et à la fin de ton propos, nous fumes tous d’accord avec toi, pour dire que les valeurs qui nous unissaient qui nous réunissaient, et qui avait été à l’origine de la création du SAF, l’emportaient sans commune mesure sur ce qui nous divisait, et que, dès lors, plus que jamais, notre Syndicat avait toute sa raison d’être, et sortirait plus fort des crises politiques nationales.
Tu nous donnas à tous ce soir-là, grâce à ton intelligence, ton attention aux autres et ton sens de l’écoute, ta culture politique, une leçon de syndicalisme que nous avons retenue et qui nous a guidés dans notre vie et dans nos pratiques professionnelles.
Deux mois plus tard, le samedi 3 décembre 1977, tu fus élu par le conseil syndical lors du quatrième congrès du SAF, pour succéder à Francis Jacob en tant que Président du SAF que tu fis progresser par ton esprit de synthèse. »

Extrait de l’hommage rendu par Jean-Louis Brochen au nom du SAF à Claude Michel lors des obsèques.
Jean-Louis Brochen a été Président du SAF 80/83, Bâtonnier de Lille en 92/93, puis membre du CNB 92/96.

 

Cet hommage est indissociable de celui dû à Bruno Marcus décédé en décembre 2022 dont le parcours (Bâtonnier 93/94, membre du CNB 96 /99 et président du SAF 2001/2002) et l’ambition se rapprochaient de celui de Claude.

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