PUBLIÉ LE 30 mai 2023

Le 19 mai 2023,  la presse s’est largement fait l’écho de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le Ministre de la Justice d’une demande d’avis sur la liberté d’expression et la liberté syndicale des magistrat.es afin de    « toujours mieux préserver l’image de la justice aux yeux de nos concitoyens ».

Curieuse expression de la part d’un Garde des Sceaux qui n’aura, jusqu’à présent, jamais défendu les magistrat.es ou les juridictions publiquement mis en cause pour leurs décisions, le plus souvent par des acteurs politiques qui trouvaient dans les attaques contre l’institution judiciaire un moyen de communication au service de leurs ambitions et le moyen de contester des décisions individuelles qui leur déplaisaient.

La question de la liberté d’expression de la magistrature est systématiquement corrélée dans le débat médiatique à l’exigence d’impartialité qui s’impose à chacun de ses membres. Ainsi, celles et ceux qui craignent la contradiction entretiennent volontairement une confusion qui consisterait à mettre sur un même pied d’égalité impartialité et silence.

Il importe de rappeler que l’impartialité, condition nécessaire pour juger, n’interdit pas la critique, et que le devoir de réserve, auquel est soumis chaque magistrat, n’impose pas de se taire.

On ne veut jamais faire taire que ceux et celles que l’on craint, et ce Gouvernement – qui n’est pas le premier ! – s’inquiète en réalité moins de « l’image de la Justice » que des critiques que les professionnels peuvent émettre à l’égard des conditions souvent dégradantes dans lesquelles les justiciables sont confrontés à l’institution, des incessants projets de réforme et des atteintes toujours plus nombreuses à l’indépendance de l’autorité judiciaire ainsi qu’aux droits et libertés de chacun et chacune.

La liberté d’expression, individuelle ou collective, demeure l’unique vecteur de participation des magistrat.es au débat public, de pédagogie et d’expertise à l’attention des citoyens et citoyennes, qui doivent être pleinement informés sur un sujet aussi important que le fonctionnement de notre justice dans un État de droit.

Le syndicat des Avocats de France apporte son soutien plein et entier aux organisations syndicales de la magistrature et aux magistrat.es qui, par le biais de leurs expressions individuelles et collectives, participent au débat démocratique.

Leur avis, l’expression de leur opinion et de leur expertise, apparait d’autant plus nécessaire au moment où un nouveau projet de loi de programmation pour la Justice s’apprête à être discuté au Parlement selon une procédure accélérée.

La justice ne doit pas être instrumentalisée. Ni par ceux et celles qui nous gouvernent, ni par ceux et celles qui la rendent. Elle est notre bien commun. Préservons là de ces querelles. Vouloir la faire taire n’est il pas le meilleur moyen pour l’étouffer.

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