L’annonce faite par Gérald Darmanin, ministre de la Justice, de se rendre, en personne, auprès de Nicolas Sarkozy pour « s’assurer de sa sécurité » dans l’établissement pénitentiaire suite à sa condamnation par le Tribunal judiciaire de Paris, nous indigne, autant que la réception de ce dernier par le Président de la République quelques jours auparavant, à l’Elysée.
Si on voulait sourire, on se réjouirait que le Président de la République attache une telle importance à la question de l’entrée en détention de ses concitoyen·nes et que le Garde des Sceaux se rende trois fois par semaine en détention, alors que nous demandons où et quand, car nous n’avons pas le souvenir de l’avoir croisé….
Nous nous interrogeons sérieusement sur le respect des principes qui doivent gouverner l’action politique et administrative de nos représentants nationaux.
Notre syndicat rappelle les principes essentiels protégés et établis par notre constitution et la CEDH, que sont l’indépendance de la Justice, la séparation des pouvoirs, mais également l’apparence d’indépendance de la Justice, dont l’importance doit être affirmée afin de maintenir la confiance de nos concitoyen·nes dans cette institution.
Notre syndicat ne peut que souscrire aux propos de M. Rémy Heitz, Procureur Général près de la Cour de cassation qu’ « une telle visite pourrait porter atteinte à l’indépendance des magistrats ».
Ce traitement particulier révèle une asymétrie insupportable car pendant ce temps, nos prisons sont pleines à craquer, les personnes détenues souffrent, les professionnels qui y exercent sont à bout.
Pendant qu’on s’organise pour des selfies ministériels, la France continue de faire tourner son système pénitentiaire à plein régime…
Rappelons que le taux d’occupation des établissements pénitentiaires dépasse en France plus de 131% pour atteindre, comme en Guyane, 228% et que dans de nombreux lieux d’enfermement, seuls 43 % de la population dispose d’une cellule individuelle. Le reste s’entasse… et les conditions de vie se dégradent.
Le Syndicat des Avocat·e·s de France rappelle que la prison n’est pas un décor.
Pour le SAF, il est temps que le ministre de la Justice cesse de privilégier les « visites à hauts-risque de communication » et s’attelle à remédier à cette honte de la République qu’est la surpopulation carcérale, à améliorer les conditions de détention et garantir la dignité des détenu·es.
Pendant que certain·es s’émeuvent de l’incarcération d’un ancien président devenu un « événement d’État », le SAF rappelle que les principes d’égalité devant la loi et la justice ne tolèrent pas l’idée selon laquelle des citoyens seraient « plus égaux que d’autres ».