PUBLIÉ LE 27 janvier 2023

Des collectifs et associations dénoncent depuis des semaines la criminalisation des squatteurs et locataires, du fait de l’adoption par l’Assemblée nationale, en première lecture, de dispositions criminalisant les occupants sans titre et notamment d’un amendement permettant de condamner tout occupant sans titre d’un logement à 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

Si cette disposition visant les plus précaires est effectivement très grave et disproportionnée, la nouvelle définition du «  logement  » introduite par le même amendement donne une portée au texte beaucoup plus large qui risque d’avoir d’autres conséquences également extrêmement graves et disproportionnées.

Le nouvel article 315-1 du Code pénal, qui deviendrait définitif s’il était adopté en l’état par le Sénat lors de la séance publique du mardi 31 janvier prochain est en effet rédigé de la manière suivante : « L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage économique à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. ».

A ce stade, si la commission des lois du Sénat vient de proposer une précision bienvenue des éléments constitutifs du délit et une réduction des peines initialement imaginées par les députés, la notion de « local à usage économique » est maintenue telle quelle et aucune exception n’est explicitement prévue pour les occupations liées à des actions militantes.

Ce texte pourrait ainsi être utilisé pour tenter de cibler les salariés en grève (piquets de grève, occupations d’usines…) ou les militants associatifs (droit de l’environnement etc.), lesquels seraient alors non seulement confrontés au risque d’une sanction pénale particulièrement dissuasive, mais au risque d’être expulsés pour flagrant délit, sans qu’il soit nécessaire pour l’employeur de saisir le juge des référés et d’obtenir une ordonnance d’expulsion.

Le droit de propriété ne peut devenir le seul critère d’une répression immédiate et être instrumentalisé aux fins de restreindre le droit de grève, droit constitutionnel.

L’office du juge ne peut être écarté au profit d’un pouvoir arbitraire laissé aux employeurs et aux préfets.

Après les réquisitions de grévistes et autres menaces à l’encontre de grévistes et manifestants, la ficelle est un peu grosse, surtout dans un contexte de mouvement social d’ampleur, résultant de toutes les réformes antisociales et sécuritaires en cours dont, évidemment, le projet de réforme des retraites.

Le SAF, le Syndicat de la Magistrature, l’Union syndicale Solidaires, la FSU, la CGT alertent donc les sénateurs sur cet article, et les invitent à déposer des amendements pour faire retirer cette disposition, ajoutée à la dernière minute et qui s’apparente plus à un cavalier législatif répressif qu’à une disposition protégeant les propriétaires.

 

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