AVRIL 2023 DOSSIER DROIT DES MINEURS

En finir enfin avec la condition du discernement

PAR Philippe Lafaye

Le principe est posé par l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant, depuis plus de trente ans : le mineur peut intervenir dans toute procédure l’intéressant. Un principe, des textes « 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. ». Ce principe ne concerne que le droit du mineur à exprimer son opinion soit directement soit par un intermédiaire et le cas échéant par un avocat, même si le texte ne le précise pas expressément. Cependant, ce droit n’est envisagé que pour l’enfant « capable de discernement ». Le droit français pose également la condition du discernement notamment dans l’article 388-1 du Code civil, relatif à l’audition du mineur : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant

Tribunaux pour enfants : état des lieux

PAR Kim Reuflet – Invité

À la croisée du délabrement avancé du service public de la justice et de l’indigence de la politique publique de protection de l’enfance, dont la gouvernance erratique le dispute à l’insuffisance de moyens, la justice des mineurs ne parvient plus à remplir ses missions. Le sentiment de perte de sens du travail est massif chez les professionnels des tribunaux pour enfants. Justice des mineurs, justice de protection devenue impuissante S’agissant de la justice des mineurs, le rapport du comité des États généraux de la justice dresse un constat accablant1 : elle ne parvient pas à protéger les mineurs en danger au sein de leurs familles. Ils sont pourtant nombreux puisqu’au 31 décembre 2021, 252 215 enfants faisaient l’objet d’une mesure de protection décidée par un juge des enfants, dont environ 50 % étaient confiés à un tiers. Les cabinets des juges des enfants sont saturés pour une raison simple : alors que le nombre d’enfants faisant l’objet d’une mesure de protection augmente chaque année (hausse de 12,1 % entre 2009 et 2018), notamment pour d’élémentaires raisons démographiques, les emplois de juges des enfants affectés à l’activité civile n’ont augmenté que de 5 % entre 2012 et 20222 et ceux des fonctionnaires de greffes n’ont pas

Un tribunal correctionnel peut-il placer en détention provisoire un mineur de 13 à moins de 16 ans ?

PAR Carole Sulli

Oui, pour une durée maximale de 24 heures. Décision du Conseil constitutionnel n°2022-1034 QPC du 10 février 2023 Le 30 novembre 2022, le Conseil constitutionnel était saisi par le Conseil d’État1, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Posée par le syndicat de la magistrature, le syndicat des avocats de France et le GISTI, rejoints sur intervention par l’association Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers (ADDE), InfoMIE et la Ligue des Droits de l’Homme. Cette QPC était relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution de l’article 397-2-1 du Code de procédure pénale, de l’article 55-1 alinéa 4 du CPP, des articles L.413-16 et L.413-17 du Code de la justice pénale des mineurs, dans leur rédaction issue de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure2. Par une décision en date du 10 février 2023, le Conseil constitutionnel a répondu, par une décision en demi-teinte.3 Le Tribunal Correctionnel peut placer en détention provisoire un mineur dès 13 ans, pour une durée maximum de 24 heures L’article 397-2-1 du Code de procédure pénale permet à un tribunal correctionnel ou un juge des libertés et de la détention,

La prise en charge des jeunes majeurs par les conseils départementaux

PAR Anita Bouix

Le juge des référés du Conseil d’État a, par une décision du 12 décembre 2022 , consacré une nouvelle liberté fondamentale tenant au droit à une prise charge globale du jeune majeur relevant de l’aide sociale à l’enfance au sens des dispositions de l’article L.222-5 du code de l’action sociale et des familles. La loi TAQUET Le 7 février 2022, le droit de la protection de l’enfance a été réformé par la loi dite « Taquet » qui a notamment modifié la rédaction de l’article L.222-5 du Code de l’action sociale et des familles listant les personnes éligibles à une protection au titre de l’aide sociale à l’enfance. La rédaction antérieure prévoyait quatre catégories de bénéficiaires d’un droit à une prise en charge inconditionnelle au titre de l’aide sociale à l’enfance pour les mineurs en danger, les femmes enceintes et les mères isolées avec enfants de moins de trois ans et une simple faculté de prise en charge pour les mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant. Dans sa nouvelle rédaction issue de la réforme Taquet a été intégré un cinquième cas de prise en

Profession

CNBF

Retraite des avocats ?

