PUBLIÉ LE 12 mars 2024

Le 5 mars 2024, plusieurs magistrat·es marseillais·es étaient auditionné·es au Sénat à propos du narcotrafic : il a ainsi pu être dit à propos des avocat·es qui soulèvent des moyens de procédure pénale, sans se limiter à discuter le fond du dossier, qu’ils et elles constitueraient une entrave dans le combat contre le « narcotrafic » et agiraient ainsi contre l’intérêt de notre société.

Le SAF tient à rappeler que les règles définies par le code de procédure pénale et le respect de la procédure sont le corolaire du respect des libertés et de l’État de droit.

Loin du mythe de l’avocat·e-voyou, qui utiliserait les moyens de procédure à des fins dilatoires, exiger la juste application de la loi constitue une garantie démocratique.

Par ailleurs, certain·es ont préconisé au cours de cette audition l’instauration d’un régime carcéral spécifique aux « narcotrafiquants », organisé sous la forme de quartiers de sécurité où serait interdite toute communication avec l’extérieur.

Or, instaurer un régime carcéral spécifique au stade de la détention provisoire – c’est-à-dire avant tout procès – pose une question fondamentale au regard du principe de la présomption d’innocence. Une personne qui ne serait pas encore jugée serait finalement déjà condamnée et punie puisque la privation de tout contact avec l’extérieur la pénaliserait durablement, en la coupant des liens avec sa famille, le monde professionnel et la société.

De la même façon, instaurer un régime carcéral spécifique au stade de l’exécution de peine est une solution facile à entendre mais qui ne se justifie en rien, sauf à flatter un sentiment réactionnaire.

Il y a quelques jours à peine, la communauté judiciaire se réunissait partout en France pour rendre un hommage unanime à Robert Badinter. Un hommage manifestement de circonstances, puisque c’est lui qui avait fait supprimer les quartiers de haute sécurité dans les établissements pénitentiaires.

Enfin, plutôt que de persister dans une approche sécuritaire de la lutte contre le trafic de stupéfiants, telle que pratiquée depuis quarante ans en France, il semble plus que jamais opportun de regarder en face les causes véritables de l’implication de certain·es de nos concitoyen·nes dans de tels trafics. En d’autres termes, faire preuve de courage et d’honnêteté intellectuelle en s’attaquant aux causes sociales, et admettre que la stratégie du « pilonnage » est sans effet sur le développement des réseaux de narcotrafic.

Au final, le SAF alerte sur les risques engendrés par l’usage d’un vocabulaire martial, qui revient de façon de plus en plus récurrente dans le discours des acteurs et actrices publiques.

Les magistrat·es ne devraient pas dire ça…

Partager