Alors que le rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations Unies, Michel Forst, considère que la France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux, le tribunal administratif de Paris vient de condamner vingt-sept fois l’État français pour avoir empêché des militant.e.s du mouvement italien “No Tav” de rejoindre un événement d’opposition au projet ferroviaire de ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin. Cet événement au cours duquel étaient prévus débats, performances artistiques et une manifestation, était en partie organisé par les Soulèvements de la Terre et s’est tenu du 16 au 18 juin 2023.
Plusieurs dizaines de personnes, dont une de nationalité française, se sont vu refuser l’entrée sur le territoire français, et ont pour certaines d’entre elles été refoulées vers l’Italie les 15, 16 et 17 juin 2023 en raison d’interdictions administratives du territoire (IAT) prises à leur encontre, ou pour d’autres, en raison d’un supposé risque de trouble à l’ordre public.
Le 26 mars et le 4 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a, par vingt-sept décisions, annulé l’ensemble les décisions administratives litigieuses. Il a condamné l’État, d’une part, à verser à chacun.e des requérant.es une somme allant de 500 à 1300 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et d’autre part, au remboursement des frais de justice.
Le ministère de l’Intérieur précisait, pour justifier les IAT, « que ce mouvement local était appuyé par le mouvement écologiste radical “Les Soulèvements de la Terre” ». Loin d’adhérer à cet argumentaire, et conformément à la décision du Conseil d’État annulant la dissolution de ce mouvement, le tribunal administratif de Paris a considéré que le fait d’avoir pour projet de participer à des événements organisés par les Soulèvements de la Terre n’est pas de “nature à révéler […] l’existence, dans le comportement personnel [des requérants], du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », condition de légalité d’une IAT.
Le Syndicat des avocats de France (SAF), l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les personnes étrangères (ANAFÉ), l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) ont soutenu ces recours par intervention volontaire.
Si les requérant.es sont satisfait.es par ces décisions qui reconnaissent l’illégalité des méthodes employées par l’État pour réprimer les militant.e.s écologistes, il.elles regrettent que l’indemnisation n’ait pas été plus conséquente eu égard aux graves atteintes aux droits et libertés fondamentales (liberté d’expression, de réunion et de circulation) dans un contexte de durcissement revendiqué de la répression et de la criminalisation des mouvements militants, libertés pourtant consubstantielles à toute société démocratique.
Alors que l’Europe économique est en constant développement, nous ne pouvons que regretter que des obstacles soient posés à la construction d’une Europe respectueuse des principes démocratiques.
Communiqué du SAF, de l’ADDE, de l’ANAFÉ, de la LDH, et des avocat.e.s : Anna BLANCHOT (barreau de Brest), Alexis BAUDELIN, Fayçal KALAF, Alexandre MAESTLÉ (barreau de Paris), Flor TERCERO (barreau de Toulouse)