PUBLIÉ LE 20 septembre 2019

Le Conseil constitutionnel confirme que le recours à la télé-audience entraîne une atteinte à l’exercice des droits de la défense et juge que cette atteinte est excessive lorsque la loi permet qu’une personne placée en détention provisoire puisse se voir interdire durant un an de comparaître physiquement devant un juge lorsqu’elle présente une demande de mise en liberté, ce qui est le cas actuellement en matière criminelle.

La solution posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2019- 802 du 20 septembre 2019 résulte d’une mobilisation des avocats contre la généralisation des dispositifs de visioconférence dans les différents contentieux.

Le Syndicat des Avocats de France a toujours et systématiquement marqué son opposition au recours à ce dispositif de télé-audience qui procède d’un démembrement scandaleux de l’audience, d’un éloignement et une mise à l’écart du justiciable.

A cet égard, est salutaire le rappel de ce qu’un procédé de visioconférence n’a rien d’équivalent avec le déroulement normal de la justice, ce qu’avait déjà retenu le Conseil constitutionnel dans sa décision 2019-778 du 21 mars 2019 « loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ».

Rappelons que dans cette décision le Conseil constitutionnel avait courageusement estimé qu’ « eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétent dans le cadre d’une procédure de détention provisoire et en l’état des conditions dans lesquelles s’exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense. »

 Replaçant les droits de la défense comme préoccupation première dans le cadre de la procédure pénale, les sages avaient sanctionné cette dangereuse prolifération de la visioconférence lorsqu’elle s’étendait jusqu’au contentieux de la détention provisoire, mais s’agissant uniquement des audiences sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de cette mesure.

Alors qu’il avait la possibilité de mettre un coup d’arrêt définitif au recours à cette pratique en étendant sa solution aux audiences sur les demandes de mise en liberté, le Conseil constitutionnel semble renouer avec ses anciens démons.

Si la censure procède du fait que la personne placée en détention provisoire pourrait se voir privée, pendant une année entière, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire (Considérant n°13), le Conseil constitutionnel prend toutefois le soin de rappeler que les dispositions contestées relative à la visioconférence visent à éviter les difficultés et les coûts occasionnés par les extractions judiciaires.

Et il enfonce le clou en justifiant le recours à la visio-audience par la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics. (Considérant n°9)

Sont ainsi sacrifiées sur l’autel des deniers publics toutes les audiences où la personne placée en détention provisoire demande sa mise en liberté entre deux renouvellements de son mandat de dépôt de quatre mois (matière délictuelle) ou de six mois (matière criminelle, au-delà d’un an).

Alors qu’il est désormais admis et reconnu que les télé-audiences ne permettent pas l’exercice des droits de la défense, ce dispositif est maintenu dans des contentieux où l’enjeu est la liberté même d’une personne pourtant présumée innocente.

Ainsi à bien y regarder, il s’agit d’une victoire en trempe l’œil. Le coup d’arrêt à l’extension des télé-audiences n’est pas allé aussi loin qu’il le fallait, et ce renoncement est d’autant plus inacceptable qu’il est motivé exclusivement par des considérations budgétaires et un surcoût supposé des extractions judiciaires.

Cependant notre détermination à lutter contre cette justice dégradée reste intacte .Nous poursuivrons notre combat pour le respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable qui passe par la présentation et la comparution physique des individus devant les juges et ce quelque soit le contentieux.

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