Il n’est pas rare de s’interroger, sur les bancs de la défense, sur les marches des palais ou à chaque période d’élections : « à quoi sert le CNB ? ». Les trois dernières années de travail acharné de la commission Libertés et droits de l’homme présidée par Laurence Roques sur la question carcérale doit nous rassurer. Des conditions indignes à la surpopulation carcérale, l’engagement du CNB dans la défense des droits des personnes détenues comme de leurs avocats aura été constant depuis trois ans.
Dans la longue campagne contentieuse engagée il y a plus de 10 ans par l’Observatoire international des prisons contre l’indignité des conditions de détention et pour la création d’un mécanisme contentieux efficace à les prévenir ou les réparer, le CNB a pris toute sa part pour affirmer le soutien de l’ensemble de la profession aux recours engagés devant le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme.
En janvier 2020, la France était définitivement condamnée, dans un arrêt quasi pilote de la Cour de Strasbourg, au visa des articles 3 et 13 de la Convention ; condamnée pour avoir soumis des personnes placées sous sa garde à des conditions de détention que les juges européens n’ont pas hésité à qualifier de « traitements inhumains et dégradants » et pour avoir privé ces dernières de tout recours efficace et effectif propre à faire cesser ces atteintes. Le CNB était déjà intervenant volontaire. Ce n’était pourtant que le début.
En octobre 2020, aux côtés de l’ensemble des associations, des syndicats d’avocats et de magistrats, et des ordres, le CNB a soutenu l’inconstitutionnalité des dispositions législatives françaises impropres à garantir aux personnes détenues la dignité de leurs conditions de détention.
Dans les mois qui suivirent la déclaration d’inconstitutionnalité, le CNB a mis à profit ses ressources et ses compétences pour tenter de faire amender le texte proposé par le Gouvernement, puis a participé à un large travail collectif pour permettre que soit mis à disposition de l’ensemble des avocats un vade-mecum, un modèle de requête, des formations et des outils pratiques pour assurer l’accessibilité de ce nouveau recours (803-8 du code de procédure pénale) conçu par le Législateur comme une vaste usine à gaz.
Ces outils, en libre accès sur le site du CNB, et accessibles sur n’importe quel moteur de recherche en quelques clics devaient faciliter la vie des avocats qui souhaitaient accompagner leurs clients incarcérés, en évitant les chausse-trappes d’un texte conçu pour voir le requérant échouer.
Ce travail de la commission Libertés et droits de l’homme s’est par ailleurs accompagné d’une importante mobilisation de la commission Accès au droit, le Gouvernement n’ayant initialement pas jugé nécessaire de prévoir l’indemnisation de l’avocat intervenant au soutien de son client détenu au titre de l’aide juridictionnelle.
Décret du 12 juin 2023
Il aura ainsi fallu attendre le mois de juin 2023 pour voir enfin paraître le décret sur l’indemnisation au titre de l’aide juridictionnelle (décret n° 2023-457 du 12 juin 2023).
Les critiques et les constats, que chaque avocat peut rapporter auprès du CNB quant à l’absence d’efficacité de ce recours et d’effectivité des droits en principe garantis aux personnes détenues, ont nourri les observations du CNB, interrogé par la Cour européenne des droits de l’homme sur le défaut d’exécution de la France.
Formation continue
Avec la même ambition de mettre en commun les compétences de chacun, la commission Libertés et droits de l’Homme a répondu à la mission de formation continue qui est la sienne, en organisant colloques et cycles de formations tout au long de ces trois années : des vidéos ainsi que des supports et des documents utiles ont été mis en ligne sur le site du CNB pour être dorénavant plus accessibles aux confrères.
Chacune de ces formations s’est accompagnée d’une réflexion commune avec les habitués de ces contentieux, avec des magistrats exerçant les fonctions concernées, avec les administrations (santé, pénitentiaire, éducation nationale) impliquées et pouvant être juridiquement mises en cause.
À l’image des experts qui, dans chaque commission, viennent soutenir les élus et les équipes du CNB en leur apportant leurs compétences et leurs expériences, la commission Libertés et droits de l’homme a ainsi conclu avec l’Observatoire international des prisons section française, un partenariat pour étoffer et renforcer l’offre de formation sur les questions pénitentiaires : la question des conditions indignes, mais également plus largement celle des recours administratifs contre l’administration pénitentiaire, de la santé des clients détenus et de leurs droits, du travail pénitentiaire ou du contrôle extérieur des lieux de privation de liberté. La commission se veut désormais un espace numérique de ressources utiles à tous les avocats qui doivent pouvoir y trouver, par exemple, l’ensemble des rapports de contrôle des lieux de privation de liberté visités par les Bâtonniers de tous les barreaux, au soutien de leurs recours.
Effectivité d’un dialogue interprofessionnel
Si « le droit avance à coups de contentieux » selon la maxime de Patrice Spinosi avocat aux conseils, désormais éprouvée en matière pénitentiaire, la mandature qui s’achève aura aussi démontré que le dialogue avec ceux que l’on attrait le plus souvent devant les tribunaux n’est pas toujours inutile, loin de là.
En instaurant des échanges réguliers, institutionnalisés et même protocolisés avec la Direction de l’administration pénitentiaire la commission Libertés et droits de l’homme aura obtenu en trois ans des réponses à la quasi intégralité des difficultés récurrentes rencontrées par les avocats dans l’exercice de leurs missions en détention :
Un annuaire des établissements pénitentiaires,
Une note de la DAP pour rappeler les mesures de sécurité propres à permettre l’accès des avocates à leurs clients détenus et à proscrire les humiliations que certaines subissaient en se voyant contraintes de retirer leur soutien-gorge à la porte,
Une note de la DAP pour harmoniser l’accès des avocats aux dossiers disciplinaires des personnes condamnées renvoyées devant la commission de discipline,
Une note de la DAP pour rappeler les conditions de délivrance (et les faciliter) des permis de communiquer et des fiches pénales aux avocats,
La communication par la DAP de l’ensemble des notes et circulaires relatives aux conditions et droits des détenus mais également qui intéressent la profession,
La création d’un interlocuteur unique par Direction interrégionale (DISP) qui a pour mission d’assurer les relations avec les avocats, d’être le référent pour toutes les difficultés.
Un travail collectif
Il reste, évidemment beaucoup à faire y compris pour convaincre l’ensemble des avocats de participer aux travaux du CNB, de faire remonter les difficultés qu’ils rencontrent, de se saisir des outils mis à leur disposition. Le travail du CNB sur ces sujets ne peut être qu’un travail collectif, au service des confrères mais avec leur soutien et leur concours au sujet des établissements de leur ressort et dont la liste est accessible sur le site de la commission.