Aujourd’hui, alors que les fondements mêmes de notre droit sont ouvertement ou implicitement remis en cause par des responsables politiques, l’indépendance de la justice est niée, questionnée, contestée.
Les juges sont naturellement les premières cibles, mais les avocats ne sont pas en reste. Le principe même de la Défense, l’indépendance de notre fonction et la probité de la profession subissent de plus en plus d’attaques.
Mais cette fois, le discrédit est jeté par des magistrats, comme en témoigne la situation à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, où les juges en charge du contrôle de la rétention administrative des étrangers n’hésitent plus à affirmer, assez explicitement, que la parole des avocats ne vaut pas grand-chose.
Des audiences se tiennent depuis l’automne 2024 en visio pour des étrangers placés au centre de rétention (CRA) de Nice. Le CRA et la salle de visio se situent dans une caserne de police. Les personnes retenues sont extraites du CRA pour être conduites dans un simple bureau, au cœur même du commissariat de police, entourés de policiers. Cette scène est manifestement illégale, contrevenant à de nombreux principes dégagés notamment par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation.
Des confrères et consœurs soulèvent depuis des mois l’illégalité de ces audiences. En retour, les magistrats avancent des réponses si déconcertantes qu’elles en deviennent révélatrices du malaise. Dans des ordonnances rendues par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence des juges n’hésitent pas à souligner à quel point la tenue d’une audience dans de telles conditions serait indigne et illégale. Mais la Cour estime que les avocat.e.s ne rapporteraient pas la preuve que la salle de visio, qui est censée être une salle d’audience, se trouve effectivement dans le commissariat. Ainsi, les magistrats affirment ne pas savoir où se trouvent les justiciables qu’ils jugent et convoquent pour une audience préciser l’adresse de la salle de visio…
Faut-il en conclure que les juges nous soupçonnent de nous être égarés dans les méandres des bâtiments administratifs ? Ou bien assument-ils de penser, et d’écrire, que des avocat.e.s mentent sciemment, à chaque audience, depuis des semaines sur le lieu dans lequel ils sont amenés à défendre leurs clients ?
Il suffirait pourtant que la Cour visite le bureau de visio (certains l’ont fait), ne serait-ce que pour s ’assurer des conditions dans lesquelles la justice électronique est rendue. Mais visiblement reconnaitre les conditions illégales de la tenue des audiences en visio, viendrait confirmer que toutes les audiences tenues depuis plusieurs mois sont illégales.
Le SAF s’indigne de la remise en cause de la parole des confrères et consœurs. Disqualifier ainsi la parole de la Défense, c’est conforter la mise à mal de l’ensemble de l’institution judiciaire.
Le SAF apporte son soutien aux confrères et consœurs dont la parole est remise en doute, et appelle à venir constater l’indignité dans laquelle la justice est rendue.