La réforme de la justice pénale des mineurs, de grande ampleur, a impacté de façon majeure non seulement les règles de cette justice si spécifique et spécialisée, mais encore les pratiques des professionnels.
Le SAF, au sein du collectif « Justice des enfants », avec ses partenaires et notamment le Syndicat de la Magistrature, le SNPES PJJ-FSU, la CGT, le Conseil National des Barreaux, la Conférence des bâtonniers, les barreaux de Paris, de Bobigny, la FSU, l’OIP-section française et d’autres, avait alerté, dès 2019, le gouvernement puis les parlementaires sur les risques que comportait ce projet de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945.
Nos alertes portaient particulièrement sur les difficultés à maintenir effectivement la primauté de l’éducatif au sein de cette nouvelle procédure aux délais contraints (la première audience intervenant au plus tôt dans un délai de 10 jours et au plus tard dans un délai de 3 mois de l’engagement des poursuites), ainsi que sur sa mise en œuvre, compte tenu du manque de moyens matériels et humains.
Les premiers constats depuis l’entrée en vigueur du code le 30 septembre 2021
Ils sont conformes à ce que la plupart des professionnels pouvaient craindre :
- Une justice plus rapide mais plus complexe, du fait des multiples possibilités d’audiences (audience selon la procédure de mise à l’épreuve éducative – examen de la culpabilité et sanction – audience unique à l’initiative de la juridiction de jugement – audience unique à l’initiative du procureur de la République) et des modifications possibles des dates initialement fixées.
Des jugements pouvant être ainsi rendus en moins d’un mois après le défèrement (lorsque les mineurs sont en détention provisoire), soit désormais plus vite que devant certaines juridictions pour majeurs. - Des échéances procédurales brèves, qui souvent ne permettent plus, avant la première comparution à l’audience, de disposer du temps nécessaire pour identifier les problématiques personnelles ou familiales éventuelles.
- Des logiciels et trames qui ont mis du temps à être efficients.
- Des exceptions prévues par la loi (l’audience unique à l’initiative du procureur de la République) qui, dans certaines juridictions telles Marseille ou Paris, correspondent désormais à près de 50 % des procédures et qui visent particulièrement les mineurs non accompagnés.
Dans certaines juridictions, la charge des audiences ou les délais d’audiencement contraints aboutissent à des dérogations au principe du suivi du jeune par son juge référent, le mineur est ainsi jugé par une juridiction qui ne le connait pas…. - Un difficile exercice des droits de la défense : des journées de défèrement souvent chronophages pour une seule procédure, des avocats qui courent trop souvent après les copies de dossiers lesquelles arrivent bien trop tard, empêchant l’entretien entre le mineur et son avocat dans des conditions satisfaisantes et la création du lien de confiance indispensable pour assurer une défense de qualité.
Le code a été modifié deux fois, par la loi du 22 décembre 20211 et celle du 24 janvier 20222, pour d’une part pallier des oublis et d’autre part y intégrer des dispositions de procédure pénale générales.
Malgré ces premiers constats, un peu de lumière…
Tout d’abord, il faut saluer partout une importante mobilisation des professionnels de justice pour mettre de la souplesse dans ce nouveau cadre légal et amoindrir l’impact sur les mineurs et leur famille.
Ensemble, ils cherchent et parviennent à redonner du sens à ce qui fait l’essence de la justice pénale des mineurs : la réaffirmation de la primauté de l’éducatif sur le répressif ainsi qu’une cohérence de l’accompagnement, ciment de cette justice si particulière.
Par ailleurs, des points de procédure ayant déjà été soulevés devant certaines juridictions, la jurisprudence va peu à peu se créer, afin d’interpréter certaines dispositions du texte sujettes à interprétations contraires.
Enfin, on constate que les avocats des mineurs sont investis pleinement dans ces nouvelles procédures et participent activement, par les moyens soulevés, les arguments développés, au contradictoire et donc à la jurisprudence qui peu à peu se construit.
Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan plus complet.
Le collectif à l’œuvre.
Dès l’entrée en vigueur du Code, il est apparu indispensable aux membres du collectif « Justice des enfants » de continuer la réflexion. L’objectif est de réaliser un travail au long cours pour recenser les questions, les difficultés, mais également les « bonnes pratiques » de la mise en application du code de justice pénale des mineurs, d’analyser leurs conséquences sur la prise en charge des mineurs pour en tirer des enseignements.
Le collectif3 a donc créé un Observatoire du code de la justice pénale des mineurs, exclusivement destiné aux professionnels intervenant auprès des enfants, destiné à recueillir ces retours d’expérience par courriel : contact@observatoire-cje.fr.
Les informations collectées par des professionnels soumis au secret, seront totalement anonymisées.
Cet outil est le vôtre !
N’hésitez pas à vous en emparer, c’est grâce à l’engagement de l’ensemble de ses acteurs, que la justice des mineurs restera ce qu’elle doit être : centrée sur l’enfant. Car comme l’affirmait Jean Chazal, un des premiers juges des enfants après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 2 février 1945 : « lorsqu’un enfant vole une bicyclette, c’est à l’enfant que je m’intéresse ».
Notes et références
1. Article 14 III, IV et V loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire
2. Articles 25, 26, 30 loi n°2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure
3. Les membres actifs de l’Observatoire sont : Ligue des droits de l’homme (LDH,) Conseil national des barreaux (CNB), SNPES-PJJ/FSU, Confédération générale du travail (CGT), Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France (SAF), Barreau de Paris.
Les membres partenaires de l’Observatoire sont : Fédération syndicale unitaire (FSU), Fédération nationale des unions des jeunes avocats (FNUJA), SNUASFP-FSU, SNUTER-FSU, Observatoire international des prisons section française (OIP-SF), Barreau de Seine-Saint-Denis, Solidaires Justice,