Le 18 juillet 2023, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. La Chancellerie évoque des mesures de « simplification » de la procédure pénale. Il n’en est rien !
Le SAF et d’autres aussi dénoncent cette énième réforme qui bouleverse les équilibres procéduraux déjà très fragiles et porte une nouvelle atteinte importante aux droits et aux libertés des personnes.
Extension de la possibilité de réaliser des perquisitions de nuit…
En flagrance en cas de crimes de droit commun, c’est-à-dire contre les personnes. Cette disposition est incohérente, puisqu’elle n’est pas prévue pour le juge d’instruction. Elle fait encore reculer le principe d’inviolabilité du domicile et la protection attachée à ce dernier. Elle est totalement disproportionnée !
La commission Libertés et droits de l’homme en a demandé le retrait.
Création d’une ARSE (assignation à résidence sous surveillance électronique) sous condition suspensive de faisabilité avec incarcération provisoire
Si la mesure semble favoriser le recours à l’ARSE, notamment lors du premier débat devant le juge des libertés et de la détention, plusieurs éléments appellent toutefois à la vigilance. En effet, le risque que cette disposition empiète bien plus sur les cas de placement sous contrôle judiciaire que sur les cas de placement en détention provisoire est évident.
Les élus SAF rappellent que les modifications législatives incitant au prononcé de l’ARSE resteront vaines tant que la confiance des magistrats en cette mesure ne sera pas encouragée par le ministère de la Justice.
Il importe également d’influer pour que les service pénitentiaires d’insertion et de probation soient renforcés pour réaliser des enquêtes de faisabilité rapides et efficaces.
Extension de la comparution à délai différé
Le projet prévoit que :
- Le délai de comparution devant le tribunal est allongé de 2 à 4 mois, ce qui emporte le même allongement des mesures de sûreté.
- Le procureur de la République peut, malgré les poursuites déjà ordonnées, poursuivre l’enquête en procédant à des actes d’investigations complémentaires.
- La personne déjà convoquée devant le tribunal peut être de nouveau entendue par un agent ou un officier de police judiciaire et soumise à des confrontations.
- Le procureur de la République peut décider, au vu des investigations complémentaires réalisées, de requérir l’ouverture d’une information judiciaire.
L’ensemble de ces propositions confirme le glissement de procédure pénale et les choix de poursuite du parquet vers une justice pénale d’urgence qui devient la norme.
La personne est déjà prévenue, convoquée devant le tribunal pour être jugée, et ne bénéficie d’aucune des garanties du mis en examen. L’objectif affiché est donc très clair : éviter les ouvertures d’information judiciaire, procédures qui offrent des droits et des garanties renforcées aux justiciables !
Les élus SAF ne peuvent que s’opposer farouchement à cette extension de la comparution à délai différé.
Unification des délais de renvoi en matière de comparution immédiate
Le projet de loi vise à unifier les délais de détention provisoire dans le cadre d’une comparution Immédiate. Un seul et même délai de 10 semaines serait retenu.
Le SAF rappelle qu’un délai est prévu pour permettre aux parties de bénéficier d’une durée raisonnable pour préparer leur défense. Néanmoins, la pratique judiciaire tend à dévoyer la comparution immédiate en renvoyant des dossiers de plus en plus volumineux et complexes.
Dès lors, le délai de dix semaines maximum prévu par le projet de loi ne permettra pas de préparer convenablement la défense. Le SAF milite donc pour que le délai maximum soit augmenté.
Placement sous assignation à résidence sous surveillance électronique en cas de détention provisoire irrégulière
Cette disposition permet ni plus ni moins de remplacer un écrou irrégulier par un nouvel écrou. Et donc de ne pas tirer les conséquences nécessaires d’une irrégularité de la détention provisoire. Ce serait porter une atteinte grave à la liberté individuelle, en rendant ineffective la mise en liberté qui résulte pourtant d’une détention irrégulière.
Le SAF demande le retrait de cet article.
Disposition permettant le déroulement de l’examen médical par vidéo-transmission
L’examen médical d’un majeur prévu en cas de prolongation de la garde à vue peut être réalisé par vidéo-transmission (ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle), si la nature de l’examen le permet.
Atteinte particulièrement grave là aussi aux droits des gardés à vue. La télé-consultation est totalement inadaptée à l’examen médical en GAV qui n’est pas un acte de soin, mais un contrôle des conditions de dignité et de l’adéquation entre l’état de santé de la personne privée de liberté et la GAV.
Le SAF s’oppose à cette mesure qui ne vise qu’à faire gagner du temps aux forces de l’ordre. Le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est lui aussi fermement opposé à ce projet.
Activation à distance d’un appareil électronique, localisation en temps réel ainsi que captations, fixations, transmissions et enregistrement de paroles ou images dans un lieu privé
Les enquêteurs disposent déjà de nombreuses techniques pour écouter ou suivre le déplacement d’une personne mise en cause en temps réel. À cela, le projet de loi entend ajouter la possibilité, à tous les stades de la procédure, d’activer à distance un appareil électronique à l’insu de son possesseur pour le localiser (pour les délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ou les crimes) ou enregistrer les paroles prononcées et les images (pour la criminalité et la délinquance organisée).
Que disait le rapport SAUVE ?
Il invitait à une réforme systémique et préconisait l’arrêt de la multiplication de réformes que les juridictions n’auraient pas la capacité d’absorber. L’ensemble des nouvelles mesures proposées n’est en aucun cas rattaché aux conclusions des états généraux de la justice auxquels le CNB et le SAF ont activement participé.
Vos élus du SAF se mobiliseront donc au CNB pour encore et toujours alerter et combattre ces projets liberticides. Ce travail de pédagogie mais aussi de proposition se fera plus fort à l’occasion de la prochaine mandature.
Pour que les sujets fondamentaux soient enfin traités : régulation carcérale, réforme structurelle du statut du Parquet, place de l’enquête préliminaire, rôle du juge d’instruction !