PUBLIÉ LE 4 octobre 2014

Un CNB utile pour une profession forte et solidaire

Dans un contexte de crise économique et de mutation sociale qui touchent tous les citoyens, la profession d’avocats vit-elle un bouleversement fondamental, déstabilisant les avocats dans leur exercice professionnel ?

Les projets des pouvoirs publics révèlent une méconnaissance, parfois une mise en cause du rôle de l’avocat, tel l’élargissement de l’acte d’avocat aux experts comptables dans la loi ALUR, finalement déclaré contraire à la Constitution.

Ce sont, en réalité, des visions opposées de la profession qui sont en débat, mises à jour par la réforme des professions réglementées et corrélativement de l’absence de véritable réforme du financement de l’aide juridique : se dessine un modèle économique favorisant la libéralisation du marché et la concentration des activités juridiques autour de grandes structures, prestataires de services juridiques. Malgré nous, le mythe du « grand marché du droit » s’est imposé :  l’avocat  y serait tour à tour agent sportif, mandataire immobilier et juriste d’entreprise, privé de fait d’indépendance pour au final se diluer et  risquer de disparaître.

C’est une autre vision de l’avocat que nous promouvons :

Celle de l’avocat qui intervient en droit de la famille, de la consommation, du logement, en droit du travail… Celle de l’avocat des sans droits s’échouant sur les plages de Calais. Celle de l’avocat défenseur des libertés individuelles, de la justice du quotidien à laquelle il contribue en permettant à ceux qui n’en ont pas la compétence de faire valoir leurs droits dans une société d’inflation de règles, de plus en plus complexes. Une profession présente sur tout le territoire, y compris dans les zones périurbaines abandonnées du service public, une profession se formant en permanence, s’organisant et créant les réseaux qui renforcent et garantissent les droits de la défense et l’assistance de tous les justiciables.

Une vision de la justice et du droit considérée comme une question humaine avant d’être économique, d’une profession essentielle au fonctionnement d’une société démocratique respectueuse des libertés publiques et attachée à l’égalité des droits.

Cette justice que nous souhaitons valoriser doit être accessible à l’ensemble des justiciables. Des pans entiers du droit, en défense comme en conseil, leur sont encore inaccessibles. La résolution du problème du sous-financement de l’aide juridique est donc impérieuse, a fortiori dans un contexte de crise économique.

L’élection au CNB est l’occasion d’exprimer cette vision. Pour cela, nous avons besoin d’un CNB utile à notre profession.

Le CNB doit être une institution renforcée dans ses prérogatives et réformée afin d’être la seule représentative de la profession dans son ensemble. Une institution qui puiserait sa légitimité dans une représentation moins contestée grâce à la rénovation de son système électoral aujourd’hui illisible. Pour cela, le mode électoral ne peut être que le suffrage universel direct, les membres de l’assemblée générale désignant ensuite le bureau et le Président.

Plutôt qu’une dilution de notre profession dans un grand marché du droit où seuls les plus solides économiquement s’y retrouveraient, nous défendons une profession présente partout où le droit et le service public de la justice sont nécessaires, renforcée dans sa déontologie, sa représentation vis-à-vis des pouvoirs publics et les solidarités qu’elle assure.

Nos propositions :

Pour un accès effectif au droit et à la justice

Les mobilisations des années 2013 et 2014 ont montré que la profession pouvait se faire entendre sur la réforme du financement de l’aide juridique. Mais les réponses données par le Gouvernement sont bien insuffisantes. La mobilisation doit se poursuivre pour obtenir de réelles améliorations :

–       Doublement du budget de l’accès au droit et à la justice

–       Amélioration significative et réforme de l’indemnisation des avocats

–       Extension des protocoles et organisation de groupes de défense et de conseil pour un accès au droit de qualité pour tous les justiciables

Pour une meilleure prévoyance et une solidarité entre les avocats

La négociation par le CNB d’un contrat de protection de perte de collaboration est un premier acte dans l’amélioration de la prévoyance des avocats. Ce travail doit se poursuive afin d’améliorer la prévoyance au sein de la profession et mieux couvrir les évènements joyeux ou non de la vie, maternité mais aussi maladie. Le CNB devra également prospecter sur la couverture des pertes de revenus passagères en cas de coup dur économique.

Pour une déontologie unique et renforcée, contre la dérégulation

C’est cette déontologie, ce souci constant du conflit d’intérêt, de la confidentialité et du respect du contradictoire, qui constituent la spécificité de la profession d’avocat. L’indépendance à l’égard de tous les pouvoirs et aussi à l’égard des clients, constitue une garantie essentielle et contribue à faire de notre profession une profession particulière qui ne peut se dissoudre dans l’activité de juriste. Au cours des dernières mandatures, la profession a assisté à une offensive sans précédent avec pour objectif la suppression de nos règles fondamentales : libéralisation de la publicité, extension des activités commerciales, inter-professionnalité capitalistique, avocat en entreprise… Ce mouvement n’est pas inéluctable, il doit y être mis un frein.

Pour une présence sur Internet forte et contrôlée

Les sites de divorces ou de saisine de prud’hommes se multiplient sans contrôle de déontologie : alors que le justiciable devrait profiter d’un accès facilité à l’avocat, ces sites constituent un risque accru d’insécurité juridique. Plus de moyens devront être mobilisés par le CNB pour lutter contre les braconniers du droit et aider les confrères à être présents sur le Net par des contributions de qualité et un accès facilité et sécurisé à l’avocat.

Pour une collaboration et une installation préparée

Les élus du SAF poursuivront le travail engagé au profit des collaborateurs, qu’ils soient libéraux ou salariés. La collaboration libérale doit permettre à l’avocat qui le souhaite, de s’inscrire dans une perspective d’installation ou d’association. Au-delà de la nécessaire formation continue, cette relation doit comprendre un véritable compagnonnage. Le collaborateur salarié doit, quant à lui, conserver l’essence de la profession d’avocat, à savoir, son indépendance. Le SAF restera vigilant pour que ce statut protecteur ne soit pas contourné par l’utilisation abusive de collaborations « libérales » sans possibilité réelle de développement de clientèle.

Pour un maillage territorial garant de l’accès au droit

Les oppositions entre les petits barreaux et les grands barreaux de région, entre Paris et le reste de la France, n’ont pas lieu d’être. La profession doit se renforcer et trouver les moyens de sortir des divisions stériles pour enfin mettre en place un cadre serein où chaque avocat, quel que soit son mode d’exercice, puisse être assuré des conditions de son installation et de son exercice. Le CNB devra engager la réflexion sur les solidarités régionales à mettre en œuvre et permettre de pérenniser et assurer une couverture de l’ensemble du territoire par les avocats, garants de l’accès au service public de la justice.

Pour la défense des droits et des libertés

Le changement de majorité n’a pas permis un changement de philosophie dans les politiques de justice et de sécurité mises en œuvre (faiblesse de la loi sur la récidive, nouvelle loi d’exception en matière de lutte contre le terrorisme…). La peur de l’autre reste encore le principal marqueur des choix en la matière. Le CNB devra maintenir son engagement fort de propositions vis-à-vis des pouvoirs publics, en faveur de politiques garantes des libertés fondamentales et des droits de la défense.

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