PUBLIÉ LE 10 janvier 2023

Après la publication des rapports des états généraux de la justice, qui établissaient un constat accablant, force est de constater que la réponse apportée par le ministre de la justice lors de sa conférence de presse du 05 janvier n’est pas à la mesure de nos attentes.

Au lieu et place de mesures fortes et d’une politique d’ampleur pour sortir la Justice du dénuement dans lequel elle se trouve, le Garde des Sceaux a annoncé des mesures gadgets visant à réduire les coûts et à déjudiciariser de nombreux contentieux.

Si nous ne pouvons que nous féliciter de la hausse du budget de la justice, qui vient ici rattraper des années de retard, ces chiffres à eux seuls ne sauraient nous rassurer alors que le ministre a réaffirmé que seraient construites lors du quinquennat 15 000 places de prison supplémentaires.

 

Justice civile : le tout amiable, ou le miroir aux alouettes

Si les modes amiables ont des vertus évidentes en matière civile, ils ne peuvent suppléer le juge, garant de l’égalité des parties devant la justice.

Notre crainte est que cette politique ne vise qu’à cacher la misère, à pallier au manque de moyens matériels et humains de la justice civile.

Par ailleurs, la question du financement et des coûts des modes amiables est entière, en particulier pour les personnes précarisées dont l’accès au droit sera ainsi menacé.

Quid en outre de la gestion des dossiers en attente qui constitue un problème immédiat et essentiel ?

Cette volonté de généraliser la justice de l’amiable est un miroir aux alouettes et un dangereux glissement vers une justice privée qui écartera encore plus les personnes les plus vulnérables de la justice. La médiation ne peut devenir la règle, comme l’affirme le Garde des Sceaux. Elle ne doit pas être imposée mais rester une alternative possible à la disposition des parties.

 

Procédure d’appel : où sont les changements espérés ?

Tirant les conséquences d’une procédure d’appel de plus en plus complexe qui réduit de fait le droit des justiciables de voir leur cause examinée par un double degré de juridiction, le rapport Sauvé invitait à simplifier la procédure en réformant les décrets Magendie.

Le Garde des Sceaux annonce un «  desserrement  » des délais, sans autre précision. Là encore, nous déplorons l’absence d’ambition à la hauteur des enjeux.

 

Procédure pénale : le service après-vente du Ministre de l’Intérieur

« Le code de procédure pénale est devenu trop lourd et illisible » affirme le Garde des Sceaux qui annonce une «  simplification  » et une «  modernisation  » de la procédure pénale par voie d’ordonnances.

Il est frappant d’entendre dans la bouche du garde des sceaux les mêmes éléments de langage que ceux utilisés par le ministre de l’Intérieur quelques semaines plus tôt lors des débats autour de la LOPMI.

Il nous est promis une refonte du code par voie d’ordonnance, alors que toute modification de l’équilibre de notre procédure doit se faire au cours d’un débat parlementaire et être le fruit d’une réflexion globale.

 

Répression et enfermement : on construit toujours et encore

Alors que tous les spécialistes, au nombre duquel l’avocat Dupont-Moretti aurait pu être, s’accordent à constater l’échec d’une politique pénale misant sur le tout répressif, la seule proposition du ministre est la construction de nouvelles prisons et de centres éducatifs fermés pour les mineurs.

Pourtant, de nombreux exemples chez nos voisins montrent des voies alternatives à l’enfermement qui offrent de bien meilleurs résultats en termes de récidive.

Le sujet de la surpopulation carcérale est balayé d’un revers de main, le Ministre considérant que les mesures déjà prises sont suffisantes et que la réinsertion passe par le travail des détenus, continuant à tenir le même discours populiste sur l’utilité de l’enfermement pour rassurer le peuple français.

Là encore, le compte n’y est pas…

Le SAF sera donc particulièrement vigilant quant à la mise en œuvre de ces propositions, et invite l’ensemble des parlementaires à s’opposer en particulier au projet de réforme de la procédure pénale par voie d’ordonnance.

Les discours ne suffisent plus. Il faut désormais passer aux actes.  Plus de moyens, oui, mais pas moins de Justice.

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