PUBLIÉ LE 21 février 2024

A deux jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, des milliers d’agriculteurs continuent de manifester leur colère contre une politique agricole qui leur impose des conditions de travail et de revenus indignes.

Cette colère met en évidence l’impasse sociale, écologique et sanitaire du modèle agricole libéral et productiviste et la crise actuelle appelle sa réforme en profondeur.

Désigner les normes de protection environnementale comme la cause de la crise de l’agriculture, alimenter le ressentiment d’une partie des agriculteurs contre les écologistes, opposer les ruraux et les citadins, pour ne pas s’attaquer aux vrais problèmes, est irresponsable.

Le SAF dénonce ainsi les mesures annoncées par l’exécutif pour espérer calmer la colère des agriculteurs, qui ne donnent satisfaction qu’à l’agro-industrie et constituent une hypothèque inacceptable prise par la génération actuelle au détriment des générations futures :

  • la suspension du plan ecophyto (dont l’objectif était de parvenir à réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici 2030) est un choix pris au mépris de la santé des agriculteurs, premières victimes sanitaires de l’épandage des produits phytosanitaires.
  • L’arrêt de la surtransposition des règles européennes sur les substances phytosanitaires va à l’encontre du principe de précaution qui précisément sert de garde-fou scientifique et juridique sur les effets à long terme de ces substances, et occulte le fait que la France est en retard sur l’application effective de nombreuses directives européennes (nitrate, air, …)
  • Les modifications procédurales sur les installations classées agricoles, vont à l’encontre des principes d’accès à la justice environnementale garantis par la Convention d’Aarhus
  • L’annonce d’un texte qui encadrerait les actions fondées sur un trouble anormal du voisinage au profit des installations agricoles ne profiterait qu’aux seules installations de type industrielles, et porterait atteinte au droit légitime de bénéficier d’un environnement exempt de nuisances….

Le SAF dénonce encore l’obstination des pouvoirs publics à soutenir les projets de retenues d’eau, alors que les décisions de justice ne sont pas définitives et que le droit impose une gestion équilibrée de la ressource en eau, patrimoine de la nation.

Cette vision, qui ne répond qu’à des enjeux privés et à court terme, à court terme se retrouve tout autant dans la remise en cause d’une cartographie contraignante des zones humides, alors que la sécheresse est déjà si présente, et la biodiversité effondrée.

Les agriculteurs sont, et seront les premières victimes du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (baisse des rendements dus à la sécheresse, réduction de la production fourragère pour l’élevage, augmentation des coûts de production pour les éleveurs, surmortalité des animaux pendant les vagues de chaleur, inondations contribuant à la dégradation des sols, pandémies, zoonoses, disparition des insectes pollinisateurs, etc…)

Et en même temps, les agro-industries sont le deuxième secteur le plus émetteur de C02 (élevages industriels de bovins, épandage d’engrais azotés, émissions des sols devenus supérieurs à leur capacité de stockage, conversion des prairies et de forêts en terres cultivées,…).

La cour des comptes vient de rendre un rapport le 14 février 2024 qui dévoile que les géants de l’industrie agroalimentaire ne respectent pas les lois Egalim, dont l’objet est de garantir une juste rémunération des agriculteurs afin de lutter contre les pratiques commerciales imposées par les industriels.

Il est urgent d’engager une transformation en profondeur des modèles de production et de consommation, et d’accompagner les agriculteurs vers le bas carbone, comme le préconise le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport du 25 janvier 2024 sur l’agriculture et l’alimentation.

Le SAF ne se trompe pas de combat et défendra toujours l’accès à la justice environnementale et les revendications des agriculteurs pour leur droit à produire et vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé de tous.

Il est temps de penser plus large et vers l’avenir à l’aune de la décision historique du Conseil Constitutionnel du 27 octobre 2023 reconnaissant le droit (et le devoir) de prendre en compte tout à la fois les générations futures et les autres peuples :

 

« Lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard ».

 

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