PUBLIÉ LE 13 septembre 2018

COMMUNIQUÉ COMMUN ADDE – SAF

Par une décision du 06 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a validé le projet de loi « Pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie », adopté définitivement par l’Assemblée nationale le 1er août 2018 et publiée au Journal officiel le 11 septembre 2018.

Cette décision marque un tournant majeur dans la législation en matière d’asile et immigration car, au delà de valider des dispositions de plus en plus sévères et liberticides, le Conseil constitutionnel intègre totalement la contrainte budgétaire revendiquée par le gouvernement en matière de gestion des flux migratoires, au mépris des droits fondamentaux et des acquis républicains. 

Ainsi, le Conseil constitutionnel valide le recours à la visioconférence généralisée pour le contentieux des étrangers sans le consentement de la personne, écartant les moyens tirés du droit à la défense et du droit à un recours équitable.

Il considère en effet qu’en « permettant que les audiences visées par les articles L. 213-9, L. 222-4, L. 222-6, L. 512-1 et L. 733-1 puissent se tenir au moyen d’une communication audiovisuelle, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics ».

Ainsi dorénavant, en matière de droit des étrangers, la bonne administration de la Justice et le bon usage des deniers publics sont des principes à valeur constitutionnelle supérieurs à celui du droit à un procès équitable et aux droits de la défense.

De même, sont validées les dispositions prévoyant un régime d’exception pour les enfants nés à Mayotte, en conditionnant leur nationalité française à la résidence régulière de l’un de leurs parents lors de leur naissance.

Pourtant, ainsi que l’avaient soulevé les députés et sénateurs à l’initiative de la saisine du Conseil, ces dispositions remettent en cause, à Mayotte, le droit du sol attribuant la nationalité́ française et méconnaissent ainsi les principes d’indivisibilité́ de la République et d’égalité́ devant la loi, ainsi que le droit de mener une vie familiale normale, outre le fait d’introduire une discrimination en fonction de l’« origine  », prohibée par l’article 1er de la Constitution.

Alors qu’en 2012, dans le cahier n° 35 d’avril, le Conseil constitutionnel écrivait : « Malgré une tentation à situer l’Outre-mer à part dans la République, un territoire appartient à la République ou n’y appartient pas. L’indivisibilité est le marqueur du caractère unitaire de l’État qui impose en métropole comme dans les territoires ultramarins l’unicité du peuple français, l’unité de la langue, l’unicité de la source normative et l’unité du régime juridique des libertés publiques  », en 2018, il n’hésite pas à écrire que «  la population de Mayotte comporte, par rapport à l’ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité́ étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu’un nombre élevé́ et croissant d’enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité́ est ainsi soumise à des flux migratoires très importants. Ces circonstances constituent, au sens de l’article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, d’y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité́ française à raison de la naissance et de la résidence en France ». 

Le Conseil en conclut qu’ « en adoptant les dispositions contestées, le législateur a ainsi entendu tenir compte de ce que l’immigration irrégulière à Mayotte pouvait être favorisée par la perspective d’obtention de la nationalité́ française par un enfant né en France et par les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de sa famille ».

Au nom des flux migratoires et de l’intention frauduleuse présumée d’une population, le Conseil constitutionnel fait fi des principes constitutionnels d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi.

Enfin, le Conseil constitutionnel valide les dispositions relatives à l’enfermement des enfants en centre de rétention, au nom de l’unité familiale, et considère «  que la conciliation opérée par le législateur entre, d’une part, l’intérêt qui s’attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d’autre part, l’inconvénient d’être séparé́ de celui qu’il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l’ordre public, n’est pas contraire aux exigences constitutionnelles ».

Non seulement, cette décision confirme la possibilité de placer en rétention les enfants, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, mais aggrave leur situation en précisant que l’enfant ne doit pas être séparé « de l’étranger majeur qu’il accompagne ».

Les autres dispositions soumises à la censure du Conseil constitutionnel sont validées, comme l’allongement de la durée de rétention, l’accélération de la procédure d’asile, le choix de la langue imposée et la convocation par tout moyen du demandeur d’asile notamment.

Cette décision est indigne du Conseil constitutionnel, lequel ne doit pas être au service de la politique migratoire du gouvernement. Le SAF et l’ADDE rappellent que les exilé.e.s ne sont pas une variable d’ajustement ni des délinquants, qu’ils ont des droits qui doivent être protégés par nos institutions.

 

 

Partager