Trois décrets du 2 décembre 2020 (nos 2020-1510, 2020-1512 et 2020-1521) élargissent considérablement l’ampleur des fichiers Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP), Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) et Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), qui concernent les personnes « dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat. ». Les éléments contenus dans ces décrets ne sont pas sans rappeler le fichier EDVIGE qui, en 2008, avait suscité une vive réaction de la population jusqu’à son retrait par le gouvernement. En 2020, par un tour de passe-passe, le gouvernement s’épargne la consultation de la CNIL sur une des parties les plus sensibles du texte, en ajoutant au dernier moment la mention « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale ». Outre cet aspect des textes déjà hautement contestable, ces décrets autorisent également le fichage de l’activité d’une personne sur les réseaux sociaux ou encore « des données de santé révélant une dangerosité particulière ». Le champ des personnes susceptibles d’être concernées est ainsi très large. Ce faisant, et après des dispositions conduisant à porter atteinte au droit de manifester, il
Dernières actualités // décembre 2020
Libertés
Fichage sans limites au nom de la sécurité publique : le spectre de Big Brother en 2021
Exercice professionnel
Le SAF est défavorable à la rémunération de l’apport d’affaires
Loin de créer des conditions économiques favorables au développement de la profession d’avocats, le projet de rémunération de l’apport d’affaires conduirait à affaiblir nos règles déontologiques et à monnayer le respect de nos principes essentiels d’agir avec compétence et prudence à l’égard de nos clients. Cette nouvelle activité lucrative pour ceux qui feront de l’apport d’affaires une activité rémunératrice à part entière, constituera pour les autres une charge supplémentaire. Son coût sera supporté soit par une réduction de la rémunération du cabinet d’avocat receveur, soit, in fine, par les justiciables qui estiment déjà l’accès à l’avocat trop cher. La rémunération de l’apport d’affaires creusera le déséquilibre au sein de la profession entre les cabinets à forte notoriété qui développeront cette activité pour répartir ensuite les affaires contre commission auprès d’autres cabinets moins renommés. Ce projet est outre porteur de risques pour la profession dont les règles déontologiques et l’indépendance garantissent que les fonctions d’assistance et de conseils juridiques soient protégées d’une ouverture à d’autres acteurs. Rien ne garantit que cette nouvelle activité ne soit réservée aux seules professions réglementées, dès lors que le principe de libre concurrence s’applique aux activités commerciales. Le mélange des genres entre activité juridique protégée et
Droit des Mineurs
Déclaration d'entente franco-marocaine sur les mineur.es isolé.es, respecter les droits de l'enfant avant tout
Le Garde des Sceaux a signé le 7 décembre un document intitulé « Déclaration d’entente sur la protection des mineurs » avec son homologue marocain. Engagées auprès de ces enfants depuis plusieurs années, les organisations et les professionnels signataires déplorent le manque de concertation et de transparence dans l’élaboration de cet accord. Nous venons de demander au Garde des Sceaux qu’il nous communique ce texte ainsi que les instructions qu’il entend donner pour sa mise œuvre par les services judiciaires. Il nous semble en effet primordial de s’assurer que ses dispositions soient conformes à l’intérêt supérieur des enfants, dans le respect de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Nous avons en mémoire la précédente collaboration bilatéral e avec un autre État sur le retour de mineur⋅ es isolé⋅ es. Il s’agissait de l’accord franco-roumain de 2011 qui ne présentait pas les garanties nécessaires s’agissant du droit des enfants et avait pour cette raison été censuré par le Conseil Constitutionnel . Les enfants en errance sur notre territoire, qu’ils soient marocains ou d’autres nationalités, doivent avant tout être protégés et accompagnés vers des dispositifs de droit commun adaptés. Il s’agit de mineur⋅es en danger présentant des carences importantes (affectives, éducatives, alimentaires) et
Droit des étrangers
Refus d’assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées à la frontière franco-italienne : le tribunal administratif de Marseille sanctionne à son tour l’administration
Le 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a sanctionné le refus opposé à nos associations de porter une assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées illégalement dans le local attenant au poste de la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre. Considérant que cet espace ne peut constituer un local de « mise à l’abri », le juge des référés vient s’inscrire dans la lignée de la décision du 30 novembre dernier du tribunal administratif de Nice. Le 16 octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont présentées aux locaux de la PAF de Montgenèvre afin d’apporter assistances juridique et médicale aux personnes y étant enfermées. Au prétexte d’une « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé par la PAF de Montgenèvre puis par la préfecture des Hautes-Alpes. Saisi de ce refus, le tribunal administratif de Marseille a demandé à l’administration de réexaminer la demande d’accès des associations dans ces locaux où les personnes sont placées sous la contrainte de la police aux frontières. Il s’est en outre prononcé sur cette pratique de privation de liberté à la frontière franco-italienne, organisée par l’Etat français. Reconnaissant qu’il ne peut être soutenu que le local
Libertés
Dissolution du CCIF : Une grave atteinte aux libertés publiques et à la démocratie
