Le principe est posé par l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant, depuis plus de trente ans : le mineur peut intervenir dans toute procédure l’intéressant.
Un principe, des textes
« 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.
2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. ».
Ce principe ne concerne que le droit du mineur à exprimer son opinion soit directement soit par un intermédiaire et le cas échéant par un avocat, même si le texte ne le précise pas expressément. Cependant, ce droit n’est envisagé que pour l’enfant « capable de discernement ».
Le droit français pose également la condition du discernement notamment dans l’article 388-1 du Code civil, relatif à l’audition du mineur : « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet ».
En assistance éducative, l’intervention du mineur est prévue par l’article 375 qui définit les personnes qui ont qualité pour saisir le juge des enfants notamment le mineur lui-même ce qui lui confère la qualité de partie à la procédure. Ce texte est muet quant à la condition du discernement. Cependant la Cour de cassation dans sa décision du 21 novembre 19952 a considéré qu’il incombait au juge de vérifier que le mineur possède le discernement suffisant pour exercer ses prérogatives, comme celle d’interjeter appel par l’intermédiaire de son avocat.
L’article 1189 du Code de procédure civile dispose qu’à l’audience sur le fond le juge « entend le mineur » sans préciser s’il doit ou non être doué de discernement. En revanche, le juge des enfants ne peut prononcer les mesures provisoires visant à retirer le mineur de son milieu actuel qu’après avoir entendu le « mineur capable de discernement » (article 1184 du CPC).
L’article 375-1 du Code civil lui impose (depuis la loi n° 2022-140 du 7 février 2022) un entretien individuel systématique avec l’enfant capable de discernement.
Quant à l’assistance du mineur par son propre avocat en assistance éducative, l’article 1186 du Code de procédure civile dispose : « Le mineur capable de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié peuvent faire choix d’un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d’office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande ».
L’article 375-1 précise : « Lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge des enfants, d’office ou à la demande du président du conseil départemental, demande au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement et demande la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant non capable de discernement ».
Il ressort de ces derniers textes, qui sont les plus récents, que si le mineur capable de discernement n’a pas lui-même choisi son avocat ou demandé au bâtonnier qu’il lui en soit désigné un, seul le juge des enfants appréciera, si l’intérêt de l’enfant l’exige, l’opportunité de faire cette demande.
En résumé
Seul le mineur capable de discernement peut être entendu dans les procédures le concernant.
En assistance éducative cette condition n’est pas expressément posée pour ce qui concerne la saisine du juge et l’audition de l’enfant par le juge lors de l’audience sur le fond, elle l’est en revanche pour que le mineur bénéficie d’un entretien individuel.
Dans toute procédure le concernant, l’assistance du mineur par son avocat n’est envisagée que pour le mineur capable de discernement (388-1 alinéa 2 du Code civil), comme en assistance éducative (articles 375-1 du Code Civil et 1186 du Code de procédure civile).
Pour clore ce rappel, mentionnons l’article L.11-1 du Code de justice pénale des mineurs : « Lorsqu’ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l’article 388 du Code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables. Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins treize ans sont présumés être capables de discernement. Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet ».
Ce dernier texte est le seul qui pose à la fois la condition de discernement et une limite d’âge. Il n’institue cependant qu’une présomption, ce qui laisse entendre qu’en deçà de treize ans, la responsabilité pénale du mineur pourrait être retenue dès lors que son discernement est établi, ou inversement qu’aucune déclaration de culpabilité ne pourrait sanctionner les agissements d’un mineur de plus de treize ans, non doué de discernement (l’abolition du discernement dans ce cas suppose qu’elle soit établie dans des conditions plus larges que celles de l’article 122-1 du Code pénal qui ne considère que les troubles psychiques ou neuropsychiques).
Le seuil d’âge permettra au juge pénal de ne pas se poser la question du discernement du mineur de plus de treize ans en dehors des hypothèses retenues par l’article 122-1 et le parquet des mineurs hésitera avant de poursuivre un mineur de moins de treize ans.
À la recherche de la définition du discernement
Le législateur pourrait en matière civile, comme il l’a fait en matière pénale, fixer un âge en deçà duquel l’absence de discernement serait présumée. Il ne l’a pas fait, laissant au juge le soin d’apprécier si le mineur est suffisamment discernant pour exercer ses droits.