PAR Dorothée Fayein

Aide juridictionnelle

Provisions AJ nouveau dispositif sécurisé

PAR Bénédicte Mast ET Julie Broca

Aide juridictionnelle

Le SIAJ ? Un illustre inconnu

PAR Bénédicte Mast ET Julie Broca
Éclairage

Droit social

Réforme de l’assurance chômage, la marche forcée de la déconstruction des protections

PAR Émilie Videcoq ET Florent Hennequin

Adopté à bas bruits, le récent dispositif de modification des règles de l’assurance chômage¹ est un puissant outil de régression sociale. Complément des dispositifs antérieurs de recul constant de la couverture des privés d’emploi², il précède et prépare la réforme des retraites. Il participe d’une même logique de mise à mal des protections sociales au nom d’objectifs budgétaires et d’une responsabilisation croissante des individus désignés comme seule main d’œuvre utile au système productif. Méprisant l’indispensable réflexion sur la qualité des emplois qui émerge dans la société, les dispositions nouvelles sont le choix d’une brutalité gestionnaire et idéologique qui impose une réduction drastique de la durée d’indemnisation au chômage et ferme même les possibilités d’y prétendre. Historiquement adossé au droit à l’emploi et à son corollaire la protection sociale, le régime d’assurance chômage opère depuis une quinzaine d’années une mutation profonde pour répondre à une mise au pas des travailleurs, sommés de travailler. Les caractéristiques communes des réformes ainsi entreprises sont la reprise en main par l’État au détriment des acteurs de terrain pour définir et gérer le système, la primauté d’un système punitif, notamment par le recours massif à l’instrument de la radiation3 et une baisse des droits de toutes

Libertés publiques

Projet de loi JO 2024 : la course accélérée à la surveillance de masse

PAR Nohra Boukara ET Antoine Bon

La perspective de l’organisation à Paris des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 offre au Gouvernement français l’occasion de faire un saut en hauteur dans la mise en œuvre de techniques de surveillance. Le projet de loi discuté en prévision de ces évènements exceptionnels introduit notamment « l’expérimentation » de la vidéosurveillance automatisée (VSA) au champ d’application territorial et temporel beaucoup plus large. On assiste depuis de nombreuses années au développement du recours à des systèmes des captations d’images (vidéosurveillance, drones, caméras mobiles). En présence d’une masse considérable de données collectées, la suite logique pour un Gouvernement en quête de rationalisation et d’efficacité est l’utilisation de traitements automatisés désignés sous l’expression d’« intelligence artificielle ». La reconnaissance faciale dans l’espace public, permise par cette technologie, hier regardée comme un repoussoir, devient un outil indispensable pour les responsables politiques gagnés par l’obsession sécuritaire. Ainsi, un rapport du Sénat du 10 mai 2022 ouvre-t-il la voie à l’adoption de cette technique sous couvert de la nécessité de l’encadrer par l’expérimentation1. Nos libertés étant gravement mises en péril par le recours aveugle et sans réflexion aux technologies de surveillance très intrusives, le SAF par sa commission numérique considère que nous devons nous emparer des évolutions fondamentales en

Logement

Haro sur le logement !

