Il était plus que temps que la ministre de la justice, face à l’état d’indignité dans lequel se trouvent les prisons françaises, annonce, lors de sa visite à Marseille, « une politique pénitentiaire ambitieuse et innovante ».
Rappelons que depuis 20 ans, de nombreux rapports ont fait le constat d’une situation extrêmement dégradée constitutive de traitements inhumains ; rappelons que l’Etat français est régulièrement condamné pour les conditions de détention indignes dans l’indifférence générale ; rappelons que ce n’est qu’à la suite des « recommandations d’urgence » formées par le contrôleur général des lieux de
privation de liberté le 6 décembre 2012 et de la saisine de la juridiction administrative par l’Observatoire international des prisons (OIP), à laquelle se sont joints le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, le Conseil national des barreaux, et l’Ordre des avocats de Marseille, qu’un programme de travaux de première urgence a été effectivement entrepris dans l’établissement des Baumettes.
Que la garde des Sceaux s’engage dans une politique immobilière permettant la résorption de la vétusté des lieux de détention, qu’elle « propose » l’application de nouvelles règles pénitentiaires européennes, notamment celle garantissant l’expression des détenus, qu’elle engage une réflexion sur l’individualisation de la prise en charge des détenus, qu’elle porte un autre regard sur le service public pénitentiaire en y associant « tous les acteurs publics, la Nation et tous les citoyens », et qu’elle envisage de mettre fin à l’expérimentation du diagnostic à visée criminologique, l’OIP, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature ne peuvent que s’en féliciter.
Mais ce programme, qualifié d’ambitieux, pêche cruellement par l’absence de dispositions destinées à mettre un terme à la surpopulation carcérale, facteur de récidive et source de promiscuité, d’indignité et de violence dont sont victimes aussi bien les détenus que les personnels. Alors même que s’impose une politique pénale d’ampleur – incluant la dépénalisation de certains délits et une réduction de l’échelle des peines – permettant d’en finir avec le tout carcéral, nous ne pouvons que déplorer l’absence de mesures immédiates et concrètes, telles la suppression des dispositions systématisant l’emprisonnement comme les peines planchers et l’instauration d’un numerus clausus. En effet, seule une véritable politique réductionniste permettrait de mettre un terme à la surpopulation et de garantir enfin le respect du principe de l’encellulement individuel.
Certes, la conférence de consensus doit permettre de faire aboutir la réflexion nécessaire sur le choix de la peine et les conditions de son exécution afin que l’emprisonnement redevienne une exception. Certes, on ne peut pas tout faire en un jour, ni en quelques mois. Mais on peut faire des choix. En attendant, les détenus, dont le nombre n’a cessé d’augmenter ces derniers mois, continuent à s’entasser dans quelques mètres carrés, l’aménagement des courtes peines d’emprisonnement reste très peu développé, les programmes PPP n’ont pas été interrompus et 6000 places de prison supplémentaires sont annoncées, quand les services pénitentiaires peinent à remplir leurs missions tant leur manque de moyens est criant.
« Partir à l’assaut de cette indignité », oui, c’est urgent, c’est ambitieux. Mais au-delà des mots, ce sont des actes forts et courageux que nous attendons.
L’Observatoire internationale des prisons
Le Syndicat des avocats de France
Le Syndicat de la magistrature
Paris, le 9 janvier 2013