50 ans de luttes, ensemble pour nos libertés

PAR Judith Krivine - Présidente du SAF, SAF Paris

Cinquante ans de SAF, c’est un moment pour célébrer notre histoire, mais aussi pour réfléchir à notre rôle au sein de la profession d’avocat.e et au sein de la société civile. Nous avons toujours œuvré pour que chaque avocat.e puisse accéder à la profession et exercer la profession librement, en toute indépendance, avec la garantie que le secret professionnel sera respecté et dans des conditions économiquement viables, même lorsque cet exercice est centré sur la défense des libertés et des droits fondamentaux pour tous.tes et non exclusivement sur la recherche du profit.
Nous devons prendre exemple sur notre camarade Henri Leclerc qui concluait dans son livre La parole et l’action : « J’ai toujours voulu combattre pour la liberté, l’égalité et la fraternité, qui non seulement constituent la devise de la République, mais sont pour moi les piliers de la justice. Au demeurant, celle-ci n’est pas qu’un impératif moral et social. Elle est aussi une institution qui doit rendre juste la force nécessaire de l’État, et j’ai fait de mon métier de défendre ceux qui la subissent ou la réclament. »
Bien-sûr notre lutte est d’abord dans les prétoires. Mais notre parole compte aussi à l’extérieur, avec nos ami.e.s des syndicats, organisations et associations qui portent les mêmes valeurs que nous, auprès du législateur et aussi dans les médias.
Face à la montée des discours de haine, nous ne pouvons pas rester silencieux.ses. Nous devons encore plus nous opposer à toute politique qui, sous prétexte de sécurité, renforce l’exclusion et le racisme. La justice doit être un espace d’équité et de dignité pour tous.tes, au sein de la profession et au sein de la société.
La montée de l’extrême droite, matérialisée par l’arrivée de 123 député.e.s RN à l’Assemblée nationale, nous rappelle l’urgence de notre engagement et dans ce contexte, même si nous ne sommes pas si nombreux, notre voix est cruciale, tel un grain de sable dans l’engrenage. Les médias, souvent influencés par des intérêts économiques, ont tendance à déformer la réalité, en usant d’amalgames et en aidant certains politiques à récupérer ou instrumentaliser des événements, qu’ils se produisent en France ou ailleurs, et encouragent la destruction des droits et libertés. Nous devons participer à contrer ces dérives en affirmant nos positions, lesquelles s’appuient sur notre expérience des effets du droit sur la vie des justiciables et ce, quelques soient nos domaines d’intervention.
Ainsi par exemple, la grève récente des éducateur.trice.s de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) met en lumière une réalité inquiétante : la suppression de postes compromet leur mission d’accompagnement des jeunes en difficulté et rend encore plus difficile la tâche des avocat.e.s qui les défendent. Pendant que le gouvernement s’enlise dans le tout sécuritaire et la répression, le travail préventif est dévalorisé. Leur lutte est notre lutte, car elle s’inscrit dans notre quête de justice sociale.
Que nous défendions les mineur.e.s, les travailleur.euse.s qui doivent faire face à la gourmandise infinie du capital, les femmes ou les personnes racisées ou tout autres victimes de violences et de discriminations, les étranger.ère.s ou à l’inverse les natif.ive.s qui se débattent pour survivre dans des conditions supportables sur l’ensemble du territoire français, les personnes détenues (dans les commissariats, les prisons, les centres de rétention administrative, les hôpitaux), les militant.e.s écologiques dont le combat pour la sauvegarde de l’environnement est aussi l’un de nos combats pour notre survie à tous.tes, que nous nous battions pour sauver le droit inconditionnel à la défense ou le droit à la liberté d’expression ou de manifester, toujours plus attaqués aux prétextes de la lutte contre le narco-trafic, le terrorisme ou d’une manière souvent fourre-tout contre la protection de l’ordre public, nous constatons bien que les portes se ferment, qu’il faut sans cesse faire preuve de plus d’imagination pour trouver des outils juridiques nous permettant de continuer à défendre les libertés et les droits fondamentaux.
Nos combats doivent se poursuivre sur tous les terrains et ce, en favorisant une réflexion toujours collective et si possible décloisonnée, car tous ces combats sont liés et ont des impacts les uns sur les autres. Par exemple arrêter une activité polluante peut détruire des emplois, mais syndicalistes et militants écologiques peuvent ensemble mettre en place un rapport de force (y compris juridique) qui permette une transformation des activités combinant protection de la planète, maintien de l’emploi et réponses aux besoins alimentaires et énergétiques des personnes vivant sur le territoire, tout en évitant que le dumping écologique (ou polluer ailleurs là où ce n’est pas encore interdit) ne s’ajoute au dumping social.
Comme l’a souligné Johann Chapoutot, qui nous éclairait lors de nos dernières universités SAF-SM-SNJ toujours passionnantes : « La fabrication de l’opinion repose sur des médias qui, sous la pression des intérêts économiques, façonnent une vision du monde qui nous éloigne de la réalité. » Nous pouvons participer au rétablissement de cette réalité et participer à son amélioration.
C’est en nous unissant et en nous entraidant que nous ferons avancer nos idées et leur donnerons corps, en participant à créer un élan puissant pour la justice et l’égalité.
Pour ces cinquante prochaines années, construisons ensemble une société où les droits fondamentaux sont garantis et célébrés. Faisons de notre voix, même si c’est une petite voix, une force pour la justice et la liberté, au sein de la profession et au sein de la société dans laquelle nous vivons.

Partager