Demain sera examinée à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à, selon son intitulé, mieux lutter contre la récidive, déposée par le groupe Horizons. Sous couvert d’un objectif louable, cette proposition viendrait balayer des années de travaux, recherches et avancées législatives.
A l’heure où les prisons françaises ne sont plus en mesure de faire face aux placements en détention toujours plus nombreux, où le Conseil de l’Europe a enjoint à la France d’adopter rapidement une stratégie globale pour réduire la surpopulation carcérale, et alors que les conséquences délétères de l’emprisonnement sur l’insertion et la récidive sont largement documentées, cette proposition de loi s’inscrit à rebours des solutions qui s’imposent.
Elle prévoit ainsi tout simplement le retour des peines planchers, en instaurant une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les faits de violences commis en récidive sur les forces de l’ordre, alors même que l’expérience a montré que ces peines planchers, dont le principe porte atteinte à la nécessaire individualisation de la peine, n’ont pas d’effet scientifiquement évalué sur la récidive et sont vectrices de surpopulation carcérale. L’objectif dissuasif avancé est parfaitement illusoire et relève du pur affichage politique.
La proposition de loi rend également automatique le dispositif de communication aux maires des décisions judiciaires rendues à la suite des infractions causant un trouble à l’ordre public sur le territoire de leur commune. Le but évident de neutralisation de la personne condamnée va à l’encontre de la réinsertion des personnes concernées, pourtant fondamentale pour lutter contre la récidive.
Puisque le parti pris est d’ores et déjà celui d’une répression aveugle, à rebours des recommandations de la conférence de consensus de 2013 – qui d’ailleurs sont pour beaucoup restées lettre morte – quel est donc l’intérêt de prévoir l’organisation d’une nouvelle conférence de consensus3 ?
Alors que cette proposition de loi, qui conduirait à plus incarcérer les récidivistes, n’aborde à aucun moment la question de la prise en charge en détention, elle prétend ensuite améliorer l’accompagnement hors les murs. Les deux dispositions prévues à ce titre, instaurant l’expérimentation de permanences du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) dans les juridictions et généralisant les programmes de prise en charge à la sortie de prison des condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte, ne constituent que des pis-allers, puisqu’elles ne s’accompagnent pas d’une politique d’ampleur destinée à améliorer la prise en charge des personnes condamnées.
Ainsi, il y a une profonde incohérence à désocialiser en masse des personnes délinquantes en les incarcérant dans des conditions indignes, tout en se berçant de l’illusion qu’il suffira d’une prise en charge de quelques mois à leur sortie pour les réinsérer. Cela est d’autant plus illusoire que les SPIP, mais également l’ensemble du secteur médico-social, manquent cruellement des moyens nécessaires à une prise en charge de qualité des personnes condamnées. Sans politique interministérielle d’ampleur (logement, santé, travail, justice), une intervention plus rapide et plus structurée du SPIP, même si elle est rendue possible grâce à des moyens supplémentaires, ne suffira pas à prévenir la récidive.
Nous alertons donc sur les dangers d’une telle proposition de loi et appelons le législateur à imaginer plutôt un mécanisme contraignant de régulation carcérale, seule mesure susceptible, au vu de l’urgence et de la gravité de la situation, de produire des effets concrets en matière d’insertion et de prévention de la récidive.