Avocats référents, enfin !

PAR Pierre-Henri Marteret - Élu SAF au CNB, membre de la commission collaboration, SAF Saint-Nazaire   | Adam Borie-Belcour - Responsable de la commission collaboration, SAF Marseille | Jean-Louis Borie - Ancien président du SAF, Président de l’École des Avocats Centre Sud, SAF Clermont-Ferrand

« Mettre en place… un programme de parrainage « très jeune barreau » dès l’entrée à l’école et jusqu’au début de l’exercice professionnel », tel est l’énoncé d’une proposition issue des états généraux de l’avenir de la profession d’avocat organisés de 2018 à 2020.

Le 3 juillet 2020 le CNB adoptait une résolution pour préconiser l’attribution à chaque élève d’un avocat référent chargé de vérifier le bon déroulement du stage et pour proposer une disposition réglementaire pour l’accompagnement des « jeunes » avocats par un avocat référent durant deux ans.
Le 7 décembre 2023 le CNB a adopté une disposition à caractère normatif pour les élèves avocats : « Lors de son stage auprès d’un avocat…, l’élève avocat bénéficie d’un avocat référent extérieur au cabinet d’accueil. Il est chargé, en relation avec le CRFP, du suivi pédagogique du stage et s’assure de son bon déroulement et du respect des stipulations de la convention de stage établie ».
Pour les titulaires du CAPA accédant à la profession à compter du 1er janvier 2025, un article 85-2 du décret du 27 novembre 1991 a été créé le 1er décembre 2023 : « Au cours de leurs deux premières années d’exercice professionnel, les personnes… sont accompagnées par un avocat référent ayant exercé pendant au moins deux années. Chargé de parfaire la formation pratique de l’avocat qu’il accompagne et de l’aider dans son parcours professionnel conformément aux règles et usages définis par le Conseil national des barreaux. Il est désigné par le conseil de l’ordre. »
Le CNB a adopté le 14 juin 2024 un avant-projet de décision à caractère normatif, à la concertation jusqu’au 15 septembre 2024 des ordres et syndicats professionnels, prévoyant que l’avocat référent ne peut exercer dans la structure de l’avocat qu’il accompagne, ni être chargé de contrôler l’éventuel contrat de collaboration conclu avec l’avocat accompagné ou les éventuels autres contrats de collaboration conclus par son collaborant, et ce pendant l’accompagnement et les deux années suivantes ; et proposant une charte définissant la relation entre l’avocat référent et l’avocat accompagné et les engagements de chacun.

Le référent du stagiaire

La mise en place d’un référent pour les stagiaires est une avancée importante.
Le référent aura pour mission de suivre l’élève pendant toute la période de stage.
Il préfigure le tuteur qui serait mis en place dès lors que nous aurons obtenu le véritable statut d’apprenti pour les élèves.
Au sein de l’École des Avocats Centre Sud, il a été prévu que le référent soit choisi au sein d’une liste de volontaires.
Il ne saurait s’agir d’un avocat honoraire, mais d’un avocat de plein exercice.
Il aura pour mission minimale de prendre contact avec le maître de stage et le stagiaire en début de stage.
L’entretien mi-stage entre les deux parties au contrat sera impérativement mis en œuvre.
L’avocat référent sera en permanence une ressource pour le stagiaire.
Sa mission essentielle sera de clarifier les relations entre le stagiaire et le maître de stage et surtout de s’assurer que le stage constitue une véritable période de formation.
Il devra surtout s’assurer que cette formation pratique correspond à une réalité.
Il devra notamment s’assurer que l’avocat stagiaire n’est pas cantonné à des tâches répétitives ou de simple exécution, telles que des tâches administratives, ce qui est parfois le cas dans certains cabinets où les stagiaires constituent une main d’œuvre cantonnée à des activités ne permettant pas d’acquérir toutes les bases de la profession.
Ce contrôle bienveillant doit être un outil pour les stagiaires leur permettant de ne pas se retrouver réduits au silence dans le cadre d’une situation de totale dépendance à l’égard du cabinet qui les a recrutés.
Il s’agit à l’évidence d’une première étape, mais seul l’apprentissage codifié par les règles légales – que le SAF appelle de ses vœux et espère qu’il sera mis en place rapidement – permettra un véritable statut de l’élève et une formation pratique réelle dans la durée.

 

Le référent du jeune avocat

Si le SAF apparaît comme un réseau de solidarités et de « référents » naturels pour les jeunes militants, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut être qu’intéressant pour les avocat·e·s primo-arrivant·e·s d’avoir un avocat référent.
Au seuil des 50 bougies du Syndicat, ce combat pour l’inclusion de tous.tes, dans une profession qui ressemblait naguère à une petite bourgeoisie des palais, continue par petites touches.
S’il y a un intérêt évident pour les jeunes avocat·e·s c’est parce que le SAF a su peindre ses petites touches.
La fin des 2 ans de stage obligatoire a permis la fin d’une sélection sociale innommée.
L’avocat référent est la suite logique de ces combats et de ces petites touches.
Concernant l’avocat référent il s’agit notamment d’obtenir des garanties qui empêchent que l’avocat référent soit le collaborant ou un avocat honoraire, ou du fait que l’avocat référent exerce sa mission à titre gratuit.
Pourtant certains points restent à améliorer, c’est notamment la mission de l’avocat référent de « parfaire la formation pratique ».
Au sens de la commission collaboration il s’agit d’avantage d’un parrainage ou d’un tutorat que d’une immixtion dans la gestion de dossier ou de la structure d’exercice.
Ainsi, l’avocat référent aura la lourde tâche désintéressée, d’être un point d’appui, une référence idoine en cas de besoin. Cette tâche sera aléatoire puisqu’il existe une diversité de profil de jeunes avocat·e·s, certains ont un réseau affinitaire suffisant et une collaboration qui se déroule bien, d’autres s’installent rapidement et peuvent avoir besoin d’un avocat référent, d’autres encore ont une collaboration désastreuse et ont besoin de soutien.
À notre sens l’accompagnement par le référent doit exister pour tous les primo arrivant·e·s qui viennent de prêter serment au sein d’un barreau et non pas seulement les bénéficiaires de la formation pratique du CAPA.
En effet, cet accompagnement ne saurait que représenter un nouveau tissage d’une solidarité qui peut être utile et renforcer la qualité de l’intégration des jeunes avocat·e·s, dont il apparaît qu’1/4 quitte la profession avant dix années d’exercice (1/2 concernant les femmes).
De même l’avocat référent du stage élève avocat devra à notre sens, dans la mesure du possible, être le même avocat référent pour les premières années d’exercices.
Ainsi cet accompagnement devra se faire dans la continuité : de l’entrée à l’école des avocats jusqu’au seuil des premières années d’exercice.
Enfin, il s’agit essentiellement d’ajouter une aide aux jeunes avocat·e·s qui, par aventure, rencontrent dans notre profession les mêmes maux que dans notre société : racisme, sexisme, productivisme et âgisme.

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