Après le vrai faux projet de loi sur les professions règlementées fuitant dans la presse, la mission du député Ferrand nous donne enfin une base de discussion sur le sujet. Si ce rapport écarte la création d’un statut de l’avocat en entreprise, à l’unisson avec la majorité de la profession d’avocat (mais on ne saurait pour autant brader notre secret professionnel aux juristes d’entreprise au seul motif qu’il faut protéger le secret des affaires), il ne lève pas les inquiétudes exprimées par le SAF, d’une réforme qui favorise un modèle économique de libéralisation du marché et de concentration des activités juridiques autour de grandes structures.
- Sur la postulation, le rapport Ferrand propose à juste titre la suppression du tarif obsolète et de le remplacer par un honoraire libre plus en adéquation avec la pratique et la réalité du travail de l’avocat. Il propose toutefois de substituer la postulation de TGI par une postulation de Cour d’appel. Alors que le rapport constate que la postulation permet, en matière pénale, de garantir un égal accès au juge et à l’avocat par un maillage territorial suffisant, la solution proposée accentue le risque de métropolisation de la justice au détriment de territoires périphériques, à l’image du déséquilibre entre Paris et la région Parisienne. La suppression de la postulation au niveau du TGI, censée favoriser un meilleur accès du justiciable au droit, ne peut se faire sans une réforme de la prise en charge des missions de service public assumées par les avocats. Si une mutualisation des moyens entre les barreaux et les CARPA est nécessaire, elle doit être accompagnée par l’Etat.
- La possibilité de création de structures d’exercice multi-professionnel du droit et du chiffre, ainsi que l’ouverture du capital des SEL entre ces mêmes professions, constituent un risque évident de mélange des missions et fragilisent la déontologie de l’avocat. La nécessité exprimée par certains grands cabinets d’avocats de se capitaliser ne peut se faire au détriment de l’indépendance et du secret professionnel qui ne peut être partagé. Ce mélange des genres est également à l’œuvre dans les travaux du conseil de simplification qui a proposé fin octobre que les experts comptables puissent conseiller juridiquement les TPE, ce qui n’est pas acceptable.
Ce glissement diffus mais certain vers un grand marché du droit porte atteinte aux garanties déontologiques protectrices du justiciable. Il est très éloigné de la préoccupation de l’accès au droit et à la justice et ne peut être déconnecté de l’absence de solution en matière de financement de l’aide juridique.
En la matière, les discussions sont repoussées au budget 2016 alors que la Garde des sceaux avait affirmé aboutir pour le budget 2015. C’est se moquer des avocats que de leur expliquer devant leur Convention Nationale que les discussions sont gelées à la seule acceptation par les avocats d’une taxation interne à la profession, mesure de financement héritée du 19ème siècle où chaque corps de métiers assumait ses pauvres.
La Garde des Sceaux ne souhaite pas discuter sur les propositions concrètes des avocats : ni sur la taxation des actes juridiques soumis à enregistrement qui, par un simple prélèvement complémentaire de 0,5 %, fournirait à elle-seule une ressource additionnelle d’environ 300 M €, ni sur une réforme plus générale du financement du système de l’aide juridique permettant de prendre en charge les secteurs du droit aujourd’hui en déshérence.
Les mouvements des avocats du printemps et de l’été 2014 ont permis de faire avancer les revendications, mais insuffisamment. Face aux choix et non-choix du Gouvernement, de nombreux barreaux se mobilisent déjà.
Nous devons être nombreux à participer à ces mouvements : le mardi 18 novembre par une journée de forte mobilisation pour marquer notre détermination, une journée de grève générale de toutes les juridictions ! Le vendredi 21 novembre par une mobilisation des avocats à Paris !
Paris le 6 novembre 2014