La condition du discernement est donc centrale dans l’exercice, par le mineur, des droits que lui reconnaissent la Convention internationale des droits de l’enfant et les textes du Code civil et du Code de procédure civile précités, en matière d’accès au juge, d’expression de son opinion et du droit d’être assisté par un avocat.
En l’état actuel des textes « le mineur capable de discernement peut avoir un porte-parole qu’il peut choisir librement, sans que ses père ou mère, un administrateur ad hoc ou le juge pour enfant ne puisse le récuser. En revanche, le mineur qui n’est pas capable de discernement n’a pas de parole, du point de vue de la procédure civile, et ne peut par conséquent avoir de porte-parole »3.
Pour autant, aucune définition du discernement n’est satisfaisante, aucune ne permettant de distinguer réellement le mineur capable de discernement de celui qui n’en n’est pas capable.
« Si l’on s’en tient au sens commun, le discernement est la capacité d’apprécier une situation avec justesse et recul. Combien d’adultes sont capables de discernement ? »4.
Nombre de parents dans les dossiers d’assistance éducative ne sont pas doués du discernement que l’on peut attendre d’adultes, nul ne se pose la question de leur droit à être entendu par le juge, de leur droit à être assisté d’un avocat, de leur droit d’exercer les voies de recours, soit autant d’éléments constitutifs du droit au procès équitable de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le CJPM donne une définition en matière de responsabilité pénale qui n’apporte pas un éclairage substantiel. Depuis l’arrêt Laboube du 13 décembre 1956, le mineur capable de discernement est celui qui a compris et voulu son acte. Quant à préciser qu’il est apte à « comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet », un mineur, relativement tôt, est apte à comprendre le sens de la procédure de divorce ou de séparation de ses parents ou l’objet d’une procédure d’assistance éducative qui envisage de le retirer du milieu dans lequel il vit.
Discerner le mineur capable de discernement de celui qui n’en est pas capable n’est pas chose facile.
La condition de discernement pourquoi faire ?
Poser comme condition que seul le mineur capable de discernement peut exercer ses droits fondamentaux doit répondre à un objectif majeur. Dans le cas contraire, qu’est-ce qui justifie qu’un certain nombre d’entre eux en sont privés ?
Le risque, avec la condition du discernement posée comme préalable à l’exercice des droits fondamentaux, est celui de l’arbitraire ou pour le moins d’une appréciation subjective dépendant de la sensibilité du magistrat auquel il incombe d’apprécier si la condition est, ou non, remplie. Alors posons la question autrement : à quel objectif répond cette condition ? C’est apparemment un objectif de protection du jeune enfant qui justifie que seul le mineur capable de discernement peut avoir accès au juge. Le but est donc de protéger le mineur de l’âpreté du conflit judiciaire, des tensions qui peuvent apparaître lors des audiences et de l’implication du mineur dans le conflit qui peut opposer ses parents voire dans le conflit qui peut naître de l’opposition entre les intérêts du mineur et ceux de ses parents.
Dans le contentieux du JAF, pour ce qui concerne les conséquences de la séparation des parents sur la résidence habituelle de l’enfant et l’organisation des droits de visite, le mineur à seulement le droit d’être entendu. L’audition est de droit si le mineur en fait lui-même la demande. L’article 388-1 permet au juge de désigner une personne qui procédera à cette audition. Dans tous les cas le mineur pourra être assisté par un avocat ou par la personne de son choix. Ainsi le Code civil permet que l’audition soit organisée dans des conditions qui le préservent au maximum du conflit qui oppose ses parents.
En assistance éducative, il s’agit de préserver le mineur de l’évocation traumatisante des dysfonctionnements familiaux, des défaillances de ses parents, d’éventuels débordements verbaux à l’audience etc. Pour autant et précisément pour éviter ces risques, l’article 1189 du Code civil permet au juge des enfants de dispenser le mineur de comparaître ou ordonner qu’il se retire pendant tout ou partie des débats. La pratique a imaginé d’autres aménagements tels que la convocation du mineur à une autre date que celle de ses parents, l’entretien individuel avec le mineur avant l’audience etc. Priver le mineur de ses droits fondamentaux pour le préserver du débat judiciaire, alors que la loi et la pratique permettent d’atteindre cet objectif n’est donc pas justifiable. De plus, dans les deux cas, n’est-il pas naïf de considérer que le mineur n’est confronté à ces dangers qu’à l’occasion de l’audience ?
