PUBLIÉ LE 28 novembre 2022

 Les députés de la majorité présidentielle ont déposé, le 18 octobre 2022, une proposition de loi visant à « protéger les logements contre l’occupation illicite »[1].

Dangereuse pour la cohésion sociale et profondément attentatoire à de nombreux principes fondamentaux de notre droit, elle s’attaque aux conditions matérielles nécessaires à la vie, au socle minimal depuis lequel il nous est possible d’exercer les autres droits et devoirs qui nous sont reconnus, c’est-à-dire le droit reconnu à toute personne de disposer d’un logement décent

Pour ce faire, elle procède par un double mouvement avec, d’une part, une libéralisation accrue du marché locatif et, d’autre part, un encadrement toujours plus complexe et une répression toujours plus grande des exclus et des précaires.

Sous couvert de lutter contre quelques cas isolés, méconnaissant la réalité des décisions rendues quotidiennement par nos tribunaux, elle s’attache à déconstruire une législation probablement imparfaite mais néanmoins tournée vers la recherche d’un équilibre entre des parties privées, sous le contrôle d’un juge du siège, indépendant et impartial.

Surtout, elle fait l’impasse sur les causes du mal-logement, sur ces millions de bâtis laissés vacants et inusités, sur l’insuffisance du nombre de logement sociaux, sur la réduction du montant des aides aux logements, sur l’ubérisation rampante du marché locatif ou encore sur les nombreux abus dont sont victimes les locataires et occupants.

Et pour poursuivre ces objectifs, les promoteurs de la proposition de loi encouragent une défiance toujours plus grande envers l’autorité judiciaire, préférant confier aux procureurs et aux préfets le soin de défendre les intérêts des propriétaires contre ceux des locataires et occupants.

Ainsi,

  • les mécanismes de résolution des difficultés de paiement du loyer et de prévention des expulsions seront réduits à peau de chagrin ;
  • les délais de procédure seront réduits, rendant matériellement impossibles les enquêtes sociales ;
  • les possibilités offertes aux locataires de résorber leur dette locative deviendront drastiquement limitées,
  • le juge sera privé de son pouvoir d’accorder d’office des délais de paiement ou des délais à l’expulsion et, pis, il sera privé du pouvoir de vérifier d’office la réalité de la dette locative qu’il devra avaliser sans contrôle et sur simple demande du propriétaire-bailleur.

L’introduction d’une nouvelle infraction d’occupation frauduleuse d’un immeuble qui assimile au vol l’occupation sans titre d’un immeuble bâti à fin d‘habitation et l’extension de la notion de domicile, qui finira par recouper la notion de propriété privée au point de s’y confondre, sont de véritables attaques faites aux plus vulnérables.

Le préfet pourra recourir à la procédure d’expulsion extrajudiciaire de l’article 38 de la loi DALO tandis que le procureur pourra recourir à la procédure pénale et restituer les lieux litigieux à leur propriétaire pour mettre fin à l’infraction prétendue.

Et pour les plus récalcitrants qui ne veulent pas crever à la rue, il restera la prison.

Car les institutions policières et pénitentiaires, déjà fortement mobilisées pour juguler les désordres engendrés par le chômage de masse, l’imposition du salariat précaire et le rétrécissement de la protection sociale, devront désormais s’attacher à également gérer les conséquences du mal-logement.

Le SAF appelle ainsi les parlementaires à ne pas voter cette proposition de loi et demande à ce que des États Généraux puisse être organisés afin de réfléchir aux moyens pouvant être déployés pour mettre fin au mal logement et respecter le droit inconditionnel de toutes et tous à pouvoir disposer d’un hébergement ou un logement décent.

 

 

 

 

 

[1]Proposition de loi de M. Guillaume KASBARIAN, Mme Aurore BERGÉ, M. Laurent MARCANGELI, d’ores et déjà adoptée en Commission des Affaires économiques, et qui sera discutée pour la première fois le 28 novembre prochain dans l’Hémicycle.

Partager