PUBLIÉ LE 23 juin 2021

 

Le SAF s’est toujours opposé à l’installation des box vitrés et barreaudés dans les salles d’audience parce que ces dispositifs portent résolument atteinte au principe de la présomption d’innocence, à la dignité de la personne humaine et aux droits de la défense.

Le SAF avait saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action en responsabilité qui avait fédéré la profession (Conseil national des barreaux, Conférence des Bâtonniers, ordres d’avocats de nombreux barreaux et diverses organisations professionnelles d’avocats) contre la généralisation de ces cages de verre impulsée par l’arrêté du 18 août 2016 du garde des Sceaux, ministre de la Justice, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité.

En février 2018[1], le tribunal de grande instance de Paris avait admis que la responsabilité de l’État pouvait être engagée à raison de l’usage de ces cages de verre mais à la condition qu’une appréciation au cas par cas soit portée sur l’entrave effective aux droits de la défense et le degrés d’atteinte portée à la dignité de la personne encagée.

Cependant cette appréciation qui relève de la police de l’audience et donc des pouvoirs discrétionnaires du président, est dépourvue du moindre recours effectif.

Face aux atteintes aux droits fondamentaux des prévenus et accusés lors de leur présentation à l’audience et le risque d’un certain arbitraire, le SAF avait saisi le Conseil d’État pour contester la légalité de l’arrêté du 18 août 2016 du ministre de la Justice, vecteur de cette généralisation des box sécurisés.

En octobre 2020[2], le Conseil d’État était invité à consacrer le droit à un recours effectif contre la décision d’utilisation des cages de verre par les Présidents d’audience. Il ne le fit pas, au motif qu’il est loisible à la défense de déposer des conclusions pour demander la comparution libre de l’accusé ou du prévenu et qu’il lui est permis de demander à faire acter les difficultés que l’accusé ou le prévenu aurait à communiquer librement avec son avocat, ou à entendre les propos tenus au cours des débats.

Or dans la pratique, la jonction quasi-systématique de l’incident au fond, dans le premier cas, et l’absence d’incidence immédiate sur le déroulement du procès, dans le second, privent de faits les personnes comparaissant dans les cages de verre d’un recours effectif.

Ainsi non seulement la juridiction administrative refusait le bénéfice d’un recours effectif aux personnes jugées dans des conditions indignes et impropres à l’exercice des droits de la défense, mais elle refusait par ailleurs de trancher la question de la compétence réglementaire du garde des Sceaux pour organiser, par une décision générale relative à une politique nationale, l’espace même où se tient le procès et à la façon dont se présentent les prévenus lors de celui-ci.

En février 2021[3], le Tribunal des conflits confirmait l’appréciation du SAF et renvoyait le juge administratif à son office, s’agissant d’un domaine relatif à l’organisation du service public de la justice.

Contraint de s’y pencher, le Conseil d’État inaugure par son arrêt du 21 juin[4] dernier un danger sans précédent en reconnaissant l’application des dispositions du code la défense pour légitimer les compétences règlementaires du garde des Sceaux dans le cadre du déroulement du procès pénal.

Le SAF considère au contraire que le recours aux mesures de contraintes physiques et les règles de présentations des prévenus dans le cadre du procès pénal doivent relever du domaine de la loi.

Au même titre que le recours aux menottes ou aux dispositifs de visioconférence, le SAF considère que le recours aux cages de verre doit désormais faire l’objet d’un encadrement strict du législateur dès lors qu’elles interfèrent dans le respect des droits fondamentaux du prévenu ou de l’accusé.

Le SAF ne peut que regretter, qu’à nouveau, le Conseil d’État, au mépris de la séparation des pouvoirs, cède aux sirènes sécuritaires et sacrifie la dignité des justiciables, le principe de la présomption d’innocence et leur droit à être défendu, sur l’autel de dispositifs qu’aucun professionnel ne réclamait.

 

 

 

 

[1] TGI Paris, 12 février 2018

[2] CE, 6ème chambre, 16 octobre 2020, Syndicat des avocats de France, n°423954, contentieux concernant la transposition de la directive (UE) 2016/343 du 9 mars 2016

[3] TC 8 février 2021, Syndicat des avocats de France c/ garde des sceaux, ministre de la Justice, n° 4202

[4] CE, 6ème – 5ème chambres réunies, 21 juin 2021, Syndicat des avocats de France, n° 418694

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