La crainte la plus souvent exprimée est que le mineur soit instrumentalisé par les adultes et que son opinion exprimée soit manipulée, « captive » de celle de l’un de ses parents.
Pense-t-on réellement qu’une fois l’audience passée, l’enfant est débarrassé du conflit parental, des dysfonctionnements familiaux, de la violence, des manipulations et autres qui sont l’objet même de la procédure le concernant ?
L’argument de la protection du jeune enfant contre le conflit de loyauté que permettrait la condition de discernement est un leurre. Si conflit de loyauté il y a, il préexiste à l’audience et se poursuit au-delà. Protéger le mineur d’une responsabilité que son âge et son degré de maturité ne lui permettent pas d’assumer ? Effectivement, prendre la parole dans le conflit parental devant le JAF comme devant le juge des enfants, c’est prendre la responsabilité d’influer sur la décision qui sera prise et s’exposer aux conséquences qui pourraient découler de l’opinion émise. Or, la condition du discernement ne résout pas cette difficulté : un adolescent de 15 ans peut ne pas être en mesure d’assumer cette responsabilité. La condition de discernement comme dispositif de protection du mineur s’avère particulièrement illusoire.
L’administrateur ad hoc au secours du mineur non doué de discernement ?
Le recours à l’administrateur ad hoc pour le mineur non doué de discernement est une fausse bonne idée.
L’intervention de l’administrateur ad hoc est prévue par la loi (article 388-2 du Code civil) en cas de contradiction d’intérêt entre le mineur et ses représentants légaux, afin que ses intérêts soient représentés et au besoin, dans le but d’engager au nom du mineur dépourvu de la capacité juridique les actions judiciaires ou de passer les actes juridiques, au besoin avec l’autorisation du juge des tutelles, nécessaires à la préservation de des intérêts. La pratique a fait de la mission de l’administrateur ad hoc, au-delà de la mission de représentation que lui confère la loi, une mission d’assistance et d’accompagnement dans les différentes étapes judiciaires.
Pour les mineurs victimes d’infraction, la chancellerie a proposé un guide méthodologique destiné à harmoniser ces pratiques dans le but d’assurer « non seulement la représentation juridique du mineur mais aussi son accompagnement physique et moral du début à la fin de la procédure »5.
En assistance éducative l’administrateur ad hoc apparaît depuis la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 dans l’article 375-1 qui prévoit à l’initiative du juge des enfants que la désignation d’un avocat pour le mineur doué de discernement peut être demandée au bâtonnier et que lorsque le mineur n’est pas doué de discernement, et seulement si son intérêt l’exige, le juge des enfants pourra demander la désignation d’un administrateur ad hoc.
D’un côté, un avocat pour le mineur doué de discernement, de l’autre un administrateur ad hoc pour le mineur non doué de discernement… qui pourra faire choix d’un avocat. Ce dispositif entretient une confusion regrettable entre la place de l’avocat au côté du mineur et celle de l’administrateur ad hoc. Ce dernier veille à la protection des intérêts du mineurs, l’avocat veille à ce que sa parole soit entendue. En l’état actuel des textes, le mineur doué de discernement peut s’exprimer directement et être assisté de son avocat, alors que si le mineur est considéré comme non doué de discernement, c’est l’administrateur ad hoc qui s’exprime et l’avocat qui intervient n’est pas celui du mineur mais celui… de l’administrateur ad hoc.
La qualité et la bonne volonté de ceux qui exercent ces missions n’est pas en cause. Un exemple simple peut mettre en évidence la difficulté : un enfant, en assistance éducative peut affirmer, et son avocat avec lui, que son souhait est de vivre auprès de ses parents. Si le dossier révèle que cette demande est contraire à sa protection élémentaire, l’administrateur ad hoc pourra-t-il soutenir la demande du mineur sans aller à l’encontre de sa fonction première qui est de préserver ses intérêts ? Si la décision rejette la demande du mineur, ce dernier, assisté de son avocat peut en faire appel. Qui fera appel si l’administrateur ad hoc refuse d’exercer une voie de recours qu’il estime contraire à l’intérêt du mineur ?
