Le Conseil d’État vient de rendre sa décision, ce 2 février 2024, sur le régime juridique appliqué aux frontières intérieures depuis 2015 après que la Cour de justice de l’Union européenne a, dans un arrêt du 21 septembre 2023, interprété le droit de l’Union.
Conformément aux demandes des associations, le Conseil d’État annule l’article du Ceseda qui permettait d’opposer des refus d’entrée en toutes circonstances et sans aucune distinction dans le cadre du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.
Surtout, suivant son rapporteur public, le Conseil d’État souligne qu’il appartient au législateur de définir les règles applicables à la situation des personnes que les services de police entendent renvoyer vers un État membre de l’espace Schengen avec lequel la France a conclu un accord de réadmission – entre autres, l’Italie et l’Espagne.
Après huit ans de batailles juridiques, le Conseil d’État met enfin un terme aux pratiques illégales des forces de l’ordre, notamment en ce qui concerne l’enfermement des personnes hors de tout cadre légal et au mépris de leurs droits élémentaires à la frontière franco-italienne. Le Conseil constate que leur sont notamment applicables les dispositions du Ceseda relatives à la retenue et à la rétention qui offrent un cadre et des garanties minimales. Enfin, il rappelle l’obligation de respecter le droit d’asile.
Nos associations se félicitent de cette décision et entendent qu’elle soit immédiatement appliquée par l’administration.
Elles veilleront à ce que les droits fondamentaux des personnes exilées se présentant aux frontières intérieures, notamment aux frontières avec l’Italie et l’Espagne, soient enfin respectés.
Organisations signataires :
ADDE
Alliance DEDF
Anafé
Emmaüs Roya
Gisti
Groupe accueil et solidarité
La Cimade
Ligue des droits de l’Homme
Roya Citoyenne
Syndicat des avocats de France
Syndicat de la magistrature
Tous migrants
Depuis plusieurs mois, le gouvernement mène une offensive méthodique contre les personnes étrangères. Dernier épisode en date : l’« opération nationale de contrôle des flux », lancée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau les 18 et 19 juin derniers. Une opération coordonnée à l’échelle du territoire, mobilisant des milliers de membres des forces de l’ordre dans les gares, les trains et les bus, avec un objectif clair : traquer, interpeller, enfermer. Cette opération de traque policière contre les étrangers s’est appuyée sur les contrôles d’identité dits « aléatoires », dont chacun sait qu’ils sont ciblés, discriminatoires, et fondés sur des critères de faciès. Elle marque un tournant supplémentaire dans l’escalade sécuritaire du pouvoir exécutif, qui assume désormais des politiques de ciblage de masse des personnes étrangères. Dans ce contexte, la proposition de loi portée par Retailleau, examinée en première séance à l’Assemblée nationale le 1er juillet, vise à allonger la durée de rétention dans les CRA, en arguant à nouveau de cette rhétorique de l’ordre public et au service d’un amalgame toujours plus poussé entre étrangers et délinquants. Une mesure profondément violente, qui s’inscrit dans une stratégie plus large : normaliser l’enfermement administratif, rendre plus difficile encore toute possibilité de défense, et ancrer dans le droit