Notre protection sociale

PAR Mouad Aounil
SAF Clermont-Ferrand

« Un risque social peut menacer les membres d’un groupe et entraîner une perte de revenus professionnels par suite d’altération physique de la force de travail (accidents, maladies, invalidité) ou d’altération économique de la force de travail (Chômage). »
Patrick Morvan, Droit de la protection sociale.

 

Des mesures protègent de ces risques afin d’éviter précarisation voire exclusion.
Le SAF a toujours une conscience aiguë des enjeux de la protection sociale, un combat pour une profession solide, solidaire et indépendante en vue de promouvoir une justice démocratique, de sensibiliser des citoyens et citoyennes au Droit et défendre une profession indépendante dans ses conditions d’exercice.
Le SAF promeut l’amélioration constante des valeurs solidaires de la protection sociale collective.

Les avocats n’échappent pas à l’exposition au risque du fait de la dégradation constante de leurs conditions de travail liée notamment au contexte juridique qui ne cesse de muter, le tout dans un contexte économique tendu. Les derniers chiffres du CNB le démontrent clairement (rapport au 1er janvier 2020) : un périmètre du droit en mouvement permanent, une concurrence des legal tech, des réformes incessantes à la fois de l’organisation judiciaire et des procédures sociale, pénale, civile et commerciale, une sinistralité galopante du fait des chausse-trappes procédurales tel que le sulfureux décret Magendie. L’importance du nombre des dossiers d’aide juridictionnelle pose la véritable question d’une contrepartie économique réelle du travail effectif.

Le covid a éclairé nos fragilités
La crise sanitaire a révélé les limites de notre couverture maladie en raison du délai de carence de 8 à 30 jours limitant l’indemnisation pour les courts arrêts se multipliant dans l’année (en cas de maladie chronique). Florian Borg avait publié Les limites de la protection sociale des avocats dans la Lettre du SAF Octobre 2021. Secrétaire du CNB il rappelait « Nous avons demandé dans le cadre des débats au CNB comme au sein de la CNBF que deux solutions soient étudiées, soit que les ordres se saisissent de la question pour proposer une meilleure assurance et une réduction des délais de carences, soit un système dans lequel nous rejoindrions l’assurance maladie mais avec une couverture complémentaire obligatoire, prise en charge par les ordres ou par la CNBF pour compléter les indemnités journalières. »
C’est un chantier d’avenir.

Les plus récentes avancées
Le SAF a œuvré au sein de la CNBF à l’amélioration de l’indemnité journalière versée en cas d’arrêt de travail au-delà de 90 jours, la possibilité de bénéficier d’un temps partiel thérapeutique, la majoration pour tierce personne de la rente servie au titre d’une invalidité permanente.
Ces progrès en appellent d’autres.
Une société plus juste se construit par des progrès dans la défense des droits sociaux collectifs.
La SAF était aussi à l’origine de la proposition de réduire le nombre minimal d’années de cotisations de 15 à 10 ans, permettant le bénéfice d’une pension de retraite. Cette position avait été défendue et adoptée, suite aux données établissant qu’un nombre non négligeable d’avocats et plus spécifiquement d’avocates quittaient la profession avant 15 ans d’exercice mais plus encore avant 10 ans.
Le débat interne au SAF n’a jamais cessé et lors du congrès de Strasbourg de novembre 2017 un moment collectif permettait une réflexion autour des risques psychosociaux liés aux conditions d’exercice. Si les conditions de travail des avocats rendaient désormais la défense des justiciables difficile, voire impossible ? Et si l’avocat était désormais un travailleur comme les autres à la limite du burn-out ? Conclusion : ni uberisés, ni épuisés mais solidaires.

Nouvelle organisation et travail
Nécessité de questionner le rapport au travail, le rythme de travail et une potentielle souffrance au travail et donc les risques subséquents. Accroissement de la productivité assorti de l’érosion de la place accordée à la subjectivité et la perte dramatique aggravent des pathologies mentales liées au travail, font apparaître de nouvelles pathologies de surcharge. (Antoine Duarte laboratoire de psychologie clinique, psychanalyse et psychopathologie. Université de Paris V – Document disponible SAF en ligne).

