Octobre 2024 Anniversaire

50 ans, le SAF en mouvement

PAR Régine Barthélémy ET Simone Brunet

Le SAF fête cette année ses 50 ans. Il est né dans la mouvance de l’union de la gauche, des réflexions, des débats, des actions qui ont agité les années de « l’après 68 ». Emerge à ce moment-là le besoin de structurer la défense de pratiques professionnelles ancrées dans le militantisme et l’accompagnement de celui-ci. Les débuts du Syndicat de la Magistrature dès 1968 avaient montré la voie. Pour lancer le Syndicat des Avocats de France (qui ne revendiquait pas encore ce nom) un manifeste fut publié le 8 août 1972 dans la Gazette du Palais sous le titre Pour une véritable organisation syndicale de défense de la profession d’avocat signé par 14 avocats, parisiens à l’exception de Claude Michel, membre fondateur du barreau de Seine-Saint-Denis. Ce fût le véritable acte de naissance du SAF qui partait d’un constat que nous pouvons encore partager : la Justice est en crise ! Bilan de l’encombrement des prisons, de la surcharge des tribunaux, d’un accès inégal des citoyens au droit et à la défense, d’un budget dérisoire…   Solidarité entre les intérêts du public et les avocats Le Manifeste affirme que le droit d’avoir accès à un avocat indépendant est une des garanties fondamentales de

50 ans plus tard les combats continuent !

PAR Charlotte Cambon

Cette année le SAF fête ses 50 ans. Certain.e.s comme moi, fêtent leurs moins de dix années d’exercice, sept dans mon cas. Adhérente et active au SAF depuis seulement quelques années, je ne saurais témoigner avec la hauteur de nos aîné.e.s de ce que représentait et représente aujourd’hui notre syndicat. Modestement donc, c’est mon petit point de vue, nécessairement personnel et récent, que je suis néanmoins ravie de livrer ici. Aujourd’hui, les conditions d’exercice de la profession d’avocat.e sont extrêmement dures, on le dit suffisamment. Nous subissons l’isolement, la pression économique, la pression psychique, l’exploitation galopante des collaboratrices et collaborateurs, l’exclusion des palais, les liens tendus avec les magistrats, avec les justiciables, le foisonnement effréné des règles et textes, la réduction toujours plus drastique des budgets consacrés à l’accès au droit, à l’AJ, et, de façon générale, nous supportons l’épuisement et le découragement face à tous ces phénomènes conjugués. À la lecture des écrits de nos aînées Régine et Simone, il semble malheureusement que rien n’ait bien changé depuis les années 70. La Justice est toujours en crise, les prisons étaient et sont toujours surpeuplées, le traitement réservé aux femmes, aux personnes stigmatisées/racisées/exclues n’a pas cessé, les attaques contre notre

Profession

Exercice professionnel

Avocats référents, enfin !

PAR Pierre-Henri Marteret , Adam Borie-Belcour ET Jean-Louis Borie

« Mettre en place… un programme de parrainage « très jeune barreau » dès l’entrée à l’école et jusqu’au début de l’exercice professionnel », tel est l’énoncé d’une proposition issue des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat organisés de 2018 à 2020. Le 3 juillet 2020 le CNB adoptait une résolution pour préconiser l’attribution à chaque élève d’un avocat référent chargé de vérifier le bon déroulement du stage et pour proposer une disposition réglementaire pour l’accompagnement des « jeunes » avocats par un avocat référent durant deux ans. Le 7 décembre 2023 le CNB a adopté une disposition à caractère normatif pour les élèves avocats : « Lors de son stage auprès d’un avocat…, l’élève avocat bénéficie d’un avocat référent extérieur au cabinet d’accueil. Il est chargé, en relation avec le CRFP, du suivi pédagogique du stage et s’assure de son bon déroulement et du respect des stipulations de la convention de stage établie ». Pour les titulaires du CAPA accédant à la profession à compter du 1er janvier 2025, un article 85-2 du décret du 27 novembre 1991 a été créé le 1er décembre 2023 : « Au cours de leurs deux premières années d’exercice professionnel, les personnes… sont accompagnées par un avocat référent ayant exercé pendant au

