PUBLIÉ LE 5 mai 2023

L’opération de lutte contre l’immigration illégale mise en place à Mayotte par le ministre de l’Intérieur depuis le 20 avril 2023, dite Wuambushu, a donné rapidement lieu à des tensions extrêmes et des appels à la violence et au meurtre particulièrement graves.

Dès le début de cette opération, plusieurs associations, dont la Cimade, le Gisti et la LDH, se sont inquiétées de la mise en œuvre de cette opération, craignant de graves violations des droits fondamentaux.

Le SAF et l’ADDE ont organisé une mission d’observation dans le cadre du suivi de l’affaire Moustahi c. France à la suite de cet arrêt de condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme le 25 juin 2020. Les avocat.es composant cette mission ont proposé d’assister en justice les personnes les plus vulnérables qui pourraient être affectés par cette opération et pour faire respecter leurs droits les plus fondamentaux, tels que, notamment, le droit à un recours effectif, le droit à pouvoir être relogé en cas d’expulsion, le droit au respect de la vie privée et familiale.

Le tribunal judiciaire de Mamoudzou a ainsi été saisi par la procédure de la voie de fait pour demander la suspension de la démolition du quartier du Talus 2, afin de protéger les habitants contre l’extinction de leur droit de propriété qui interviendrait si l’opération de démolition partiellement suspendue par le juge des référés du Tribunal administratif de Mayotte le 27 février 2023 était néanmoins exécutée par le préfet de Mayotte le 25 avril 2023 au matin.

L’ordonnance rendue le 24 avril 2023 a fait droit au référé introduit par les requérants et  a suspendu les mesures de démolition envisagée.

Cette décision a provoqué la colère du collectif des « citoyens de Mayotte ». Leur porte-parole, Madame Safina SOULA, a notamment appelé à « la guerre civile » et a nommément désigné devant les médias locaux une de nos consœurs, membre du SAF et de la délégation d’avocat-es, accusée de nourrir « une vengeance personnelle contre les Mahorais  ».

D’autres accusations haineuses contre les associations de défense des droits des étrangers que sont la Cimade, Migrants Outre-Mer et le GISTI ont été proférées. Des propos similaires ont été tenus par la députée de Mayotte, Madame Estelle YOUSSOUFFA, le vendredi 21 avril 20232 précédant la décision.

La magistrate qui a rendu l’ordonnance du 24 avril 2023 est directement menacée, tant par les habitants, par les élus locaux que dans la presse locale que nationale.

Les appels publics au meurtre et à la guerre civile relayées par la télévision et radio locales, sans que des poursuites pénales ne soient engagées immédiatement et fermement contre les élus et responsables associatifs qui les profèrent, nourrissent une inquiétude légitime pour la profession,  pour l’ensemble de la population concernée par l’opération.

La défense des droits des personnes les plus vulnérables est pourtant une obligation face à la barbarie.

Le SAF  dénonce avec fermeté ces prises de parole qui incitent à la haine et à la violence, apporte tout son soutien à nos confrères et consoeurs exerçant de manière permanente ou temporaire au barreau de Mayotte, ainsi qu’aux magistrat.e.s dont les compétences et l’indépendance ne font aucun doute.

Le SAF rappelle qu’aux termes de l’article 434-25 du code pénal, « le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance  » est un délit.

Le SAF demande au Garde des Sceaux d’intervenir publiquement pour rappeler les principes fondamentaux qui régissent notre démocratie, l’indépendance de la justice et la protection des droits de la défense.

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