Notons également qu’il est paradoxal de désigner un administrateur ad hoc destiné à représenter les intérêts du mineur dans une procédure dont l’objet même est d’assurer la protection de ce mineur et dans laquelle le juge doit statuer en 375-1 du Code civil).
De plus, pour les autres procédures « le concernant » pour lesquelles le mineur a le droit d’être entendu s’il est doué de discernement, la loi ne prévoit pas la désignation d’un administrateur ad hoc pour celui qui n’a pas cette capacité : le droit d’être assisté et entendu en justice ne se confond pas avec le droit d’être représenté en cas de contradiction d’intérêt.
Avant que le législateur de 2022 n’y songe, Claire Neirinck, universitaire en 1992, Michel Huyette, magistrat, et Pierre Verdier, avocat, en 2007, considéraient que l’administrateur ad hoc n’a pas de raison d’être en assistance éducative6.
Quoi qu’il en soit, l’instauration de l’administrateur ad hoc pour pallier l’absence de discernement du mineur ne permet pas l’exercice effectif par le mineur de ses droits fondamentaux.
Et si le législateur faisait confiance… à l’avocat ?
Être avocat d’un mineur est sans doute une mission particulière et celui qui l’a exercée en aura rapidement mesuré les enjeux et les limites.
Nos amis magistrats, certains d’entre eux du moins, manifestent encore une certaine réserve à admettre qu’un avocat puisse intervenir à l’audience pour assister un mineur et soutenir le cas échéant les demandes qu’il souhaite présenter. Certains ont pu évoquer des « dévoiements du système légal » en visant les cas dans lesquels « le mineur non doté du discernement nécessaire est quand même présenté au juge comme souhaitant participer pleinement à la procédure judiciaire et y être juridiquement une partie » « Cette hypothèse se rencontre assez (trop) souvent et chaque fois qu’un avocat se présente pour un jeune enfant qui n’a manifestement pas les capacités d’être pleinement partie à la procédure. Il s’agit alors d’une violation de la loi et d’un stratagème inacceptable. Il faut alors chercher ce qui se passe réellement sous l’apparence trompeuse d’une participation personnelle du mineur concerné. Cela n’est pas bien difficile à décrypter » « trop d’avocats se prêtent à ces stratagèmes mensongers »7.
Si certains d’entre nous se sont livrés à ces « stratagèmes mensongers » consistant à se présenter pour une partie afin de soutenir en réalité les demandes d’une autre, c’est à mon sens qu’ils ont oublié le serment d’exercer avec conscience, probité, indépendance, dignité et humanité qu’ils ont prêté devant la Cour d’appel en s’exposant de ce seul fait à des sanctions disciplinaires.
Cette méfiance nous oblige encore trop souvent à devoir expliquer à l’audience comment nous avons été saisis et par qui, que nous avons reçu en entretien individuel le mineur que nous accompagnons à l’audience, que nous avons préparé avec lui cette audience et ce qu’il souhaitait exprimer à cette occasion. Dans quel autre matière un juge s’autorise à demander de telles justifications ? Pour autant, imposer que seul le mineur doué de discernement sera assisté de son avocat, alors que cette condition est laissée à l’appréciation du magistrat c’est tomber dans un risque d’arbitraire que dénonçait déjà en 1992 Mme Claire Neirinck dans ces termes « Faut-il se contenter de laisser au juge des enfants le soin de désigner un avocat à l’enfant lorsqu’il le juge utile ? (…) Nombreux sont les juges des enfants qui considèrent qu’étant les meilleurs défenseurs de l’intérêt de l’enfant, ils n’ont pas à compliquer leur procédure par la présence inutile et encombrante d’un avocat d’enfants »8.
Reste à s’accorder sur la mission de l’avocat de l’enfant. La protection des intérêts de l’enfant appartient en premier lieu à ses représentants légaux, et en cas de défaillance de ceux-ci ou de contradiction avec leurs propres intérêts, à l’administrateur ad hoc qui lui sera désigné. Le juge des enfants est lui-même investi de la mission de veiller à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dès lors, comme le soulignait Mme Claire Neirinck dans l’article précité « un avocat qui prétend défendre l’intérêt du mineur est inutile ». L’avocat du mineur interviendra, non pour représenter les intérêts du mineur, mais pour assister et représenter, le cas échéant, le mineur lui-même, c’est-à-dire pour exprimer à ses côtés ou à sa place son avis, présenter ses demandes en mettant à son service sa connaissance du monde judiciaire et ses compétences juridiques.
