Les révélations conjointes de Mediapart et Libération du 5 novembre 2025, s’appuyant sur plus de quatre-vingts heures d’images issues des caméras-piétons de la gendarmerie, confirment l’ampleur des violences commises par les forces de l’ordre lors de la manifestation de Sainte-Soline du 25 mars 2023. Ces images attestent de la stratégie assumée, bien identifiée par la LDH « d’empêcher l’accès à la bassine quel qu’en soit le coût humain ».
Elles montrent des gendarmes qui ont effectué des tirs tendus de grenades de gaz lacrymogènes et grenades explosives, pourtant interdits, et sous les ordres et encouragements de leurs chefs, des propos insoutenables appelant à des violences contre les manifestant·es tels que « faut leur tirer dans la gueule », « t’en crèves deux trois, ça calmera les autres », mais aussi une jubilation morbide face aux blessures infligées (« faites-vous plaisir », « j’ai tiré 7 LBD j’en ai couché au moins 4 », journalistes et manifestants traités de « pue-la-pisse »…) et dont le caractère légitime de l’action a été conforté par la justice administrative (annulation des arrêtés d’autorisation environnementale par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 18 décembre 2024).
L’enquête de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale, qui disposait de ces dizaines d’heures de vidéos), pourtant saisie pour violences par personne dépositaire de l’autorité publique et non-assistance à personne en danger, n’a conduit à aucune identification de tireurs, ni à aucune mise en cause, malgré la gravité des faits et les preuves disponibles.
Les blessés graves, dont certains ont frôlé la mort, demeurent sans justice deux ans et demi après les faits.
Le Syndicat des avocat·es de France dénonce avec la plus grande fermeté :
- la faillite de la chaîne de commandement, dont les ordres illégaux ont conduit à des tirs tendus de grenades et balles dites de défense, et à l’usage disproportionné de la force ;
- la carence des organes d’enquête internes, dont la passivité face à des violations manifestes des règles d’engagement interroge la loyauté envers la justice ;
- la banalisation politique et institutionnelle de la violence d’État, marquant une dérive fasciste marquée par la volonté de tuer.
Le Syndicat des avocat·es de France dénonce également la responsabilité politique directe du ministre de l’Intérieur de l’époque et de la préfète des Deux-Sèvres, qui ont validé et encouragé un dispositif de maintien de l’ordre militarisé, disproportionné et contraire aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.
En autorisant un déploiement massif de forces, en méprisant les alertes des observateurs et en couvrant les dérives connues des unités engagées, ils ont failli à leur obligation première : garantir la sûreté des citoyen·nes sur le fondement de l’article 2 de la CESDH, et non la mettre en péril, comme l’a déjà rappelé la CEDH en condamnant la France le 27 février 2025 pour la mort de Rémi Fraisse lors d’une opération de maintien de l’ordre.
Cette répression déclenchée contre des manifestant·es venu·es défendre une cause d’intérêt général, la protection de la ressource en eau, bien commun et élément vital, révèle une contradiction intolérable : l’État prétend agir pour l’urgence écologique tout en écrasant celles et ceux qui la réclament. En seulement deux heures à Sainte-Soline, ce sont plus de 5 000 grenades (dont 1 375 GM2L) qui ont été utilisées contre les manifestant·es, de manière indiscriminée et immodérée.
Les faits révélés apportent une preuve supplémentaire que des armes qui ne sont considérées que comme potentiellement dangereuses représentent en fait un réel danger, et que quel que soit les garde-fous mis en place, et notamment les recommandation d’utilisation de ces armes, elles blessent gravement et tuent lorsqu’elles sont mises entre de mauvaises mains.
L’acharnement répressif contre les défenseurs de l’environnement révèle une fois de plus que la revendication de la protection de l’environnement est traitée comme une menace, et la violence publique comme une solution politique.
Face à cette dérive grave, le Syndicat des avocat·es de France appelle :
- à l’ouverture d’une enquête effective et transparente sur les faits et les ordres donnés, sur la présence sur place des autorités civiles ;
- à l’interdiction d’utilisation d’armes létales par les forces de l’ordre telles que les LBD et grenades GM2L, qualifiées d’armes de guerre par le code de la sécurité intérieure, ainsi qu’à un réexamen démocratique et en profondeur de l’ensemble des armes qui sont mises à leur disposition ;
- à la création d’un organisme d’inspection de la police et de la gendarmerie indépendant du pouvoir exécutif et dont la composition permette davantage d’impartialité ;
- à l’exécution sans délai de la décision du Conseil d’État du 11 octobre 2023 imposant de revoir l’identification des agents des forces de l’ordre pour la rendre réellement effective et ainsi mettre fin à l’impunité.