Par décret du 2 décembre 2020 le Président de la république a prononcé la dissolution du CCIF, Collectif contre l’islamophobie en France, sur le fondement de l’article L 212-1 du Code de sécurité intérieure. Aux termes de cette loi, la dissolution d’une association sanctionne la provocation à la discrimination, à la haine, à la violence ou à des actes de terrorisme. La lecture du décret de dissolution démontre que le gouvernement sanctionne en réalité un délit d’opinion : c’est parce qu’il dénonçait le caractère discriminatoire des mesures législatives pour prévenir ou combattre le terrorisme, que pour le gouvernement le CCIF « doit être regardé comme cautionnant de telles idées au risque de susciter, en retour, des actes de haine, de violence ou de discrimination ». Le raccourci fait entre critique des politiques de l’État et provocation au terrorisme fait froid dans le dos. La liberté d’association et la liberté d’expression sont au cœur de tout Etat démocratique. Elles impliquent la faculté de contester l’état du droit, l’action politique et les décisions judiciaires. Cette dissolution administrative est d’autant plus inquiétante qu’aucune poursuite pénale n’a jamais été engagée contre l’association. L’action administrative prend ainsi le pas sur la justice. La lutte légitime contre le terrorisme
Droit des étrangers
L’avocat, la préfecture et le Covid-19 - Le juge des référés garantit l’accompagnement des usagers par leurs avocats dans leurs démarches administratives
Le juge des référés du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, par ordonnance du 10 décembre 2020, a jugé que l’interdiction opposée aux avocates et avocats d’accéder aux locaux de la préfecture pour assister son client lors d’un rendez-vous porte une atteinte grave et manifestement illégale au libre exercice de la profession d’avocat et au droit pour un administré d’être accompagné par un avocat dans ses démarches. Le Syndicat des Avocats de France est intervenu volontairement, aux côtés de l’Ordre des Avocats du Val d’Oise, devant le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise saisi d’un référé liberté par une avocate qui s’était vu refuser l’accès aux locaux alors qu’elle accompagnait son client à un rendez-vous devant les services de la Sous-Préfecture de Sarcelles. Dans son Ordonnance, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que si l’état d’urgence sanitaire autorise le Préfet à interdire, restreindre ou réglementer l’accès aux établissements recevant du Public, ces mesures doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi. Il a jugé que le libre exercice de la profession d’avocat, qui implique une mission d’assistance et de conseil, et le droit pour un administré d’être accompagné par un avocat dans
Libertés
Vos opinions intéressent la police et le gouvernement
Avec trois décrets du 2 décembre 2020 (nos 2020-1510, 2020-1512 et 2020-1521), le gouvernement permet la collecte « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale », ainsi que « des données de santé révélant une dangerosité particulière ». Ainsi, des policiers et des gendarmes pourront renseigner et consulter les fichiers Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP), Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) et Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), qui concernent les personnes « dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l’Etat. » Le champ des personnes susceptibles d’être concernées est ainsi très large – surtout dans un contexte où, depuis trois ans, le gouvernement tend à considérer que tout manifestant est un fauteur de trouble en puissance, ce qui légitime dans son discours l’escalade dans la doctrine du maintien de l’ordre, et l’adoption de lois portant atteinte au droit de manifester. Après les mobilisations contre des mesures régressives et répressives (réforme des retraites et proposition de loi « sécurité globale ») et après les Gilets jaunes, ces décrets permettent à l’administration de ficher sans retenue des opposants politiques, leurs opinions et
Droit des étrangers
Manifestons le 18 décembre pour les droits des migrant-es
Le 18 décembre est la Journée Internationale des Migrant-es. Pour tous ceux qui se préoccupent de la défense des Droits humains, c’est l’occasion de rappeler l’importance de cette question, dans un contexte où le nationalisme, le racisme et la xénophobie s’acharnent à en faire un « problème ». Nous dénonçons les responsables politiques qui font un amalgame entre immigration et terrorisme comme l’a fait le ministre Darmanin dans sa tournée dans le pays du Maghreb en novembre 2020. Des dizaines de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes meurent sur les routes de la migration, victimes des politiques meurtrières de fermeture des frontières. L’Europe se veut une forteresse et le nouveau pacte asile et immigration en discussion sur le plan européen durcit encore les conditions d’accueil des personnes qui viennent y chercher un asile ou simplement un avenir et accélère les expulsions vers les pays d’origine. Nous militons pour une vraie politique de l’accueil, politique coordonnée entre les États de ce continent, et d’abord pour l’abolition de l’accord de Dublin. Des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vivent dans la précarité et la peur, sans logement stable et digne, sans pouvoir travailler comme ils le désireraient et sans accès aux droits
Droit des étrangers
Non à la fermeture invisible des voies de régularisation - Droit à un rendez-vous pour toutes et tous en préfecture
« Depuis trois mois, j’essaie de me connecter plusieurs fois par jour au site de la préfecture pour avoir un RV » raconte Karamoko, élève de bac professionnel, scolarisé en France depuis 4 ans. Wahiba, mère d’un enfant lourdement handicapé, se désole : « Si nous n’arrivons pas à avoir un titre de séjour, nous ne pourrons pas le laisser en Institut Médico-Educatif. Il sera sans solution pour l’école et pour les soins ». « Le plafond de notre appartement nous est tombé sur la tête, nous sommes considérés comme prioritaires pour un relogement, mais tant que je n’ai pas de papiers, ce n’est pas possible », constate Yasmine. Dans ces quelques témoignages, un aperçu de l’angoisse que ressentent tant de personnes étrangères, de familles, de jeunes, confrontés à une impasse : en dématérialisant les prises de rendez-vous, les préfectures ont quasiment fermé les portes de l’admission exceptionnelle au séjour, seule voie d’accès à une vie normale pour tant de personnes présentes en France depuis de nombreuses années, et qui vivent, travaillent, étudient parmi nous. Ces pratiques préfectorales, silencieuses et invisibles, puisque les files d’attente ont disparu, renvoient chaque usager à l’écran de son ordinateur, ou plus souvent de son téléphone, pour accéder à une première demande ou