PUBLIÉ LE 17 février 2023

Les états généraux de la justice ont débouché sur un constat partagé : la procédure d’appel en matière civile est devenue un champ d’obstacles sur lesquels de nombreux justiciables se fracassent chaque année, sans amélioration des délais de jugement.

Le dernier rapport rendu en juillet 2019[1] constatait une explosion des caducités et irrecevabilités des déclarations d’appel aboutissant à ce que 14 505 appelants par an (12,5 % des appels, soit 1 justiciable sur 8) perdent leur procès en raison d’une simple question de procédure.

Ces chiffres ne prennent pas en compte les intimés privés de la possibilité de se défendre du fait d’irrecevabilité de leurs conclusions et les appelants privés de la possibilité de soutenir leur argumentation pour lesquels il n’existe pas de données statistiques.

En réponse à la demande unanime de la profession d’avocat de voir réformer le décret Magendie, rejointe par de nombreux magistrats et greffiers, Éric Dupond-Moretti s’était engagé à réécrire ce décret, tout en réclamant que les avocat.es travaillent à la structuration des écritures.

Pourtant, plusieurs mois plus tard, le ministre n’évoque plus qu’un « desserrement des délais« [2] voire sa volonté de « desserrer un peu l’étau des délais Magendie« [3], loin de la réforme espérée et qui ne résoudra aucunement les difficultés.

En revanche, alors que les avocat.es et magistrat.es se sont mis d’accord sur une charte de présentation des écritures correspondant aux attentes partagées du monde judiciaire[4], le ministre continue de vouloir nous imposer la forme de nos conclusions par voie réglementaire, ce qui n’est pas acceptable et contreviendrait aux droits de la défense.

Associer la question des délais en appel avec la structuration des conclusions tend à laisser entendre que les avocat.es pourraient être responsables de la longueur des procédures, ce qui est notoirement inexact et profondément méprisant.

Il est inacceptable de maintenir une situation où des obstacles procéduraux privent autant de justiciables d’accéder à un juge pour palier le sous-effectif chronique des juridictions et inacceptable de dicter aux avocat.e.s. ce qu’ils doivent écrire.

Il serait indigne de l’instrumentaliser pour restreindre la liberté dont jouissent avocat.es et justiciables dans l’élaboration de la défense, au prix d’irrecevabilités supplémentaires entravant d’autant l’accès la justice.

Le SAF alerte donc sur ce jeu de dupes et demande à nos institutions de continuer à porter la revendication de la profession de voir réformer le décret Magendie sans contrepartie.

 

[1]Rapport Bilan des réformes de la procédure d’appel en matière civile, commerciale et sociale et perspectives, Juillet 2019

[2]Présentation du Plan Justice le 05 janvier 2023 et Intervention devant la conférence des bâtonniers le 30 janvier 2023

[3]Intervention devant la commission des lois du sénat du 11 janvier 2023

[4]https ://www.courdecassation.fr/files/files/D%C3%A9ontologie/CCC/Charte%20des%20%C3%A9critures/ Charte_de_pr%C3%A9sentation_des_%C3%A9critures.pdf

 

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