Révélateur de nos forces et nos faiblesses, la crise du Covid a mis en avant les limites de la protection sociale des avocates et des avocats et notamment concernant le bénéfice des indemnités journalières en cas d’accident ou de maladie.
Jusqu’alors, notre profession, comme les autres professions indépendantes dans leur majorité, ne bénéficiaient pas des indemnités journalières versées par le régime général de la Sécurité sociale, mais de prévoyances variables selon les choix faits dans chaque profession.
Pour les avocates et les avocats, ces indemnités versées en cas d’arrêt maladie ou accident relèvent des prévoyances collectives des barreaux pour les 90 premiers jours d’arrêts, puis de la caisse de retraite CNBF.
Si les avocates et les avocats versent des cotisations au régime général de l’assurance maladie (depuis la suppression du RSI au 1er janvier 2018), pour la prise en charge de leurs frais de santé, ils ne versent pas de cotisations à ce régime correspondant aux indemnités journalières, c’est-à-dire pour bénéficier d’un revenu de remplacement en cas d’arrêts maladie ou accident.
Alors que les salariées et salariés ont pu bénéficier d’un régime renforcé d’indemnités journalières au début de la crise du Covid (en cas d’arrêt de travail pour exposition au Coronavirus ou pour garde d’enfant), les professions indépendantes n’y ont pas eu accès de prime abord : pas de cotisation, pas d’indemnisation. L’application de la doctrine du « Quoi qu’il en coûte, » la nécessité d’éviter des situations sociales et économiques dramatiques et la pression exercée par les organisations professionnelles ont cependant permis, dans le courant de l’année 2020, d’obtenir du gouvernement le versement à titre dérogatoire des indemnités journalières aux professions indépendantes dans les cas de Coronavirus.
Constatant l’absence de couverture des arrêts maladie de la plupart des professions indépendantes, le gouvernement a proposé, à l’automne 2020, de l’élargir dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, avec une mise en place au 1er juillet 2021.
Les avocates et avocats ont fait le choix collectivement de ne pas rejoindre ce système obligatoire de protection sociale, voici pourquoi.
À l’heure actuelle, les avocats et avocates sont couvertes en cas d’arrêt maladie par les assurances collectives des ordres, pour les 90 premiers jours, puis par la CNBF au-delà.
Pour les 90 premiers jours, nous bénéficions d’une indemnité de 61 euros par jour (ou 76 euros principalement à Paris), quel que soit notre revenu. Mais nous ne pouvons bénéficier de cette indemnité qu’après un délai de carence de 15 jours en moyenne (jusque 30 jours en cas de maladie à Paris).
La cotisation représente un montant d’environ 130 euros, payée soit directement par les avocates et les avocats, soit prise en charge totalement ou partiellement par les fonds générés par les intérêts des CARPA.
Ce système, qui fonctionne, pose néanmoins plusieurs difficultés : nous ne bénéficions pas de la même couverture selon notre barreau d’appartenance et la prise en charge des cotisations est variable.
Mais la principale difficulté de notre système est le délai de carence.
Nous ne sommes pas couverts en cas de courte maladie. Si ces courts arrêts se multiplient dans l’année, par exemple en cas de maladie chronique, les consœurs et confrères peuvent être mis en difficulté.
Pour sa part, le système de l’assurance maladie est un système proportionnel :
- La cotisation annuelle est proportionnelle au revenu (entre 50 et 370 euros) et recouvrée par l’URSSAF, directement auprès de l’avocat,
- L’indemnité versée, qui est un revenu de remplacement, est proportionnelle à ce revenu : entre 22,5 euros minimum et 169 euros maximum par jour (28 euros pour un revenu de 20 000 euros, 46 euros pour 33 600 euros de revenu, 56 euros pour 41 000…).L’avantage de cette prise en charge par l’assurance maladie est que le délai de carence est réduit à 3 jours (contre 30 à Paris en cas de maladie, par exemple).
Le Syndicat des avocats de France était plutôt favorable à passer au système de l’assurance maladie, du fait du long délai de carence qui nous est appliqué aujourd’hui. Mais nous avons voulu avant tout vérifier les conséquences du changement de système pour les avocats ayant des revenus inférieurs à 40 000 euros.
Les projections que nous avons faites montrent que le système de l’assurance maladie est plus protecteur pour les courtes maladies (en dessous de 30 jours pour 20 000 euros de revenus, en dessous de 45 jours pour 40 000 euros). Mais au-delà, le système actuel d’assurance collective par les ordres est plus protecteur.
La question était donc : vaut-il couvrir mieux plus tôt, mais moins pour les maladies plus longues, ou maintenir une couverture plus élevée pour les maladies plus longue, au détriment des premiers jours de maladie ?
En l’état, le SAF a estimé qu’il ne fallait pas passer à l’assurance maladie qui serait défavorable, voir dangereuse, aux avocats ayant des bas revenus en cas d’arrêts maladie au-delà de 30 jours. C’est-à-dire quand la situation personnelle devient la plus critique.
Nous ne nous satisfaisons pour autant pas de cette situation et nous souhaitons que notre système soit amélioré :
- Pour réduire les délais de carence
- Pour prendre en charge les avocates et les avocats en maladie chronique qui doivent s’arrêter plusieurs fois par an pour des courtes périodes.
Nous avons demandé pour cela, dans le cadre des débats au Conseil national des barreaux, comme au sein de la CNBF que deux solutions soient étudiées :
- Soit que les ordres (compétents en matière d’assurance collective) se saisissent de la question pour proposer une meilleure assurance et une réduction des délais de carence,
- Soit un système dans lequel nous rejoindrions l’assurance maladie mais avec une couverture complémentaire obligatoire prise en charge par les ordres ou par la CNBF pour compléter les indemnités journalières et éviter que les bas revenus ne soient pénalisés.
Le SAF va maintenir sa mobilisation pour ne pas que cette question soit oubliée. Nous invitons également les consœurs et les confrères à sensibiliser les membres de leur conseil de l’ordre sur cette question.