Retraite des avocats ?

PAR Dorothée Fayein
Élue CNBF, SAF Amiens

Pour mémoire, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) gère quatre régimes obligatoires régis par le code de la sécurité sociale : retraite de base, retraite complémentaire, invalidité-décès, aide sociale.

En ce début de mandat des cent quarante-cinq délégués qui viennent d’être élus pour six années, elle est confrontée à un sujet d’actualité brûlant : la réforme des retraites.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale modificative pour 2023 « Réforme retraites », dont est désormais saisi le Sénat à l’heure où ces lignes sont écrites, a suscité, dans un premier temps, de la part de nos instances représentatives, une réaction tendant à prendre acte de ce que le régime autonome des avocats n’est pas supprimé ; c’est une nouvelle heureuse, tant cette autonomie de pilotage et de financement conditionne l’indépendance des avocats par les mécanismes de solidarité mis en œuvre.
Il a été dit que les deux mesures phares (augmentation progressive de l’âge légal de retraite à 64 ans et augmentation progressive de la durée d’assurance à 172 trimestres, soit 43 ans) n’auraient que peu ou pas d’incidence sur la carrière des avocats, dans la mesure où ils liquident en moyenne leurs droits à la retraite à 65,6 ans, soit au-delà de l’âge légal, et bien au-delà de la moyenne des salariés du régime général (et de la moyenne des travailleurs, en ce compris les ressortissants des régimes spéciaux).

ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES
En réalité, il convient d’observer avec attention les évolutions démographiques récentes de la profession pour nuancer un peu l’absence d’impact à venir de la réforme sur notre profession.
Ainsi, les pensionnés sont encore très majoritairement des hommes ; nous savons la forte féminisation de la profession d’avocat (57,7 %) ; or, le niveau de revenus des femmes (soit l’assiette des cotisations, qui détermine les ressources des régimes et l’ensemble des droits au régime complémentaire en stock) est très nettement moindre que celui des hommes, à l’exception du début de carrière.
Par ailleurs, les premières affiliations se déplacent de la tranche 20-24 ans à la tranche 25-29 (et même 18 % de 31 ans et +) ; l’âge moyen de 1ère affiliation est 28,9 ans en 2021.
Enfin, 88 % des nouveaux pensionnés justifient de trimestres validés par d’autres régimes, sans qu’on sache à quel moment de leur vie professionnelle ils ont généré ces droits.
En tout état de cause, et au regard de ces données démographiques, il est parfaitement clair que cette réforme aura un impact important sur la carrière des avocats ; compte tenu de la condition de durée d’assurance et d’âge pour le taux plein, l’âge moyen à la liquidation devrait augmenter.

infographie sur les chiffres clés de la retraite des avocats

Par ailleurs, la réforme envisage d’aborder des points sur lesquels il conviendra d’être vigilant, tant la profession d’avocats y répond actuellement par des dispositifs singuliers :

  • L’unification du recouvrement des cotisations (exposé des motifs du projet).
  • La « meilleure adéquation » entre cotisation et droits acquis, qui semble aller à rebours de notre système fondé sur la solidarité par le caractère forfaitaire de la pension de retraite de base.
  • Les droits familiaux (majoration de la retraite de base pour les personnes ayant eu 3 enfants au moins demandée par la caisse d’assurance vieillesse des professionnels libéraux).
  • Le cumul emploi-retraite ou la retraite progressive (à l’heure actuelle, le dispositif permet à des avocats ayant liquidé leurs pensions auprès de tous les régimes de poursuivre leur activité professionnelle, en cotisant sans contrepartie de droits).
  • Les réversions (à l’heure actuelle, les pensions de réversion sont versées aux ayants droit des avocats sans conditions de ressources).

On peut toutefois espérer que la réforme soit l’occasion pour la profession de redéfinir ses socles de solidarité et les processus mis en œuvre pour les sécuriser, et de s’interroger sur les causes des inégalités encore constatées, comme l’importante disparité des revenus entre les hommes et les femmes et l’insuffisante rétribution des avocats qui acceptent d’intervenir au titre de l’aide juridictionnelle.

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