Depuis près de trois semaines, les salarié.es et les sous-traitants des raffineries Total et Esso-ExxonMobil ont lancé un large mouvement de grèves pour obtenir une augmentation de salaire et une meilleure répartition des bénéfices des géants du pétrole.
La réaction de l’État est, une fois de plus, autoritaire et contraire aux intérêts des salarié.es. Le gouvernement tente de briser la lutte, de diviser salarié.es et usager.es, tout en protégeant les intérêts des grands groupes et bafouant un droit constitutionnel.
Le risque est donc grand d’assister à une envolée de la colère.
Face au battage médiatique incessant sur le sujet, le SAF tient à rétablir quelques vérités.
Il faudrait réquisitionner les grévistes pour « faire cesser le blocage des raffineries » ?
Cette assertion n’est pas correcte.
En effet, il ne faut pas confondre les arrêts de travail qui constituent l’exercice du droit de grève – y compris avec piquets de grève parfaitement autorisés – et blocage susceptible de caractériser une atteinte à la liberté du travail – lorsque tous les accès sont fermés. En l’espèce les raffineries sont à l’arrêt car en grève et non bloquées.
Les réquisitions ne sont pas un outil pour mettre fin à une grève.
Elles ne sont autorisées que pour protéger la sécurité de la Nation, historiquement en temps de guerre ou, comme l’avait déclaré en 2003 le Ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy devant l’Assemblée Nationale, en cas de circonstances exceptionnelles telles une catastrophe naturelle.
L’interprétation qui en est faite est un dévoiement du texte à des fins de répression sociale.
Les réquisitions visées par le Code de la Défense et le Code général des Collectivités Territoriales ne peuvent être mises en œuvre que lorsque l’interruption de services essentiels – dont ne font pas partie les raffineries selon l’OIT – pourraient porter gravement atteinte à l’ordre public, c’est-à-dire à la vie, la santé ou la sécurité des personnes.
Des services essentiels (ambulance, police) pourraient être impactés par le manque de carburant, justifiant le recours aux réquisitions ?
Là encore, l’affirmation est inexacte : les réquisitions ne peuvent pas intervenir à titre préventif et ne peuvent être décidées que de manière subsidiaire, à défaut de toute solution alternative.
Au plan politique comme juridique avant les réquisitions le gouvernement a bien des mesures à prendre pour assurer le ravitaillement des véhicules de sécurité ou des professionnels de santé sans porter atteinte au droit de grève – organiser le ravitaillement prioritaire de ces véhicules, interdire le stockage, mobiliser rationnellement les stocks stratégiques….
Il ne justifie pas l’avoir fait et sa priorité est désormais d’utiliser la réquisition comme outil politique pour briser le mouvement en raison de ses impacts sur l’économie et sur l’opinion publique.
Il s’agirait d’une grève préventive ?
La grève est l’exercice d’une liberté. Ce sont les salarié.es qui décident à quel moment ils l’exercent et selon quelles modalités.
Le concept de « grève préventive » est une restriction à la liberté de grève : il induit que le moment de celle-ci serait encadré et qu’elle ne serait légitime qu’en cas d’échec d’une négociation préalable alors que la grève est également un outil de construction du rapport de force en vue de négocier.
Le timing ne semble de plus pas mal choisi au vu de l’annonce concomitante du montant des dividendes incroyablement élevés versés aux actionnaires.
Les réquisitions permettraient de mettre un terme au conflit et un accord signé pourrait mettre fin à la grève ?
Contrairement à ce que déclare Madame BORNE, une réquisition n’est pas un outil pour mettre fin à une grève et les salarié.es sont en droit de continuer une grève même si un accord a été signé.
L’exercice du droit de grève est une liberté individuelle qui ne peut être limité par un accord signé par les syndicats.
Les travailleurs et travailleuses peuvent donc considérer que leurs revendications ne sont pas satisfaites par un accord que des syndicats auraient conclu.
Ce point est d’autant plus essentiel que le droit du travail permet à l’employeur, depuis la réforme de la loi travail, de choisir le périmètre de négociation qui l’avantage le plus, soit celui sur lequel il trouvera une signature des syndicats les moins revendicatifs. C’est exactement ce que font TOTAL et EXXON qui ne négocient pas sur le périmètre des raffineries.
En réglant les conflits par l’autorité et la violence, l’État montre son impuissance à imposer aux entreprises des solutions alternatives et sa véritable facette en détournant l’usage du texte légal. Par ces méthodes répressives, il prend le risque social de généraliser le conflit.
Pour l’ensemble de ces raisons, le choix des salarié.es d’élargir la mobilisation en entrant en grève à leur tour face à ces méthodes répressives est courageux et légitime. Que l’on ne se trompe pas de colère, les tentatives de division du gouvernement sont vaines à ce jour et entrainent a l’inverse des manifestations de solidarité avec les travailleurs et travailleuses, auxquelles le SAF se joint.
Le SAF continuera toujours de défendre les droits et libertés fondamentaux. Il dénonce la communication du Gouvernement qui prend fait et cause pour les entreprises et dénigre les organisations syndicales, en nuisant au dialogue social et à la solidarité nationale.