par Françoise Artur
Avocate honoraire, SAF Poitiers
Plusieurs réformes sont venues renforcer l’efficacité de la justice de l’amiable, le législateur voulant favoriser son développement tant conventionnel que judiciaire : les avocats ne peuvent se désintéresser de cette pratique sur le plan politique et professionnel.
Nous savons tous et toutes, à peu près, ce que recouvrent les MARDS, sans les pratiquer ou peu. Les raisons de s’intéresser à cette justice de l’amiable ne manquent pas : le service juridique est devenu un marché dont l’accès sous toutes ses formes (sites de référencement, d’information juridique, de prestations en ligne, intelligence artificielle…) et l’organisation, relèvent d’acteurs qui ne sont plus seulement des professionnels du droit ou du judiciaire. La révolution internet et la communication à distance ont profondément modifié l’accès à l’information et les échanges humains dans leur temporalité et leur espace. On assiste ainsi à une convergence de restriction du secteur juridictionnel au profit du secteur privé. Ceci est aggravé par l’indigence récurrente des moyens du service public justice et l’absence de revalorisation de l’aide juridictionnelle. Le fonctionnement de la justice est profondément dégradé : on peut lui reprocher d’être trop lente, ou au contraire expéditive, on peut lui reprocher son coût et sa complexité. Si les palais de justice se ferment et que l’État abandonne ses acteurs, les conflits demeurent et les citoyens réclament qu’ils soient traités avec des règles communes, impartiales et accessibles.
C’EST L’AFFAIRE DES AVOCATS
À eux de s’adapter pour diversifier et maintenir leur activité sur leur territoire, même si l’on ignore ce qu’il en adviendra. Nous disposons des ressources suffisantes : expertise la défense, champ d’intervention dans les litiges. Notre déontologie est une plus-value par rapport aux autres prestataires.
Nous connaissons des exercices de plus en plus tendus et collaborer à une justice dégradée peut être source d’interrogations et d’anxiétés sur le sens même de nos missions. Il ne faut en rien renoncer au combat pour un accès effectif à la justice par la revalorisation substantielle de l’aide juridictionnelle, et la défense de ce service public de qualité ; on sait déjà que de nombreux justiciables renoncent à engager une procédure faute de moyens. C’est le fondement du SAF.
Personne n’est dupe des arrière-pensées de nos gouvernants : promotion d’une gestion des coûts et des flux, vision gestionnaire dont l’objectif est de réduire l’activité juridictionnelle.
Il n’est donc pas question de défendre l’idée que la justice privée pourrait être un substitut à la justice d’État : elle n’a vocation qu’à être une voie alternative et non supplétive.
Il ne faut aucun renoncement mais porter des revendications et des exigences de qualité et d’accessibilité de même nature que pour la justice d’État. Le SAF fort de sa tradition d’alliance avec le public a sa place dans ce travail de réflexion : l’État doit affecter un budget à la justice de l’amiable et cesser de ne penser les modes alternatifs que comme une source d’économie.
L’État doit conduire une politique de l’amiable, dans un cadre conventionnel ou judiciaire : si la volonté de professionnaliser et de contrôler le métier de médiateur est en marche notamment avec la création d’un centre national de médiation1, rien n’est dit sur les moyens alloués à ce secteur d’activité : il ne saurait y avoir une discrimination entre les justiciables dès lors que l’amiable peut être une alternative efficiente à la résolution de son litige.
Les MARDS sont peu intégrés dans nos exercices professionnels, par conviction parfois, mais aussi parce qu’il n’est pas si simple de les prescrire, tant il est vrai que le travail d’avocat diffère notablement dans la justice de l’amiable de celui du contentieux. Quand et comment conseiller un MARD au client ? Quelles prestations spécifiques doit-on diligenter ? Comment travailler avec le conseil adverse ? Quelle méthode de travail ? Quel périmètre de confidentialité ? Les questions sont nombreuses et impliquent une réflexion sur la place occupée par l’avocat dans les MARDS. Les places sont différentes, les prestations également et les prises de décisions engagent une responsabilité nouvelle.
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Notes et références
1. Article 45 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021