Depuis la ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant par la France en 1990, et sous l’impulsion de la Chancellerie qui, à l’époque, n’y voyait que des avantages, les barreaux ont constitué des groupes d’avocats spécialisés dans la défense des mineurs. Depuis plus de trente ans, dans la quasi-totalité des barreaux, petits ou grands, des avocats se sont spécialisés et se forment à l’assistance des mineurs dans toutes les procédures les concernant. Depuis l’année 2000, les assises nationales des avocats d’enfants rassemblent chaque année plusieurs centaines d’avocats, assises auxquelles nos amis magistrats participent assidûment et à l’occasion desquelles, au travers des thèmes abordés, la question de l’avocat de l’enfant demeure la question centrale.
L’avocat de l’enfant, par définition, ne pourra intervenir dans une procédure que s’il a reçu d’une manière ou d’une autre un mandat, une mission de son jeune client (le terme de mandat qui renvoie stricto sensu à une mission de représentation pour la réalisation d’un acte juridique est impropre). Il aura un devoir de conseil, comme en toute matière, et dans ce cadre lui expliquer notamment ce qu’implique de vouloir s’exprimer devant son juge. Sur ce point, il faut affirmer à nouveau que le droit de donner son opinion, d’être entendu et assisté est aussi le droit de se taire, de refuser de prendre parti, de ne pas choisir entre sa famille d’accueil et sa famille naturelle etc. La mission de l’avocat peut s’étendre à l’analyse de la décision rendue et de l’opportunité des voies de recours éventuelles. Si le mineur n’est pas en capacité d’exprimer une opinion à son avocat parce qu’il est trop jeune, cet avocat sera alors dans l’incapacité de le représenter ou d’agir en son nom. Comme indiqué plus haut, l’administrateur ad hoc qui pourrait être désigné, si l’intérêt du mineur l’exige, mandatera un avocat qui le représentera mais qui ne pourra pas être l’avocat de l’enfant.
Confier la mission d’assister ou de représenter un mineur dans une procédure le concernant à un avocat spécialisé permet d’exclure les déviances et les risques notamment du dévoiement de la parole du mineur que craignent certains. C’est également s’assurer que l’audience ou l’audition seront préparées, que les conditions dans lesquelles elles auront lieu permettent, sans risque, l’exercice par le mineur de ses droits propres.
La Convention internationale des droits de l’enfant a posé le principe du droit pour le mineur à être entendu dans toute procédure le concernant et d’exprimer son opinion afin que celle-ci soit prise en compte « eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Pour que ce droit soit effectif, ne faisons pas de la condition de discernement un obstacle à son exercice.
Faisons au contraire de la présence de l’avocat au côté de l’enfant la condition nécessaire de son audition par le juge, dans toute procédure le concernant.
Notes et références
1. Centre de Recherches et d’Informations sur les droits de l’enfant du barreau de Bordeaux
2. Cour de cassation, Civ 1ère, 21 novembre 1995, n° 94-05.102,
3. Pierre Verdier : Le choix de l’avocat de l’enfant dans les procédures d’assistance éducative dans Journal du droit des jeunes 2007/5 n° 265)
4. Laurent Gebler juge pour enfants – Journal du droit des jeunes 2007/1 n° 261.) Non sans ironie, Laurent Gebler dans ce même article précisait que pour apprécier si le mineur est doué de discernement, le juge devrait commencer par l’entendre…
5. Guide méthodologique administrateur ad hoc.
6. Claire Neirinck, note sous Cour d’appel de Rouen Ch. Spéciale des mineurs 8 août 1990 JCP 1992 n° 21794 – Pierre Verdier : Le choix de l’avocat de l’enfant dans les procédures d’assistance éducative dans Journal du droit des jeunes 2007/5 n° 265)
7. Blog de Michel Huyette : 23 Janvier 2021 Le discernement du mineur en assistance éducative – Publié par Paroles de juges
8. Claire Neirinck, note sous Cour d’appel de Rouen Ch. Spéciale des mineurs 8 août 1990 JCP 1992 n° 21794