La plus jeune de nos commissions fait son premier bilan
Comment est née la commission féministe du SAF ?
Claude : Aux forceps ! (rires) C’était une demande formulée depuis très longtemps par quelques camarades féministes du syndicat et il est important de leur rendre hommage.
Charlotte : Oui, l’idée remonte à plusieurs années déjà avec une grosse attente de construire une ligne politique féministe au SAF. À Marseille, pour la journée du 8 mars 2022, on a voulu manifester avec des revendications portées par le syndicat, sauf qu’on ne savait pas quelles revendications féministes portaient le SAF. La graine était plantée, Antonin Sopena et moi, on a porté le sujet au CS et Claire Dujardin a fait germer l’idée jusqu’au congrès de Lille où on a organisé un atelier. Et bien que personne n’y croyait vraiment et que certain·es ont même grincé, il y a eu un climat favorable ce jour là, avec plus de 80 camarades présent·es qui ont vu la nécessité d’acter l’attente et de créer la commission féministe.
La nécessité de faire advenir la commission dans le syndicat a très vite été démontrée par la voie démocratique !
Claude : Et contrairement à la « Macronie », la démocratie s’est imposée ici !
Quel est l’objet de cette commission et comment s’organise-t-elle ?
Claude : On s’est donné deux axes de travail. Un objet « externe » : savoir quels outils juridiques on peut utiliser dans une perspective juridique féministe (avec par exemple le travail sur la constitutionnalisation de l’IVG ou la redéfinition pénale du viol) ; et un objet « interne » qui est d’assurer un fonctionnement féministe au sein du syndicat. Ce deuxième objet est moins facile à intégrer pour le syndicat. L’objectif de la commission est aussi de s’inscrire vraiment dans une transversalité dans le travail du syndicat car les questions féministes touchent d’autres commissions. L’objectif principal que je me donne, c’est qu’on ne dise plus « ça, ça relève de la commission famille », ou « ça, de la commission pénale… » mais que chaque débat du SAF soit apprécié sous un angle féministe et que cette légitimité ne soit pas interrogée.
Charlotte : Sur l’organisation, on a une réunion par mois avec une réelle activité depuis 2023. On crée des groupes de travail avec différentes thématiques et on a un bureau qui supervise et organise les travaux.
Claude a parlé de notre syndicat, j’ajoute que l’objectif interne à la profession est de répondre aux consœurs qui ont des difficultés dans la profession. On a eu le cas de la maternité, avec encore récemment l’incident de la consœur de Paris. Dans une optique plus large encore, on veut faire exister les questions vers l’extérieur : faire exister le SAF sur la scène politique féministe. Depuis la création, on nous sollicite d’ailleurs régulièrement pour signer des tribunes, des pétitions, des appels pour faire avancer des combats féministes…
C’est important de rappeler que la commission est transversale : on a déjà lancé des travaux avec d’autres commissions (famille, environnement, pénale).
Quels ont été les travaux de la commission durant cette première année ?
Charlotte : Sur la constitutionnalisation de l’IVG, la commission a émis un avis juridiquement intéressant et le résultat est mitigé à l’issue de la constitutionnalisation. Fin 2023-début 2024, un travail a été amorcé sur la redéfinition pénale du viol. C’est un travail politique et juridique en collaboration avec la commission pénale, qui a donné lieu à une note écrite transmise à nos élus CNB et présentée au conseil syndical, ainsi qu’une audition du syndicat devant la mission d’information parlementaire avec laquelle les échanges se poursuivent. Je dirais que ce sont les deux plus gros travaux, mais d’autres groupes de travail s’organisent pour commencer à réfléchir et travailler sur différents sujets.
Claude : Nawel Oumer, qui est la présidente de la commission égalité du CNB, nous a aussi sollicitées pour apporter des réflexions et alimenter ses travaux. Les membres de la commission féministe ont apporté des éléments très intéressants et éclairants dans les débats.
Charlotte : C’est chouette de constater que les questions d’actu en lien avec l’activité de la commission ont été riches, ce qui nous a permis d’échanger de manière super constructive avec les instances CNB, les pouvoirs publics et la société civile.
Comment cette commission a-t-elle été accueillie et en quoi vous paraît-elle nécessaire dans le paysage du SAF ?
Claude : Il faut avoir une réponse honnête. Elle n’a pas été très bien accueillie par tout le monde. On vit dans une société patriarcale dans laquelle le SAF s’inscrit et il n’est pas immunisé contre le sexisme.
J’ajoute que chaque pan de la société a ses rapports au sexisme, parfois différents. Le droit a ses spécificités et s’inscrit dans ces logiques ; pas forcément de manière consciente mais la misogynie est présente dans tout le système juridique et sa mise en œuvre, également donc par les avocat·es. Il est important de prendre conscience que nos positions s’inscrivent dans des modes de pensées qui nous paraissent naturels tant on y a été formé·es mais qu’il est nécessaire de les repenser. Étant le seul syndicat « de gauche » de la profession, il n’est pas pensable pour le SAF de ne pas réfléchir une réécriture féministe du droit.
Charlotte : De mon point de vue, la naissance de cette commission a eu des répercussions très positives. Certaines et certains ont adhéré au syndicat à la suite de la création de cette commission. Par ailleurs, certaines adhérentes ont eu un sentiment de soulagement et un vif intérêt à la création de cette commission. Elles l’ont vécu comme un moment intense de leur engagement syndical.
Claude : Pour conclure, nous pensons qu’en 2024, on ne peut plus se prétendre de gauche sans être intrinsèquement féministe.
Quels sont les projets de la commission féministe ?
Charlotte : En quelques mots, on va relancer certains projets dont les travaux n’ont pas abouti (la redéfinition pénale du viol). On a aussi pour projet de réactiver le groupe de travail sur la maternité et de réaliser un guide construit autour des démarches à faire, des droits et l’organisation de la maternité et de la parentalité quand on est avocate.
Claude : La mise en place concrète de la cellule VSS décidée de longue date par le conseil syndical. De manière moins concrète mais essentielle, faire en sorte que chaque réflexion dans le syndicat intègre le prisme féministe. Et peut-être enfin rédiger La Lettre en écriture inclusive ? (rires)
Charlotte : Je suis fière personnellement et collectivement de cette naissance et du dynamisme au sein de cette jeune commission ! Ça a pu également donner un sens à mon engagement syndical.