Pourrais-tu te présenter et expliquer ton parcours avant de rejoindre le GISTI ?
Krimo Mediene : Né en 1973 en Seine et Marne. Je suis juriste de formation et j’ai exercé ces 20 dernières années des responsabilités de « management de projet » c’est-à-dire de direction, développement et gestion de projets dans des domaines variés comme l’humanitaire, l’architecture, le sport, le culturel combinant droit, finances, communication et ressources humaines. Je suis également réalisateur. Mon engagement au GISTI est mon profond respect pour l’excellence du travail du GISTI, de ses publications à ses actions en justice.
Qu’est-ce qui a motivé le lancement de la GISTI TV et en quoi cela s’inscrit-il dans la mission du GISTI ?
Krimo Mediene : Le projet de la GISTI TV est né en juin-juillet 2024 dans le contexte particulièrement tendu des élections européennes et législatives. Menaces graves et agressions se sont multipliées, tandis que la parole raciste se libérait totalement.
Avec tout un groupe d’ami·es, juristes, responsables associatifs, journalistes, producteurs et productrices, réalisatrices et réalisateurs, cadreurs, monteurs et monteuses, de toutes origines et de tous milieux, nous avons fait le constat qu’il était temps de nous lancer dans la bataille de l’information audiovisuelle face à l’intensification des attaques de l’extrême droite qui est aux portes du pouvoir, mais aussi face à la désinformation préoccupante et au manque de connaissance réelle en matière d’immigration. L’idée chère au GISTI de défendre les droits des étrangers et de produire de l’information de qualité a été une inspiration et un moteur, en y ajoutant la vision de disposer à moyen terme d’un véritable media audiovisuel professionnel, intégrant l’ensemble du champ associatif, social, syndical, citoyen et médiatique favorable à une information professionnelle de qualité sur l’immigration, loin des clichés et des slogans politiciens. Un media qui donne la parole en premier lieu aux personnes étrangères et aux immigré·es, comme aux meilleur·es expertes et experts de l’immigration. Un média qui fasse ainsi le lien entre le terrain et le quotidien de millions d’immigré·es et de français·es d’une part, et les sciences juridiques et académiques de l’autre sans oublier les arts et la culture ainsi que le sport, qui peuvent aider à fédérer les points de vues et des expériences de vie différentes.
Pensez-vous que les médias traditionnels ne couvrent pas suffisamment bien les enjeux relatifs à l’immigration ou à l’État de droit ?
GISTI TV : Oui. Alors que l’immigration n’est que la huitième préoccupation des français, elle est sur-représentée dans les médias classiques et très souvent avec des prismes mêlant clichés, désinformations, mythes, slogans, « punchlines » faciles, très loin d’une actualité rigoureuse et épanouissante. On trouve pléthore de couvertures médiatiques et discussions de « plateaux télé » sans les personnes concernées, et paradoxe, sans un média de référence qui soit vraiment spécialisé dans le domaine. L’information audiovisuelle en matière d’immigration et des droits des personnes étrangères est un terrain qui nous a échappé. Il est temps que cela cesse.
Notre but est donc de créer très vite un média libre, indépendant et inclusif, capable de s’adresser à tous les publics (et pas uniquement des publics conquis ou experts de ces questions) et avec tous les formats (de capsules d’une minutes à des documentaires, reportages, séries, émissions) pour présenter la réalité des problématiques sociales et politiques sous un angle différent de celui des grands médias dominants.
Le projet est ambitieux et vous travaillez déjà avec plusieurs partenaires. Pouvez-vous nous parler un peu de la collaboration avec ces derniers et des premiers retours ?
GISTI TV : Oui, c’est une très belle aventure collective avec une très belle énergie. Nous avons déjà reçu un excellent accueil de la part des personnes et organisations que nous suivons, qu’il s’agisse des joueurs de football du club Melting Passes, des collectifs sans papiers, des experts du GISTI, sans oublier nos partenaires comme la Cimade, la LDH, le Secours catholique, le collectif « Bouge ta pref », le collectif du livre noir, le collectif des mineurs isolés étrangers de Belleville, RESF, RUSF, Utopia… ou des associations plus locales comme la Maison des Coursiers, l’ATMF, Turbulences à Noisiel ou les Exilés du 91. Ils sont déjà trop nombreux pour les citer toutes et tous. Cela montre à quel point il existe une volonté collective de donner une voix à ceux qui sont trop souvent réduits au silence. Les retours sont extrêmement positifs et cela nous motive à poursuivre et à élargir notre audience et notre équipe.
La GISTI-TV a sorti une enquête sur l’ANEF1, peut-on en savoir plus ?
GISTI TV : Oui, l’enquête sur l’ANEF (administration numérique pour les étrangers de France) et les ruptures massives et abusives de droit dans le renouvellement des titres de séjours des personnes étrangères en situation régulière a effectivement fait une belle percée. Le premier volet a vite cumulé plus de 50 000 vues sur Instagram et près de 4000 vues sur YouTube en quelques jours. Ces résultats sont encourageants, et nous permettent ainsi de toucher de nouveaux publics. C’est un bel exemple de ce que l’on peut accomplir quand des acteurs passionnés et déterminés se mobilisent pour faire entendre des voix et des sujets souvent ignorés.
À propos du financement, vous avez mis en place une collecte participative. Comment cela se passe-t-il et quels sont les projets à venir ?
GISTI TV : Oui, la cagnotte HelloAsso a déjà permis, au 1er mars 2025, de récolter plus de 16 000 euros pour financer nos premiers reportages. Cela nous a permis de stabiliser deux postes pour 2025, ce qui est une première victoire pour la pérennité du projet et l’orientation vers la constitution d’un véritable media professionnel. En ce qui concerne les projets à venir, nous poursuivons plusieurs séries, notamment sur les mineurs isolés étrangers, le droit d’asile, les mobilisations collectives devant les préfectures ou encore l’histoire de l’immigration avec une série tournée au Musée National de l’Histoire de l’Immigration, que nous saluons ici pour leur travail remarquable. L’idée est de continuer à produire des contenus qui répondent à des enjeux sociaux et sociétaux urgents et qui touchent un large public.