PAR Matteo Bonaglia ET Antonin Sopena

Une première estocade a été discrètement portée en 2020, à l’occasion de l’adoption de la loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 dite « accélération et simplification de l’action publique » ou plus sobrement loi « ASAP ». À la manœuvre le député LREM Guillaume Kasbarian, consultant en stratégie passé par Deloitte et PMP Conseil, fervent défenseur de la rente locative et des multipropriétaires. C’est notamment à lui que l’on doit la désactivation des dispositions de la loi Énergie Climat du 8 novembre 2019 qui visaient à prélever 5 % du produit de la vente d’un bien mal-isolé afin de financer sa rénovation. Mais en cet hiver 2020, l’humeur n’est plus à la seule défense des propriétaires, il s’agit désormais d’attaquer les acquis de ceux qui ne possèdent rien, si ce n’est leur force de travail qu’ils vendent de plus en plus péniblement pour s’assurer un toit au-dessus de leur tête. Les conditions de vie de plus en plus dégradées de ceux-là, le jeune Guillaume n’en a cure. « Assistés », « profiteurs », les quelques droits dont ils peuvent se prévaloir lorsqu’ils n’arrivent plus à payer leur loyer ou en viennent à squatter pour se protéger de la rue assèchent la rente locative, freinent la spéculation et se dressent

Libertés / droits humains

Écologie

L’ordre public contre l’intérêt public

PAR Lionel Crusoé ET Marion Ogier

Ou, lorsque l’État institutionnalise la répression des associations écologistes Les conditions d’attribution des subventions aux associations reposaient depuis une dizaine d’années, sur une jurisprudence du Conseil d’État simple à comprendre qui pouvait se résumer, à grands traits, de la manière suivante : d’une part, une allocation à une association doit reposer de manière suffisamment étroite sur les intérêts publics poursuivis par l’administration, et, d’autre part, elle ne doit pas être attribuée pour un motif exclusivement politique. Par une approche paradoxale dont l’actuel Gouvernement a seul le secret, un contrat d’engagement républicain limitant « au nom du respect des libertés » l’activité des associations agréées ou subventionnées par des deniers publics, a été créé à partir de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 et du décret n° 2021-1947 du 31 décembre 2021. Depuis lors, toute association sollicitant un agrément ou une subvention publique doit faire, en quelque sorte, acte d’allégeance et déclarer son attachement à certaines valeurs jugées comme étant celles de la République. De la lutte contre le séparatisme islamiste… Présenté comme un instrument de lutte contre le « séparatisme islamiste », ce contrat s’est finalement transformé en un outil de répression d’associations exprimant leur opposition à la politique gouvernementale et, en tout

Défense Pénale

Chronique de la mort annoncée des assises

PAR Stéphane Maugendre

« Assis sur le banc des jurés, on se redit la parole du Christ : ne jugez point. » Souvenirs de la cour d’assises, André Gide. Sans attendre la fin de l’expérimentation prévue par la loi du 23 mars 20192, sans véritable retour d’expérience et sans prendre en considération les grandes réserves du rapport de la commission dite GETTI (janvier 2021)3, la loi du 22/12/2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire4 généralise les Cours Criminelles Départementales (CCD) à l’ensemble du territoire depuis le 1er janvier 2023 pour juger en premier ressort les personnes majeures accusées d’un crime puni de 15 à 20 ans de réclusion. Après les Cours d’assises spécialement composées, exit encore une fois, les Jurés ! Toutefois, pour tenter de sauver la face du Garde des Sceaux, un rapport du comité d’évaluation et de suivi de la CCD5 a été déposé, fin octobre 2022, sur le bureau de ce dernier. Une lecture attentive de ce rapport6 et les retours d’expérience ne laissent pas d’inquiéter. Une dé-correctionnalisation en trompe-l’œil Un des buts affichés était de restituer leur véritable qualification pénale à certains crimes correctionnalisés et notamment les viols. Sur le papier, la CCD apparaissait comme la juridiction idoine pour juger les viols et

Entretien

La bâtonnière de Rennes en détention

PAR Catherine Glon

Avocats menacés

PAR Raana Habibi, consœur afghane et Ehsan Hosseinzade, confrère iranien

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