Entretien

La commission féministe fête ses 1 an

PAR Charlotte Bonnaire ET Claude Vincent

La plus jeune de nos commissions fait son premier bilan   Comment est née la commission féministe du SAF ? Claude : Aux forceps ! (rires) C’était une demande formulée depuis très longtemps par quelques camarades féministes du syndicat et il est important de leur rendre hommage. Charlotte : Oui, l’idée remonte à plusieurs années déjà avec une grosse attente de construire une ligne politique féministe au SAF. À Marseille, pour la journée du 8 mars 2022, on a voulu manifester avec des revendications portées par le syndicat, sauf qu’on ne savait pas quelles revendications féministes portaient le SAF. La graine était plantée, Antonin Sopena et moi, on a porté le sujet au CS et Claire Dujardin a fait germer l’idée jusqu’au congrès de Lille où on a organisé un atelier. Et bien que personne n’y croyait vraiment et que certain·es ont même grincé, il y a eu un climat favorable ce jour là, avec plus de 80 camarades présent·es qui ont vu la nécessité d’acter l’attente et de créer la commission féministe. La nécessité de faire advenir la commission dans le syndicat a très vite été démontrée par la voie démocratique ! Claude : Et contrairement à la « Macronie », la démocratie s’est imposée ici ! Quel

Éclairage

Libertés publiques

Une liberté de manifester sous tension

PAR Marion Ogier ET Lionel Crusoe

50 ans après la création du SAF, la situation politique et sociale en France se traduit par une immixtion assumée des pouvoirs publics dans l’exercice de plusieurs libertés publiques et, en premier lieu, la liberté de manifester. Face à ce constat, et fort de ses combats passés, le SAF est mobilisé et se doit de participer à la mise en œuvre d’une stratégie qui permettra de lutter efficacement contre ces dérives.   Est-on condamné à un lent processus de « dépossession politique » ? Telle est la menace qu’identifiait Bourdieu en 1977 à travers la tendance de notre démocratie consistant, pour les dominants, à cantonner le jeu démocratique à la seule expression d’une « agrégation statistique d’opinions individuelles exprimées » et à désavouer les mouvements collectifs1. À rebours, la liberté de manifester compte parmi les outils de « démocratie continue » permettant de porter une parole authentiquement collective ; et la possibilité pour les citoyens de s’exprimer dans la rue constitue un baromètre efficace de la santé d’une démocratie et d’un État de droit. Pour ce qui concerne la France, le rapport d’activité de la défenseure des droits pour 2023, comme le rapport sur l’État de droit de la Commission européenne établi pour 2024, alertent sur la multiplication

Libertés

Nouvelle-Calédonie : quand la justice devient le bras armé du politique face à l’insurrection kanak pour son indépendance

PAR Louise Chauchat ET François Roux

En Nouvelle-Calédonie, la revendication d’indépendance du peuple kanak s’est violemment manifestée la nuit du 13 mai 2024. Depuis, le pays connaît un calme précaire, avec la mobilisation de plus de 6 000 policiers et gendarmes1. La criminalisation de l’action politique pose question.   Il est impossible de parler de la situation judiciaire sans parler de la situation sociale et politique tellement l’imbrication démontre le poids de l’histoire coloniale. « Les inégalités économiques et sociales se confondent avec les inégalités ethniques. Pour faire simple, les statistiques nous apprennent que les populations favorisées sont européennes et les plus défavorisées kanak »2. D’importantes manifestations avaient été organisées par les indépendantistes afin principalement d’affirmer leur opposition à l’élargissement du corps électoral confortant les mécanismes de la colonisation de peuplement. Malgré ces alertes, la situation a explosé le 13 mai pendant les débats à l’Assemblée nationale sur la loi constitutionnelle portant modification du corps électoral avec une jeunesse exaspérée qui a lutté hors de tout contrôle se sentant écartée de son processus vers l’indépendance initié par l’accord de Nouméa. Ce passage en force du Gouvernement de la « Puissance administrante » (selon la terminologie des Nations Unies) a été vécu comme une rupture de la parole donnée par l’accord de