La table ronde consacrée à Structures solidaires plutôt que capitaux extérieurs, disponible en ligne, est intéressante. Notre capacité à être créatif est le seul vecteur de lutte et de résistance contre la perte du sens au travail et la souffrance qui peut en résulter.
La protection sociale prise dans sa transversalité à la fois en tant que protection à posteriori suite à l’avènement de risques qu’à priori pour prévenir de tels risques est une question centrale de nos préoccupations syndicales.
D’où les synergies indispensables avec les ordres comme premier échelon pertinent de prévention, avec la CNBF et le CNB où le SAF a une place particulière via ses élus.
Sur préconisation de sections locales certains barreaux ont mis en place des commissions de prévention de difficultés qui fonctionnent sous l’égide du bâtonnier et plusieurs membres de conseil de l’ordre dans un absolu respect de confidentialité de traitement des situations. Personne en effet ne parle spontanément et par anticipation de ses difficultés économique ou de santé.

Les secours de la CNBF
Elle peut attribuer, sous certaines conditions, des secours financiers à ses affiliés ainsi qu’à leurs conjoints survivants et à leurs orphelins. Ces aides sont versées sous forme de secours exceptionnel renouvelable ou non.

CNB et CNBF
La synergie avec le CNB a démontré également sa pertinence à l’occasion de la lutte contre le premier projet de réforme des systèmes de retraite et la menace de disparition du régime autonome, lutte qui a pu démontrer que la profession unie sur ses valeurs de solidarité peut être redoutable. « Le CNB se tient prêt à s’élever contre tout projet de nature à altérer le modèle économique et social de la profession d’avocat, avec les graves conséquences sur l’accès au droit qu’aurait la disparition consécutive de certains cabinets. » Communiqué du CNB du 17 05 2022.
Concrètement, suppression de l’article 1er bis prévoyant une étude sur la convergence des régimes vers un régime universel de retraite, l’obtention de la majoration de 10% des pensions de retraite des avocats ayant eu 3 enfants ou plus. De même, la position convergente au sujet de la réforme de l’allocation des travailleurs indépendants. Le CNB avait été clair sur la vocation de cette allocation au profit de travailleurs indépendants en cessation d’activité et avait rappelé que : « Il existe des mécanismes de secours et de solidarité propres à la profession d’avocat de nature à (…) favoriser en premier son rebond plutôt que sa fin, à anticiper ses difficultés au lieu de sa déroute… » CNB Commission ad hoc Protection sociale du 12 04 2022.

Des pistes et des chantiers
L’augmentation du montant des indemnités journalières, l’assurance perte de collaboration, l’assurance chômage, la dépendance.
La question de la protection sociale ne peut pas être traitée indépendamment de l’égalité femmes et hommes « Il convient d’observer avec attention les évolutions démographiques récentes de la profession pour nuancer l’absence d’impact à venir de la réforme (retraite) sur notre profession. Ainsi les pensionnés sont encore très majoritairement des hommes, et nous savons la forte féminisation de la profession d’avocat (57,7%). Or le niveau de revenus des femmes (soit l’assiette des cotisations qui détermine les ressources des régimes et l’ensemble des droits au régime complémentaire en stock) est très nettement moindre que celui des hommes à l’exception du début de carrière. (…) » Dorothée Fayein, élue CNBF SAF Amiens.
La protection sociale des avocats est au cœur des préoccupations du SAF car la destruction économique et sociale d’un pan de cabinets individuels œuvrant dans la défense des personnes et généralement les plus vulnérables, (contentieux de la vulnérabilité) aura inéluctablement pour conséquences la destruction d’un pan de défense tout simplement.
Personne ne peut imaginer ou souhaiter l’affaiblissement des droits de la défense des plus fragiles.

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