La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé jeudi 26 octobre, devant plusieurs centaines de maires de communes touchées par les révoltes urbaines, des mesures sécuritaires et judiciaires. Le gouvernement veut notamment créer une « force d’action républicaine » et renforcer les sanctions pénales contre les parents.
Avec ces mesures, le gouvernement va aggraver la situation des familles les plus en difficultés.
Comme « réponse pénale exemplaire et refus total de l’impunité », est annoncée la possibilité deplacer« des jeunes délinquants, de manière obligatoire, dans des unités éducatives de la protection judiciaire de la jeunesse » jusqu’à « envisager un encadrement de jeunes délinquants par des militaires ». S’agit-il désormais d’écarter les juges des enfants et de prononcer des mesures de placement directement depuis la place Beauvau ?
Quant au recours à l’armée, les multiples exemples à travers l’histoire récente ont montré l’incohérence et l’absence de pertinence de ces projets sur le plan éducatif. Ces annonces sont désespérantes pour les professionnels de l’enfance et de l’éducation qui œuvrent au quotidien en lien avec les familles pour permettre aux adolescents les plus en difficulté de construire des projets de vie solides, pérennes et émancipateurs.
L’exécutif souhaite aussi et surtout « que des stages de responsabilité parentale ou des peines de travaux d’intérêt général puissent être prononcées à l’encontre des parents qui se soustraient à leurs devoirs éducatifs ». Pour rappel, le travail d’intérêt général est une peine, ainsi les parents seraient condamnés – et potentiellement incarcérés en cas d’inexécution de cette peine – suite à des actes posés par leurs enfants ?
A été annoncée la création d’une contribution financière citoyenne et familiale que les mineurs et leurs parents devront payer à des associations de victimes. Or, les parents sont déjà responsables, en tant que gardiens, des dommages causés par leur enfant, mais responsables de la réparation due à la victime. Enfin et surtout, des dispositifs existent déjà, mais ce sont les juges qui apprécient au cas par cas les situations, tant pour les enfants que s’agissant de la responsabilité parentale.
Avec ces mesures l’exécutif n’entend plus seulement culpabiliser les parents, mais les mettre au ban des accusés. À travers cette mise à l’index, c’est encore une fois la stratégie du bouc émissaire idéal, qui permet surtout au gouvernement et à l’État de s’exonérer de toute responsabilité. Si l’on voulait humilier les parents les plus en difficulté et caresser les politiques les plus réactionnaires, on ne s’y prendrait pas autrement.
Sanctionner financièrement davantage, annoncer le prononcé des peines contre des parents du fait de leurs enfants, placer les jeunes délinquants dans des centres fermés, obligatoirement, donc sans regard du juge des enfants, centres qui sont déjà majoritairement dysfonctionnants… ces annonces relèvent d’une politique à la fois inadaptée, fantasmée, non conforme à la hiérarchie des normes mais surtout dangereuse dans le signal qu’elle adresse à l’imaginaire collectif. Nous demandons au gouvernement de renoncer immédiatement à tout projet de loi qui consisterait à pénaliser la pauvreté encore davantage.
S’agissant des annonces du volet social, si parmi elles, les augmentations budgétaires pour des rénovations thermiques des logements ou les actions d’aide au retour à l’emploi sont salutaires, d’autres sont scandaleuses. Ne plus attribuer de logement aux familles les plus précaires dans les quartiers dits prioritaires, au motif de favoriser la mixité sociale, revient à laisser à la rue des enfants et leurs parents. Cette politique est indigne de la 6e puissance économique mondiale.
Au lieu de ces effets d’annonce, dans la surenchère vers le répressif, pourquoi le gouvernement ne s’attaque-t-il pas au fond réel du problème ? Pourquoi n’investit-il pas davantage dans l’aide à la parentalité, dans la prévention, dans l’accroissement des moyens matériels et humains afin de permettre une prise en charge éducative adaptée ?
Sur l’ensemble du territoire, les services publics de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse sont exsangues, sans même parler des politiques de prévention qui sont savamment passées sous les fourches caudines des politiques d’austérité.
Les annonces gouvernementales du 26 octobre oublient la situation des territoires laissés à l’abandon par les différentes politiques publiques et font fi des violences policières et de la mort du jeune Nahel à l’origine des révoltes urbaines.
Plutôt que de porter des principes coercitifs sans cesse plus déconnectés de la réalité, le gouvernement devrait faire de la protection de l’enfance une priorité, comme de l’ensemble des services publics de la justice et de l’éducation.
Ce ne sont pas des annonces tonitruantes et répressives qui permettront aux différents acteurs de la protection, au civil comme au pénal, de mieux accompagner les enfants en difficulté et leurs familles, mais bien des politiques de prévention pérennes.