PUBLIÉ LE 3 février 2016

Pour la troisième fois en quatre ans, l’exécutif envisage de modifier la procédure pénale en matière de criminalité organisée. Alors que la vocation originelle du projet de loi était d’accroître le caractère contradictoire de la procédure, celle-ci, sous le joug de l’actualité, est abandonnée au profit d’une réponse purement sécuritaire dont le texte aujourd’hui présenté par le Gouvernement porte les stigmates.

Ainsi, le gouvernement envisage de confier au parquet certains pouvoirs d’investigation dévolus au juge d’instruction. Il est prévu, dans le cadre des enquêtes, préliminaires ou de flagrances, que le procureur de la République puisse ordonner des perquisitions de nuit, la captation de parole et la sonorisation de lieux d’habitation, après avoir obtenu l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Si l’exécutif met en avant l’existence de ce contrôle juridictionnel, celui-ci restera toutefois purement théorique. Comment imaginer que le juge des libertés et de la détention pourra se prononcer sereinement alors qu’il prendra connaissance du dossier sur le moment ?

Il fut un temps où la collégialité de l’instruction était considérée comme le garant d’une bonne marche de la justice. Aujourd’hui, il n’est plus question de collégialité et encore moins de débat contradictoire : au nom de l’efficacité le parquet sera seul décisionnaire, sans les contre-pouvoirs attachés à la procédure devant le juge d’instruction. Les pouvoirs d’une autorité, dont le statut, ainsi que l’indique paradoxalement le Gouvernement dans son exposé des motifs, a été « ébranlé » par la jurisprudence de la Cour vont paradoxalement être renforcés.

Plus grave encore, le préfet fait son retour dans le code de procédure pénale : il pourra autoriser les forces de l’ordre à procéder à une fouille des bagages et des véhicules pour une période de 12 heures en cas de menace terroriste aux abords des installations, établissements ou ouvrages sensibles. En confiant au préfet des pouvoirs mettant en jeu des libertés fondamentales, qui étaient jusque là dévolus au procureur de la République, le gouvernement continue d’éroder le principe de séparation des pouvoirs au profit d’une expansion du pouvoir exécutif.

Alors que le candidat Hollande s’était engagé à lutter contre les contrôles au faciès, pour finalement y renoncer, il est à craindre que ces fouilles visent au final les personnes qui font déjà l’objet de contrôles récurrents.

En outre, les assignations administratives utilisées dans le cadre de l’état d’urgence vont être pérennisées sans recours effectif ni garantie contre ce pouvoir qui démontre jour après jour son caractère arbitraire.

Enfin, le projet crée un cas d’irresponsabilité pénale des forces de l’ordre en matière d’usage des armes à feu en cas d’acte terroriste. L’absence de qualification juridique précise des conditions et circonstances de l’utilisation des armes à feu ouvre la voie à des dérives graves dans un domaine où les condamnations des agents de police pour homicide ou blessures, hors des cas de légitime défense, sont rares. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs dans son avis considéré cette disposition problématique.

L’objectif du projet est clair : renforcer les pouvoirs de certains (parquet et préfet) pour éviter l’intervention d’autres (le juge du siège). Pour le Syndicat des avocats de France cette défiance à l’égard de l’autorité judiciaire ne saurait être présentée comme une réponse adaptée face à la menace terroriste.

En effet aujourd’hui, et le gouvernement en est parfaitement conscient le juge a les outils juridiques d’investiguer, mais les moyens humains et financiers lui font défaut.

En cette période troublée, la réforme de la procédure pénale ne saurait se réduire à la seule lutte contre le terrorisme mais doit être l’expression d’un état de droit démocratique et permettre, enfin, l’avènement d’une procédure contradictoire digne d’une justice garante des libertés individuelles.

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