PUBLIÉ LE 11 décembre 2018

Le Canard enchaîné a révélé, dans son édition du 5 décembre 2018, « les tweets fous d’un juge de l’asile ».

Le magistrat administratif en question, président honoraire à la Cour nationale du droit d’asile, également affecté au jugement des obligations de quitter le territoire français (OQTF) « six semaines » au tribunal administratif de Lyon, se targuait anonymement sur le réseau social Twitter de « vire[r] tout ce qui est Tchétchène», s’enorgueillissait de «limiter la casse pour [son] pays», et faisait savoir que, s’occupant des OQTF, «avec [lui] ça dégageait fissa ».

A cela s’ajoutaient des considérations suivant lesquelles des « bandes ethniques pill[aient] le centre de Lyon  », et qu’il s’agissait-là des conséquences « d’une immigration maghrébine et subsaharienne à majorité musulmane incontrôlée depuis quarante ans de lâcheté », le magistrat dévoilant au passage sa solution : « un ou une Salvini, Orbàn, ou Bolsonaro ».

Le SAF condamne avec force des propos aussi grossièrement outranciers et racistes, émanant qui plus est d’un magistrat administratif, dont l’essentiel de l’activité juridictionnelle consistait à juger de la légalité d’actes administratifs concernant des ressortissants étrangers.

Il s’interroge sur le point de savoir comment un juge aussi partial, ayant une volonté aussi assumée non pas d’appliquer le droit, mais de « limiter la casse pour [son] pays  » en rejetant le maximum de requêtes, a ainsi pu être désigné pour juger du bien-fondé de demandes d’asile ou d’obligations de quitter le territoire français, sans que ni ses collègues, ni sa hiérarchie ne s’en émeuvent, sauf à imaginer qu’aucun d’entre eux n’était au courant de ses idées xénophobes…

De manière plus générale, cette affaire pose la question du traitement des requêtes des ressortissants étrangers par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et le tribunal administratif de Lyon, juridictions au sein desquelles siégeait le magistrat adepte de Twitter. Elle interroge aussi le recours au juge unique qui tend à se généraliser et qui favorise de telles dérives.

A la CNDA, on constate : multiplication des décisions prises par ordonnances, rejet des demandes de renvoi, expérimentation de la vidéo-audience…

Au tribunal administratif de Lyon : création d’une neuvième chambre dédiée au jugement des OQTF, systématisation des refus de condamnation de l’Etat au paiement de frais irrépétibles lorsque la décision de l’administration est annulée, durcissement exceptionnel et inédit de la jurisprudence sur le droit au respect de la vie privée et familiale…

Contentieux « de masse  » en raison non pas d’une « invasion migratoire  » imaginaire, mais simplement des fracas géopolitiques de notre monde et des politiques migratoires de la forteresse Europe, le droit des étrangers mérite un juge administratif à la hauteur de ce qu’il est : un droit des êtres humains.

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