par Laurence Roques
Présidente de la commission Libertés et Droits de l’Homme du CNB, SAF Créteil
Confidents de leurs clients, les avocats recueillent leurs doléances et dénoncent les mauvais traitements subis, les conditions indignes, le manque d’accès effectif aux droits, mais jusque-là ils restaient tributaires d’autres autorités1 pour venir constater cette indignité, pour établir la preuve sans laquelle toute action est vouée à l’échec.
Depuis le 24 décembre 2021 les bâtonniers sur leur ressort, ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre, peuvent visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les locaux des retenues douanières définies à l’article 323-1 du code des douanes, les lieux de rétention administrative, les zones d’attente, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés mentionnés à l’article L. 113-7 du code de la justice pénale des mineurs.
Désormais, les avocats peuvent
alerter leur bâtonnier
afin qu’il se rende comme il l’entend
dans les lieux d’enfermement.
Demandé avec force depuis plusieurs années par la profession, le droit de visite du Bâtonnier est le fruit d’un long travail pédagogique destiné à convaincre les parlementaires du bien-fondé de ce dispositif qui s’est concrétisé grâce aux amendements du CNB portés par les députés Naïma Moutchou, Yaël Braun-Pivet et Ugo Bernalicis.
« Les avocats représentés par leur bâtonnier jouent un rôle éminent pour le respect des droits de la défense et comptent parmi leurs clients des personnes qui peuvent être placées en garde à vue, en détention ou en rétention. Il n’est donc pas illégitime que les représentants de la profession puissent contrôler l’état des lieux de privation de liberté afin notamment de s’assurer du respect de la dignité et des droits des personnes privées de liberté », comme l’ont souligné à juste titre les deux sénateurs Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère rapporteurs de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.2
Ce droit de visite est une petite révolution. D’abord parce qu’il revient désormais au Bâtonnier de contribuer à révéler l’état des lieux de privation de liberté, ensuite parce que ce droit individuel des Bâtonniers pourra être coordonné par les organes de la profession (CNB et Conférence des Bâtonniers) et s’organiser de manière collective et nationale avec une communication appropriée.
Ce nouveau rôle sociétal dévolu au Bâtonnier oblige toute la profession.
- C’est pour cette raison que dès l’entrée en vigueur de la loi, celle-ci s’est attelée à la rédaction d’un guide du Droit de Visite du Bâtonnier dont l’objet n’est pas d’interférer dans la liberté du Bâtonnier et ses délégués d’exercer ce droit comme il l’entend mais de proposer :
- Un outil pratique comprenant une méthodologie unifiée permettant une harmonisation des rapports de visite au niveau national et un suivi à l’occasion des successions de bâtonniers.
Un instrument de plaidoyer, grâce à la rédaction d’un support de preuves impartial devant les juridictions au soutien des différents contentieux que les avocats pourraient être amenés à diligenter.
Ce guide accessible sur le site du CNB3 est le fruit d’un travail collaboratif mené par la Commission Libertés et Droits de l’Homme du CNB, avec la conférence des Bâtonniers, le Barreau de Paris mais également des associations et parlementaires, sous le regard bienveillant de Madame la Contrôleuse Générale des lieux de Privation de liberté.
Il a vocation à évoluer et s’enrichir de la pratique et des retours d’expérience des bâtonniers lesquels n’ont pas attendu pour exercer leur droit et c’est tant mieux.
Notes et références
1. Article 719 du CPP et 41 du CPP contrôle par le procureur de la République des locaux de GAV
2. Rapport n°834 déposé le 15 septembre 2021 P 103
3. Consulter Le Guide du droit de visite du bâtonnier