PUBLIÉ LE 22 mai 2024

Le15 mai dernier, deux surveillants pénitentiaires ont été assassinés et trois autres agents ont été blessés dans le cadre de leur mission, au cours d’un transfert d’un détenu.

Alors que les personnes impliquées dans ce crime n’ont toujours pas été retrouvées et identifiées, le SAF, à l’instar de tous les personnels et auxiliaires de justice, comprend le sentiment de colère et de désarroi ressenti par les personnels pénitentiaires face à ce drame exceptionnel.

Cette colère des personnels a abouti à la suspension des parloirs familles et avocats et au blocage du fonctionnement de la justice, puisque des audiences impliquant des personnes détenues majeurs, comme mineurs, ont été reportées, certaines juridictions n’hésitant pas à prolonger des mesures de détention provisoire d’office.

Dans la précipitation, face à cette situation explosive dans les prisons de France insalubres et surpeuplées, le ministre de la justice a immédiatement adressé une liste de propositions, en 21 points, parmi lesquelles figurent « le recours à la visioconférence pour les présentations aux magistrats et certaines audiences » et le fait de « Privilégier les déplacements des magistrats et greffiers au sein des établissements s’agissant des interrogatoires des détenus les plus signalés. »

Le SAF entend rappeler que le conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 mars 2019, a entendu strictement encadrer le recours à la visio-audience, imposant que celle-ci ne pourra être mise en place sans l’accord du détenu et que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme exige de s’assurer que le justiciable est en mesure de suivre la procédure sans obstacle, de se faire entendre, et de communiquer de manière effective et confidentielle avec son avocat (CEDH 2 nov. 2010, req. no 21272/03, Sakhnovski c/ Russie, § 98 et 99 à 107), ce qui est loin d’être le cas avec les dispositifs techniques existants.

Le SAF entend aussi rappeler que la loi prévoit déjà le recours à la visioconférence lorsqu’il existe des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion.

Pareillement, il ne saurait être contesté que la prison n’est pas un lieu au sein duquel la parole d’un justiciable détenu pourrait être recueillie sereinement.

Dès lors, le SAF estime que ces nouvelles mesures, si elles venaient à être adoptées, non seulement constitueraient des atteintes graves aux droits de la défense, contribueraient à éloigner les magistrats de la vérité judiciaire et à déshumaniser toujours plus le procès, mais n’apporteraient aucune solution aux difficultés actuelles et bien réelles de la prise en charge des détenus.

Une fois de plus, le pouvoir politique privilégie l’effet d’annonce et envisage de modifier les textes en réponse à un drame unique que rien ne laissait présager.  

Le SAF invite plutôt ceux qui dirigent le pays à ne pas céder à un populisme pénal et à se préoccuper en premier lieu des conditions carcérales dans lesquelles les surveillants sont amenés à travailler au quotidien.

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