Depuis la mort de Jina Mahsa Amini, une iranienne de 22 ans arrêtée par la police des mœurs pour « port incorrect du hijab », les manifestants antigouvernementaux ont été arrêtés et privés de l’assistance d’un avocat de leur choix.
Les avocats assurant la défense de ces manifestants font l’objet d’intimidations, d’entraves et de harcèlements permanents et sont menacés de sanctions pour avoir rempli leurs obligations professionnelles si le gouvernement désapprouve la nature de leur travail. Lorsque ces avocats exercent leurs activités contre la volonté du régime, ils risquent d’être condamnés et emprisonnés.
Une mainmise de l’état islamique sur la profession d’avocats
En initiant une enquête sur l’Association du barreau iranien et une prétendue évaluation des compétences juridiques des avocats affiliés au barreau, le gouvernement iranien entend désigner unilatéralement les avocats autorisés à exercer en Iran, conduisant ainsi à la disparation progressive d’une profession
Arrestation de 44 avocats
Du 16 septembre 2022 au 10 janvier 2023, 44 avocats au total ont été arrêtés pour trois raisons principales : la défense les prisonniers politiques, la participation à la manifestation pacifique contre le régime, la prise de position dans les médias pour défendre les droits de l’homme.
Même si 27 d’entre eux auraient été libérés, d’autres confrères et consœurs sont toujours en détention avec recours généralisé à des mauvais traitements.
Les procédures internationales étant souvent entravées par leur longueur, le nombre important de parties impliquées, le principe de la compétence universelle inscrit aux articles 689 à 689-14 du code de procédure pénale représente pour l’Association Iran Justice un mécanisme efficace de lutte contre l’impunité car il permet de poursuivre et juger les auteurs de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide, même s’ils n’ont pas été commis sur son territoire ou par ses ressortissants.
Une plainte devant le juge français
En septembre 2023, les avocats de l’association Iran Justice ont déposé une plainte devant le juge français pour apologie du terrorisme et menaces de mort à l’encontre de trois personnalités clés du régime iranien, notamment le général Salami, chef du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI) qui mettait en garde les français ainsi que les responsables de Charlie Hebdo en rappelant le sort tragique de Salman Rushdie ; Ismail Khatib, ministre iranien du Renseignement, et Ismail Qaani, chef des forces AlQods du CGRI qui a menacé directement les journalistes dans le monde entier via des plateformes en ligne.
Cette démarche poursuit un double objectif : d’une part, établir juridiquement la nature terroriste du CGRI en exploitant le cadre légal français ; d’autre part, avoir une portée symbolique pour signifier aux dignitaires iraniens que les iraniens et les défenseurs des libertés dans le monde refusent de se soumettre à la terreur.
Cependant, les critères stricts de la compétence universelle en droit français sont souvent jugés insuffisants pour combattre efficacement l’impunité. En effet, l’auteur présumé des faits doit résider habituellement en France, le monopole des poursuites appartient au parquet, la Cour pénale internationale doit au préalable avoir renoncé à sa compétence pour juger ledit crime et ce dernier doit être prévu dans le champ d’application d’une convention internationale.
Dans une décision du 12 mai 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en confirmant la compétence universelle de la justice française dans deux affaires concernant la Syrie, en écartant pour la première fois la condition de double incrimination. La loi sur l’orientation et la programmation du ministère de la Justice pour la période 2023-2027 a entériné la suppression de cette condition.
Dans un contexte où le mur de la peur commence à se fissurer en Iran, cette plainte représente une affirmation de la détermination des avocats à défendre les droits de l’homme en recourant à une justice démocratique, indépendante et équitable où qu’ils se trouvent dans le monde.