AJ et accès au droit

Sans papiers mais pas sans droits

PAR Manuela Grévy ET Xavier Courteille

On sait combien le SAF, soucieux de la question fondamentale de l’accès au juge – composante essentielle de l’État de droit – a toujours été mobilisé sur la problématique de l’aide juridictionnelle, qui en constitue une garantie essentielle. C’est donc un combat au cœur de son engagement qui a été récemment mené avec succès devant le conseil de prud’hommes de Paris, puis la Cour de cassation et, enfin, le Conseil constitutionnel. La loi du 3 janvier 1972 ayant institué l’aide juridictionnelle prévoyait son bénéfice aux personnes de nationalité française et aux étrangers ayant leur résidence habituelle en France. Un projet de loi du 5 avril 1991 avait repris cette disposition, y ajoutant les ressortissants de la communauté européenne. Il faut rappeler que cette loi tend à assurer, ainsi qu’il résulte de son article 1er, l’accès à la justice et au droit notamment en offrant aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, la possibilité de bénéficier d’une aide. C’est par la voie d’un amendement que la condition de régularité de séjour du justiciable étranger pour bénéficier de l’AJ a été ajoutée au texte qui allait devenir la loi du 10 juillet 1991. Et

Police / Libertés

Indignité des locaux de garde à vue : une responsabilité inédite pour les avocats

PAR Loïc Le Quellec ET Nicolas Chambardon

La possibilité nouvelle pour les bâtonniers de visiter les locaux de garde à vue a permis à certains barreaux de faire condamner l’État à remédier à des situations totalement indignes et pour autant banales et connues de tous. Ce contentieux novateur a ouvert de manière inattendue une nouvelle bataille contre l’archaïsme de la garde à vue, pour la dignité. Le SAF doit être en première ligne. La garde à vue, qui reste profondément marquée par son histoire, été pensée et créée comme un espace obscur et secret. La mesure a été inventée à cause des avocats, et contre les droits de la défense. En 1897, sous la IIIe République, la grande loi Constans a permis à la défense d’intervenir lors de l’instruction criminelle, et à assister aux interrogatoires dans les bureaux des juges d’instruction. Il s’agissait dans le principe d’une rupture nette et totalement novatrice avec le principe pluriséculaire d’une procédure totalement secrète. Et soudainement, les suspects sont opportunément restés secrètement aux mains de la police durant quelques heures, ou quelques jours si nécessaire, avant d’arriver dans le cabinet du juge, avec quelques procès verbaux d’interrogatoire dans leur fouille. Ce n’est qu’en 1963 que la garde à vue, mesure officieuse

Défense Pénale

Les rendez-vous avec la double peine

PAR Alain Mikowski ET Stéphane Maugendre

La réforme Darmanin qui permet désormais de condamner tout.e étrangèr.e à une peine d’interdiction du territoire français (ITF) reconnu.e coupable d’un crime ou d’un délit passible de 3 années d’emprisonnement (article 131-30 du CP) doit rappeler à notre mémoire quelques rendez-vous de l’histoire du SAF.   Au petit matin d’un jour de la fin du mois d’octobre 1989, au congrès du SAF de Paris, le « Comité national contre la double peine » venait nous interpeller pour dénoncer notre mollesse et notre quasi-absence dans les luttes des « double peines ». Car si , en 1981, nous avions soutenu le candidat François Mitterrand et sa promesse faite aux grévistes de la faim contre la double peine, Hamid Boukhrouma, Jean Costil (pasteur) et Christian Delorme (prêtre). Car si, nous nous étions félicités de l’adoption de la loi du 29 octobre 1981 qui créait notamment des catégories protégées contre les arrêtés d’expulsion et avions tenu Le 15 septembre 1984, à Paris un colloque « Droit, société, immigration » sur les avancées de cette loi. Car si, le SAF avait soutenu, en juin 1986 les grévistes de la faim du mouvement Jeunes Arabes de Lyon et sa banlieue (JALB) contre le projet de loi Pasqua et la loi ayant

Notre hommage à Henri Leclerc

Désormais Henri nous oblige

PAR Simone Brunet

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