Israël / Palestine : les menaces sur les avocat·es palestinien·nes

PAR Brigitte Jeannot - SAF Nancy

Depuis le 7 octobre 2023, une répression sans précédent s’abat sur la population palestinienne des territoires occupés (Gaza, Cisjordanie, Jerusalem Est) et d’Israël. La punition collective, particulièrement meurtrière, à laquelle on assiste depuis 18 mois, n’épargne pas les avocat·es palestinien·nes surtout s’ils ou elles exercent dans le domaine des droits humains.

 

À Gaza

À titre liminaire, il sera rappelé que le siège de l’association du barreau de Palestine a été bombardé dès le 9 octobre 2023 entraînant la destruction de toutes ses archives. En décembre 2023, 63 avocat·es gazaoui·es étaient décédé·es du fait des bombardements israéliens et les lieux de Justice systématiquement détruits. Alors qu’il ne présentait pas un objectif militaire, le palais de Justice, qui abritait la Cour suprême, la Cour d’appel et le Tribunal d’instance, a été dynamité le 4 décembre 2023, pulvérisant ainsi toutes les archives juridiques et judiciaires de la bande de Gaza. Le barreau de Palestine, basé à Ramallah, composé de 9500 avocat·es, dont 2000 à Gaza, a fermement dénoncé cette situation en saisissant Margaret Satterthwaite, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur le droit et l’indépendance des juges et des avocat·es. Pour le barreau de Palestine, « cette attaque constitue un acte délibéré visant à réduire au silence et terroriser les avocats pour les dissuader de jouer leur rôle de défense des droits du peuple palestinien de résister à l’oppression, à la colonisation et à l’apartheid par tous les moyens disponibles, et de promotion de ces droits tels qu’ils sont reconnus par le droit international, y compris les droits humains, le droit international humanitaire, et le droit pénal international ». En janvier 2024, un groupe d’avocat·e s’est associé à cette plainte marquant ainsi leur solidarité aux confrères palestiniens1.

Dans les territoires palestiniens occupés (TPO)

Selon l’organisation irlandaise, Front Line Defenders (FLD), les défenseur·es des droits humains sont « victimes d’actes de harcèlement, de restrictions à l’égard de leur liberté de mouvement, de stigmatisation, d’enlèvements, de longues périodes de détention arbitraire – généralement au titre d’ordres de détention administrative –, de perquisitions illégales de leur bureau et de leur domicile et d’assassinats ».
Le cas de l’avocate palestinienne, Diala Ayesh, est particulièrement emblématique de cette féroce répression. Elle a été incarcérée pendant un an, de janvier 2024 à janvier 2025, en détention administrative, sans charge ni procès. Selon FLD, elle a été arrêtée, menacée et harcelée en raison de son travail de défense des prisonnier·es politiques et de documentation du système carcéral israélien, lequel est particulièrement violent à l’égard des palestinien·nes. Après sa libération, Diala Ayesh a déclaré avoir été victime de conditions de détention très difficiles2.

 

En Israël

Un climat de peur généralisée empêche les avocat·es palestinien·nes de s’exprimer et de travailler normalement. Dès le 25 octobre 2023, le Centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël (ADALAH) demandait à Amit Becher, président de l’association du barreau d’Israël, de prendre des mesures pour endiguer la violente campagne menée contre les avocat·es palestinien·nes. Ces derniers ont été ciblés comme des « ennemis intérieurs » soupçonnés de « soutenir » ou « d’inciter au terrorisme » pour de simples posts sur les réseaux sociaux, qui relevaient de la pure liberté d’expression. À la faveur d’une modification des règles de saisine du comité d’éthique du barreau israélien, de nombreux·ses avocat·es palestinien·nes ont été sous le coup de menaces de suspension immédiate sans enquête sérieuse ou la cible d’incitation à la haine3. Lorsqu’ils n’ont pas été suspendus, les avocat·es palestinien·nes ont été entravé·es dans leur exercice professionnel.
Dans une communication du 16 avril 2024, deux expertes de l’ONU, dont Margaret Satterthwaite, ont condamné la destruction des infrastructures judiciaires à Gaza et ont appelé à la protection des acteurs de la justice en Israël : « La profession d’avocat et son libre exercice sont un élément essentiel de l’État de droit, de la protection des droits de l’homme et du fonctionnement d’un système judiciaire indépendant »  « Exprimer sa solidarité envers les Palestiniens ne doit pas être considéré comme soutenir le terrorisme » ont-elles déclaré4.
Omer Shatz, avocat franco-israélien qui a quitté Israël depuis 2014, a parfaitement résumé la situation, dans un entretien au Monde du 6 décembre 2024, à l’occasion du dépôt d’une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) contre des responsables israéliens pour incitation au génocide à Gaza : « Je vois que tous les avocats israéliens sont tellement effrayés de dire ce qu’ils pensent au sujet de Gaza, que je me sens obligé, en tant que juif, de faire cela. Je crois que je dois avoir ce rôle, en Europe aussi. »5
Ces entraves à l’exercice professionnel des avocat·es ont pour but de les mettre hors d’état de défendre les droits et libertés des palestinien·nes et, de manière plus générale, de dénoncer les crimes actuellement commis contre le peuple palestinien au regard du droit international.

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