A l’attention des candidats aux élections législatives
Paris, le 29 mai 2017
Mesdames, messieurs,
Dans quelques semaines, les citoyens sont appelés à retourner aux urnes. Vous êtes candidats aux élections législatives et à ce titre, vous demandez à pouvoir dire le droit, faire la loi.
Si vous êtes élus à l’Assemblée nationale vous aurez à vous prononcer rapidement sur des questions primordiales, pour une part très importante de la population, telles que l’éventuelle prorogation de l’état d’urgence, la modification du droit du travail ou encore la politique pénale. Les avocats du Syndicat des avocats de France, défenseur des droits et des libertés individuelles et collectives, demandent à chacun d’entre vous de lui faire part de sa position sur les sujets suivants.
1 – Etat d’urgence
La France se trouve en état d’urgence depuis bientôt deux ans. A ce titre, de nombreuses libertés publiques sont ainsi suspendues pour un certain nombre de personnes (liberté d’aller et venir, impossibilité de travailler, d’avoir une vie de famille etc.), ce qui entraine une véritable fracture sociale. L’efficacité dans la durée de cet état est mise en doute, par de nombreuses autorités (anciens président de la République et garde des Sceaux, vice-président du Conseil d’Etat, présidente de la CNCDH, Défenseur des droits, experts de l’ONU, Conseil de l’Europe) qui s’accordent à considérer qu’il ne peut faire l’objet dans un pays démocratique, d’un renouvellement systématique.
Voulez-vous nous indiquer, ainsi qu’à vos électeurs qui y sont soumis, si vous êtes disposé à y mettre fin après dix-huit mois d’application ?
2 – Le droit du travail
Le nouveau président de la République a annoncé son intention de « simplifier » le code du Travail par ordonnance pendant l’été. Ces simplifications, qui vont entrainer la modification des droits de millions de salariés vis-à-vis de leurs employeurs (durée légale du travail, rupture du contrat de travail, réparation des licenciements abusifs,) visent, après la loi El Khomry, à augmenter largement les pouvoirs de l’employeur en matière de licenciement et d’organisation du travail et de précariser la situation des salariés. Les employeurs bénéficieront, de fait d’un droit d’option, entre le respect du droit du licenciement et le paiement – en cas de condamnation – de dommages et intérêts d’un montant prédéterminé.
La procédure par ordonnance permet d’opérer cette réforme en limitant considérablement le débat parlementaire. Etes-vous prêts à autoriser, par votre vote, le gouvernement à légiférer par ordonnance ? Si le vote de ces mesures vous était finalement soumis, vous prononceriez-vous en leur faveur ? Vous y opposeriez-vous ou choisiriez-vous de vous abstenir ?
3 – En matière de droit pénal, dans son programme électoral, le nouveau président de la République a prévu de renoncer à la recherche systématique d’un aménagement de peine, c’est-à-dire à favoriser l’inscription de la personne condamnée dans une perspective d’insertion professionnelle, de formation ou de soins, en abrogeant les lois Taubira et Dati permettant cet aménagement.
Pourtant, cette politique mise en œuvre et développée par les gouvernements successifs des deux derniers quinquennats, a démontré son efficacité contre la récidive. De plus, les conditions de détention en France sont actuellement déplorables et le problème de la surpopulation carcérale ne pourra être résolu avant des années par la seule construction de prisons supplémentaires.
Quelle sera votre position si ce projet était malgré tout porté au vote du Parlement ?
Je vous remercie de l’attention que vous avez portée au présent courrier, aux légitimes questions que de nombreux électeurs se posent, ainsi que de votre réponse prochaine, laquelle sera publiée sur notre site.
Veuillez agréer, mesdames, messieurs, l’expression de mes sentiments distingués.
Bertrand Couderc
Président du SAF