Depuis le mois de janvier 2025, le centre pénitentiaire de Guyane (CPG) connaît une vague de décès sans précédent. Selon les chiffres communiqués par la presse, neuf détenus seraient décédés, dont cinq suicides *.
Ces drames humains traduisent l’extrême dégradation des conditions de détention dans cet établissement, régulièrement pointées du doigt par les instances nationales et internationales, ainsi que par le tribunal administratif de la Guyane qui sanctionne très régulièrement l’État pour avoir placé les détenus dans des conditions d’incarcération constituant une atteinte à la dignité humaine.
De fait, le CPG s’apparente de plus en plus à un véritable mouroir.
Le taux de suroccupation y atteint des niveaux records : 228,5 % dans les quartiers hommes et 171 % dans le quartier femmes. Concrètement, des détenus sont contraints de dormir sur des matelas posés à même le sol, dans des cellules surpeuplées où l’espace vital est réduit à 2,5 m² par personne, bien en deçà de la norme minimale européenne de 4 m² en cellule collective et 6 m² en cellule individuelle.
À cette surpopulation insoutenable s’ajoutent des conditions matérielles indignes : locaux insalubres et vétustes, dysfonctionnements sanitaires, prolifération de nuisibles, manque de lumière et d’aération. La prise en charge médicale est plus que médiocre. Pour exemple, aucun dentiste n’est intervenu au centre pénitentiaire pendant plusieurs années. Les détenus font des demandes multiples qui n’aboutissent que rarement pour rencontrer un psychologue ou un psychiatre. L’absence d’activités éducatives ou professionnelles, notamment pour les adultes et les mineurs de plus de 16 ans, entretient un climat de désœuvrement. Dans ce contexte, les violences se sont presque multipliées par deux en deux ans, aggravant encore la tension et le désespoir au sein de la détention.
Ces conditions indignes touchent également les travailleurs de l’administration pénitentiaire, avec une insécurité croissante pour ses agents, en sous-effectif chronique, qui ne peuvent exercer leurs missions sereinement.
La section guyanaise du Syndicat des avocat·es de France dénonce une situation indigne d’un État de droit. La prison ne peut pas être un lieu de mort et de désespoir. Les personnes détenues, quelles que soient les infractions reprochées, ont droit à la dignité.
La section guyanaise regrette par ailleurs l’absence de transparence concernant le nombre de décès de détenus et leur cause précise, malgré plusieurs demandes adressées au procureur de la République et au directeur du centre pénitentiaire.
Aussi, le SAF – Guyane demande :
• La mise en place immédiate de mesures pour réduire la surpopulation carcérale, notamment par un recours accru aux aménagements de peine et aux alternatives à l’incarcération ;
• Le respect des normes minimales d’espace vital et de dignité imposées par le Conseil de l’Europe ;
• L’ouverture d’une enquête indépendante sur les décès survenus en détention ;
• La communication systématique à l’Ordre des avocats si un décès survient au CPG ;
• Des moyens renforcés pour garantir un accès effectif aux soins, à l’accompagnement psychologique et aux activités de réinsertion.
Le SAF Guyane appelle la direction pénitentiaire du CPG, la préfecture de la Guyane et le ministère de la Justice à prendre la pleine mesure de cette urgence. Chaque jour qui passe sans action met des vies en danger.
Le temps des rapports accablants est révolu : il faut désormais des actes.
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* « Un détenu retrouvé sans vie à Rémire-Montjoly, le syndicat UTG-CGT parle d’un suicide présumé », Guyane La 1ère, 19 octobre 2025 ; « Un détenu retrouvé mort dans sa cellule dimanche matin », Radio-Télé Peyi Guyane, 20 octobre 2025.